Exercice inédit d’écriture créative 194

Le passé simpleA chaque anniversaire on lui offrait du passé
et ça commençait à l’énerver, sérieusement.

26 réponses

  1. Clémence dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé et ça commençait à l’énerver, sérieusement…

    Et comment, que cela énervait Kate !
    Voulez-vous encore une tranche de votre passé, Kate ?
    Non merci…

    Kate a quitté il y a presque dix ans la France, cédant à une attraction fatale pour New-York. Comment vais-je vous expliquer sa réussite ? Voyons… Ah, vous souvenez-vous du film « Family Man » avec Nicolas Cage ? Et bien, la vie de Kate en est la version féminine…pour ce qui concerne la première partie du film,du moins.
    La vie de Kate est une vie de papier glacé : tout est polissé, sans aucune ride, sans aucun raté : look , maquillage, manucure et coiffure … parfaits, cadre de vie : le nec plus ultra, appartement zen et spacieux , vue sur Central Park, profession : directrice d’une boîte de renommée mondiale, voyages qui font rêver tant pour leur luxe que pour leurs destinations…
    Kate a ce qu’elle a toujours rêvé d’avoir… tout, vraiment ?

    En cette fin août, elle s’apprête à fêter, pour la neuvième fois son trentième anniversaire, avec sa famille au grand complet, au mas bien sûr.

    Bien installée à bord de l’avion, en classe affaire, elle se détend; elle est prête pour son retour sur terre , car, à vivre presque toujours dans les airs, elle a oublié les sensation de la terre sous les pieds !
    Le vol se déroule à la perfection , comme d’habitude, menu léger mais raffiné, douceur de la couverture et du sommeil, atterrissage sans heurt , cabriolet de location et en route pour l’autoroute du soleil…

    Kate connaît la route par cœur, elle y a ses repères et ses haltes favorites, dont la dernière pour une retouche maquillage et un changement de tenue…la vacancière version « tendance » .
    Les derniers kilomètres… rester vigilante car la route devient de plus en plus sinueuse et offre des vues éblouissantes sur la Provence Verte.
    Elle se remémore les phrases cultes récurrentes…ence même jour, en ce même mois….
    Le temps n’a pas d’emprise sur toi, ma chérie….
    Tata, tu te souviens de quand tu m’avais vernis les ongles…
    Vraiment, ta maman a bien fait de te mettre un appareil dentaire quand tu étais petite, je me souviens de tes bouderies..tu ne voulais pas ouvrir la bouche…
    Tu te souviens, frangine, des balades à vélo… tu avais quel âge, déjà quand tu as fait cette fameuse chute… ?
    Je n’aurais jamais cru que la fille de mon petit frère réussirait si vite, si loin de nous, tu es partie il y a combien d’années déjà…..
    Tu te souviens… il y a déjà…..
    NOOOOOOOOON, je ne veux pas, je ne veux pluuuuuuuuuus……
    Madame Delamar, tout va bien… calmez-vous, vous avez certainement fait un cauchemar ; voulez-vous un verre d’eau fraîche ?
    Je suis désolée… oui, s’il vous plaît….
    Kate ferme les yeux, il y a encore quelques heures de vol….

    Kate arrive au mas : toute la famille est réunie et heureuse de l’accueillir, il y a tant à raconter ! Les vies de tout un chacun et les commentaires qui vont avec !
    Comment vas-tu ma Grande, as-tu fait bon voyage , meilleur que l’an dernier, tu te….
    Je vais bien, mais je voudrais quelque chose de neuf pour mon anniversaire …
    mais… mais….un cadeau tout neuf est prêt…
    Non, pas de cadeau, je veux qu’on me dise : ta vie va tournebouler, tu auras moins de responsabilités, tu auras du temps pour toi, tu ne rencontreras pas le prince charmant mais il lui ressemblera étrangement. Je veux qu’on me dise ….ta silhouette se transformera, ton appartement passera en mode tornade, tes cheveux et ongles pareils, …
    JE VEUUUUUUUUUUUUX……..
    – Madame Delamar, tout va bien… calmez-vous, vous avez certainement fait un cauchemar ; voulez-vous un verre d’eau fraîche ?
    Je suis désolée… oui, s’il vous plaît….
    Nous atterrirons d’ici peu… si vous avez besoin de quoi que ce soit….

    Au volant de son cabriolet, Kate sourit….la vie est belle….elle connaît son autoroute du soleil par cœur, elle y a ses repères et ses haltes favorites, dont la dernière pour …..

  2. LE CRUGUEL Jeannig dit :

    Monsieur,
    Je demeure entre Lorient et Paris.
    Des personnes dont ma Psychanalyste me recommandent d’écrire!
    Il s’agirait plutot d’écrire des souvenirs d’enfance,de jeunesse qui me pèsent encore (74ans) (je me retrouve dans le livre de Tomasella sur l’abandon)
    « On t’enviait » me répète-elle !…
    Vous remerciant pour votre réponse,
    Je vous prie d’agréer,Monsieur, mes salutations les meilleures.

    Jeannig LE CRUGUEL.
    TEL 0613251422

  3. LE CRUGUEL Jeannig dit :

    Écriture .
    Monsieur,
    J’espère que mon mail vous est parvenu!…
    J’aimerais participer à un de vos stages. Pourriez-vous s’il vous plait, m’envoyer toutes indications a ce sujet.
    Vous en remerciant infiniment d’avance,
    Je vous prie de recevoir,Monsieur, mes meilleures salutations.
    Jeannig LE CRUGUEL.
    Tel 0613251422 -0297659394.

  4. Françoise -Gare du Nord dit :

    La première fois, sa famille lui avait offert un passé tout simple : un assortiment de ses plus beaux souvenirs d’enfance. Elle fut déçue de ce présent mais parvint malgré tout à cacher son dépit.

    L’année suivante, le cadeau d’anniversaire consistait en un superbe passé composé de ses réussites scolaires et diplômes universitaires. Elle en fut passablement agacée. Qu’avait-elle à faire de ces articles passés de mode ?

    Puis ce fut, son entourage s’imaginant probablement lui faire plaisir, un magnifique plus-que-parfait : ses réussites aux jeux de cartes, ses succès en pâtisserie, ses triomphes aux Arcs et ses exploits d’huissier. De tout cela elle fut exaspérée et le fit savoir le verbe haut.

    Vexés, ses proches s’en souvinrent un an plus tard en lui faisant don d’un imparfait : ses échecs en maths, ses revers au tennis, ses déboires en Champagne, ses défaites de fin d’année, ses déconfitures en pot, ses déroutes de campagne …

    Elle explosa et, sur ton impératif qui ne pouvait souffrir le moindre conditionnel, rappela à ses enfants et à leurs auxiliaires qu’elle était la première personne et qu’à ce titre, elle pensait mériter un autre temps.

    Eux étaient perpétuellement fâchés : TU et VOUS toujours à couteaux tirés, le premier jugeant le second distant et hautain, le second estimant le premier trop familier ; Il et ELLE divisés par une singulière et inépuisable guerre des sexes ; quant à NOUS, son côté grégaire en avait exaspéré beaucoup et provoqué le départ de nombreux ILS et ELLES.

    Mais sur ce coup-là ils s’accordèrent et enfin vint le cadeau qu’elle attendait tant mais n’espérait plus. Un beau futur plein de promesses, de lendemains qui chantent, de grandes espérances, d’illusions retrouvées et de projets à long terme.

    Hélas, elle n’en profita guère car elle décéda d’un infarctus provoqué par les efforts qu’elle dut fournir pour souffler ses 90 bougies.

  5. Sélène dit :

    Tout a un début et une fin mais chaque année pourtant comme un A renversé, lui était offert en présent : les quatre saisons. Feindre de se réjouir à l’écoute des morceaux enchanteurs, ruisseaux déversés en torrents, tantôt agitato, la maison aux Baléares, tantôt andante, le mari de Solange ou amabile les enfants de Violette. S’apitoyer, rêver, rire et remercier bien sûr, douceur et chaleur automnales persistaient. La coupe était pleine la Charlotte aux fruits dégoulinante. Nous t’aimions si tendrement, toi si forte et si joyeuse. Elle se hâta de souffler les bougies, au lendemain et à une nouvelle vie qui commence, s’entendit-elle dire. A chaque anniversaire on lui offrait du passé et ça commençait à l’énerver.

  6. laurence noyer dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé ;
    sous toutes ses formes ; de l’ancien, du décrépi, du désuet, du réchauffé. Du passé d’un autre âge qui avait fait son temps, qui remontait du déluge, qui se perdait dans la nuit des temps.

    Et ça commençait à l’énerver, sérieusement ;
    lui qui rêvait de futur, de projets, de châteaux en Espagne, de programmes, de lendemains qui chantent, d’avenir, d’horizon.

    Il prit donc la décision de s’offrir un présent ;
    un bel aujourd’hui, sans se soucier du lendemain, ici et maintenant, au jour le jour, d’ores et déjà.

  7. Christine Macé dit :

    Merci Billy.

  8. Billy Elliots dit :

    Très joli texte de Christine Macé. Encore…

  9. françoise dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé
    et ça commençait à l’énerver sérieusement.

    Gertrude se coucha de mauvaise humeur en pensant que demain on fêterait son anniversaire !
    Elle aurait droit à un cadeau (toutes les pensionnaires de la maison de retraite en recevaient un) toujours en réminiscence du passé : l’année dernière c’était une vache en carton bouilli, celle précédente un fer à repasser sans fil électrique. Elle avait toute sa vie été vachère ou bonne à tout faire chez des fermiers. Pourquoi le lui rappeler sans cesse ? Mais sa vie actuelle valait-elle mieux, enfermée avec des vieux comme elle ?
    Sur sa table de chevet il y avait un livre « le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire ». Elle avait vu le film également. Elle se disait que ce devait être génial, après bien des péripéties, de finir sa vie sur une île au soleil, avec un jeune fou, une jeune fille et son éléphant. Pourquoi ne tenterait-elle pas l’aventure aussi. Elle se leva, prit sa vache en carton bouilli, ouvrit la fenêtre et allait sauter quand une femme de service lui tapa sur l’épaule « allez Gertrude, il est l’heure de vous lever, c’est aujourd’hui votre anniversaire ».

  10. françoise dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé
    et ça commençait à l’énerver sérieusement.

    Gertrude se coucha de mauvaise humeur en pensant que demain on fêterait son anniversaire !
    Elle aurait droit à un cadeau (toutes les pensionnaires de la maison de retraite en recevaient un) toujours en réminiscence du passé : l’année dernière c’était une vache en carton bouilli, celle précédente un fer à repasser sans fil électrique. Elle avait toute sa vie été vachère ou bonne à tout faire chez des fermiers. Pourquoi le lui rappeler sans cesse ? Mais sa vie actuelle valait-elle mieux, enfermée avec des vieux comme elle ?
    Sur sa table de chevet il y avait un livre « le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire ». Elle avait vu le film également. Elle se disait que ce devait être génial, après bien des péripéties, de finir sa vie sur une île au soleil, avec un jeune fou, une jeune fille et son éléphant. Pourquoi ne tenterait-elle pas l’aventure aussi. Elle se leva, prit sa vache en carton bouilli, ouvrit la fenêtre et allait sauter quand une femme de service lui tapa sur l’épaule « allez Gertrude, il est l’heure de vous lever, c’est aujourd’hui votre anniversaire ».

  11. Peggy Malleret dit :

    À chaque anniversaire on lui offrait du passé, ça commençait à l’énerver sérieusement.

    Tout le monde savait que certains regardaient toujours en arrière. On disait
    qu’ils étaient nostalgiques ou passéistes et d’autres qui ne se projetaient que dans l’avenir.

    Zack se demanda ce qui pouvait bien les différencier physiquement, quels étaient les critères permettant d’affirmer : celui-là est un passéiste, c’est évident.

    À bien y réfléchir Zack pensa être le prototype du personnage puisque depuis toujours on lui offrait du passé. Et comme cette fois-ci fut une fois de trop, il devait en avoir le cœur net.

    Il se scruta dans le grand miroir de la salle de bains pour essayer de comprendre mais ne remarqua rien de particulier. Il prit le miroir grossissant au cas où quelque chose lui aurait échapper, puis se retourna pour vérifier que son dos ne révélait pas quelqu’indice qui pourrait l’éclairer.

    Zack se tourna et se retourna plusieurs fois encore pour être absolument sûr. Puis laissant échapper un énorme : « Ouf! », il en conclut que tous ceux qui lui faisaient ce genre de cadeaux étaient des imbéciles sans imagination.

  12. gepy dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé
    et ça commençait à l’énerver, sérieusement.
    A chaque noël, il recevait de l’imparfait.
    Du coup, il n’avait guère l’esprit à faire la fête quand arrivait le 1er de l’an.
    Il déprimait.
    Ces potes ont insisté pour qu’il les accompagne au réveillon.
    Quel était leur secret pour ne recevoir que du présent ? Ils étaient pétillants de vie à côté de lui.
    Soupir… Gros soupir…
    A la fois dans la soumission, et le désarroi de l’image qu’il dégageait, d’après les cadeaux qu’il recevait, il sortit, presque malgré lui, festoyer pour la nouvelle année.
    Il savait qu’il serait le « boulet » du groupe, habillé dans ses fringues d’antan. Normal : il portait ses cadeaux ; ne sachant où se mettre ni comment se mettre. Normal, ce n’était pas des cadeaux du jour… mais d’avant. Toujours en décalé avec la réalité. 
    Il était perdu dans ses sombres pensées. 
    Il ne vit pas s’approcher de lui une belle et séduisante femme, au maquillage et parfum discrets. 
    – « Bonsoir, je me présente, je m’appelle conjugaison. Que pensez-vous de cette soirée ? », articula-t-elle lentement et fortement pour couvrir la musique, les chants, les rires…
    Je me suis retourné pour regarder derrière moi. Il n’y avait personne, juste un mur. J’eus l’air ridicule. Je sais, je sais, JE SAIS.
    Je pensais comiquement : « you talk to me ? ». Evidemment qu’elle me « talkait » et que j’allais encore me perdre dans des plus-que-parfait mal maitrisés.
    Mais c’est elle qui reprit, d’une voix douce, en me saissisant vivement par le bras pour que l’on s’éloigne du bruit ambiant.
    J’étais tout chaviré par sa féminité.
    – « Dans ma famille, nous avons une tradition.
    A chaque nouvelle année, nous devons offrir un cadeau à un inconnu. L’inconnu doit être choisi avec soin. Tout est dans le feeling. Il doit avoir besoin de ce don.
    Vous avez l’air si distant, si fermé, si… loin de l’ici et maintenant.
    J’ai décidé que vous seriez l’élu de mon offrande. Acceptez-vous? »
    C’était certainement une blague des copains. Je jouais le jeu pour les amuser.
    – « Oui », soufflais-je, dépité par l’arnaque.
    Et j’ouvris mon paquet.
    Je reçus en pleine figure une grosse bouffée de futur. Je fus pris de vertige. Conjugaison me soutint par le bras.
    Et on ne s’est plus quitté. Elle a bouleversé ma vie.
    Et nous avons mis au monde plein de petits Bescherelles.

    Gepy

  13. bruno dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé. Les amis, la famille, les collègues avaient compris qu’Henri redoutait l’avenir depuis que Claire l’avait quittée, il y a huit ans. C’est à ce cadeau rebattu que le quinqua réalisait que tous l’appréciaient. Personne n’aurait pris le risque de lui présenter quelqu’un; de lui offrir un voyage; de lui soumettre un logiciel récent d’ordinateur. Se succédaient ouvrages des auteurs lus pendant les années de collège, musiques de la grande époque, vêtements démodés, tableaux réalistes. Rien de moderne. Jusqu’à ce dernier anniversaire, où Lola qui aimait Henri lui offrit un miroir. Henri comprit. Lorsque sonna l’heure où les invités prirent congé, l’hôte retint Lola. Devinez le discours qu’il tint…

  14. DUMOUCHEL dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé et ça commençait à l’énerver, sérieusement et de ma fenêtre, je peux la comprendre. Cela débutait par un matin enneigé où sa mère, avant même de lui dire cette phrase magique : « Joyeux anniversaire » ; elle lui reparlait de sa grossesse, qui comme de bien entendu s’était mal passée : vomissements jusqu’à la fin, perte d’énergie totale, prise de poids (qu’elle n’a jamais perdu), alitée dès le troisième mois car elle avait déjà des contractions donc elle a fait garder ses frères et soeurs par la grand-mère qui n’avait la santé… Géraldine était déjà responsable de ces maux ! Et pour conclure, mais ne t’en fais pas ma fille, nous t’aimons quand même, Joyeux anniversaire ! et tu penseras à rentrer aussitôt après l’école pour faire les courses car ton parrain et ta marraine viennent manger ce soir.
    Ces parents n’étaient pas d’une grande fortune et avec trois enfants, il est bien difficile de joindre les deux bouts, surtout lorsque l’on a des animaux, mais ils avaient toujours fait en sorte que ce moment soit gravé… sur photo.
    A son retour d’école, les courses terminées, Géraldine et sa mère préparaient le repas pendant que papa afféré autour de cheminée, commençait déjà a arroser l’événement. Toutes les pièces avaient été briquées, du sol au plafond, car les parents ne voulaient pas entendre de remarque concernant leur façon d’éduquer les enfants, ni même sur l’environnement dans lequel les chérubins évoluaient.
    Pendant ce repas, aucun projet il en était hors de question, un passage vite fait sur ce que le présent donnait, car très peu d’invitation avait lieu, ces festins étaient un ravissement pour les jeunes qui ne voyaient que très peu la famille. Puis l’éternel recommencement, les retrouvailles suscitaient chez ses gens là, de regain de jeunesse et l’envie inébranlable de revivre ses instants, bien fatigants lorsqu’on les a entendues maintes et maintes fois.
    Les cadeaux, même s’ils étaient neufs, n’avaient absolument rien à voir avec ce qu’elle aurait souhaité, ils sortaient bien souvent de bricoles que les parents avaient récupérées de-ci de-là. Il était bien entendu interdit de faire des réclamations ! Depuis qu’elle a pris son envol, la jeune demoiselle qu’elle était a décidé de ne plus fêter son anniversaire… elle envisageait d’en arroser un…. peut-être me le racontera-t-elle un jour…. histoire à son tour de se souvenir.

  15. Sylvie dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé et ça commençait à l’énerver, sérieusement. C’était chaque fois la même chose : un soir d’été se produisait devant elle, sur un plateau, un défilé de poupées poudrées, enrubannées dans des étoffes, aux cris perçants qui irritaient son tympan usé par le temps. Il y avait le son et il y avait la lumière : des boules de feu de toutes les couleurs qui ridait chaque fois un peu plus sa peau sous prétexte de la mettre en valeur. C’était beau, disait-on parmi la foule rassemblée devant le plateau d’anniversaire. Un spectacle historique. Des costumes d’époque. De son époque ? Ils étaient loin du compte. Perruques et vertugadins, libertinage et intrigues amoureuses de bas étage étaient loin de son temps, fort heureusement elle n’avait pas connu ça. A chaque fois, on lui resservait ces sornettes, parce qu’on la prenait pour la grande dame d’un château disparu. Elle en avait ras les échauguettes de leurs spectacles à deux ducats tous les cinquante ans, elle qui avait connu les plus preux chevaliers du royaume, elle qui avait caché dans ses entrailles des montagnes d’armures et vu hordes d’envahisseurs se faire encercler dans la plaine et embrocher sous ses meurtrières. Son seul plaisir, c’était de voir à quel point les hommes s’étaient fourvoyés sur son histoire ; elle en riait en secret, dans ses murs intérieurs, quand on voulait bien la laisser tranquille, dans le noir et le silence, entre deux anniversaires.
    Cette année, justement, promettait peu de tranquillité : on allait fêter ses quatre cents ans, en réalité elle en avait mille. Elle craignait le pire, avec tous les nouveaux joujoux que les hommes se fabriquent aujourd’hui. Le grand jour arriva. Plateau démesuré, boules de feux, laser et compagnie, armée de sons et de lumières. C’était un soir d’été, étouffant. La foule s’amassait peu à peu sur les bancs, les yeux braqués sur elle. Encore dans le noir, elle sentit ses vieux rhumatismes se réveiller : des traces d’humidité dans l’air ? Puis un souffle frais s’engouffra dans les crénelures de son col et parcourut son échine. Elle vit alors les spectateurs se lever, effrayés, les yeux tournés vers le ciel, et courir au loin. Le vent entama sur le plateau une valse endiablée, faisant tournoyer tous les objets abandonnés, chaises, bancs, caméras. La nature offrait à la vieille dame, pour son anniversaire, un opéra tonitruant sous un ciel marbré de feu, un vrai spectacle vivant. Le chant de la foudre lui rappela les hurlements des guerriers, le souffle du vent la mélodie des archers. Debout, imperturbable, elle avait pour elle le déchaînement des éléments. Les arbres se couchaient à ses pieds. Elle savourait l’instant.

    ©Sylvie Wojcik

  16. isabelle heliot hosten dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé et ça commençait sérieusement à l’énerver. Un baigneur empaillé, des animaux faméliques lorgnant d’un œil torve tout le cérémonial, sans compter les bougies clignotantes, les petits chanteurs à la croix de bois, un saint-frusquin sans âge à déprimer la Création. Certes, la comédie humaine virait au spectacle tragique. Il avait espéré – pour cela on pouvait faire confiance à son expertise – que ces sauvages se tourneraient vers un avenir plus florissant, se multiplieraient sous des Cieux plus cléments, et surtout, considérant l’accélération vertigineuse des connaissances, emploieraient leur intelligence à devenir meilleurs. Balivernes…Non seulement ils n’étaient pas à la hauteur, s’égorgeaient vaillamment à la moindre occasion, piétinaient à cœur joie les principes fondamentaux de la liberté et de la conscience de soi. Pour finir, ils avaient l’outrecuidance de se réunir une fois l’an, pour fêter ce foutu anniversaire qui n’avait plus aucun sens. A coup de foules vibrantes égosillées dans des cantates dissonantes, d’Ecritures débitées, on ressassait dans la ferveur, les pages glorieuses de sa courte vie, dont, force était de constater, ils n’en tiraient pas une once d’enseignement pour eux-mêmes. Cette année, c’en était trop, il traversait une crise de Foi sans précédent. Un comble. Il décida donc de prendre les choses en main, de mettre un terme à cette farce commémorative.
    François agenouillé, récitait ses litanies sous les ors du Vatican cette fameuse nuit du 24 décembre. Les millions de fidèles joignaient leurs prières à celles de leur pape bien-aimé. La crèche de Saint-Pierre brillait et le Jésus dormait paisiblement dans sa couche. François leva un œil sur l’enfant chéri, le Père et le Fils réunis. Sa mission ne lui avait jamais paru si limpide, son cœur si humble et si ouvert à ses millions d’enfants égarés sur les chemins de la non-humanité. Quand soudain, le poupon de cire ouvrit les yeux et se mit à parler :
    « François, entre nous, il faut faire quelque chose… Navré d’interrompre les festivités mais à qui d’autre que toi puis-je m’adresser ?»
    « Seigneur bénissez-moi » murmura le pape en état de stupeur.
    « François, il faut parler de leur avenir… ».
    « Seigneur, je prie chaque jour pour qu’il y en ait un… » balbutia François les larmes dans la voix.
    « Mon fils, de cela il est bien question mais qui croire ? »
    François, pris d’un vertige réussit à articuler :
    « Père, me parlez vous de doute ? »
    « Et bien…Vois-tu mon fils, on peut dire ça. Je doute de vous, de vous tous à vrai dire. Pour mon anniversaire, vous célébrez la vie sur des cendres brûlantes, que cherchez vous à la fin ? »
    « Le chemin de la lumière, Vous mon père…Souffrez que j’en sois bouleversé…Si vous-même doutez, où se niche l’espoir ? » répliqua François proche de l’évanouissement.
    Le Jésus souriant répondit :
    « C’est donnant-donnant mon fils, vous croyez en moi, j’ai besoin de croire en vous, et croyez-moi ces derniers temps, la tâche n’est pas aisée… »
    François balaya l’assemblée d’un regard éperdu, constatant que le dialogue miraculeux échappait totalement aux ouailles recueillies. Il était seul au monde, face à son créateur, et des deux protagonistes il n’aurait su dire lequel se trouvait le plus déboussolé.
    « Je suis votre serviteur, je ferai de mon mieux… » formula François dans un souffle.
    « Je n’en doute pas, bien que personne ne t’écoute vraiment et je sais de quoi je parle. Tu t ‘échines, tu vas jusqu’ à te sacrifier pour leur montrer la voie et la récolte est maigre. Enfin bref, j’ai connu des jours meilleurs. Va mon fils, pardonne mon babillage, en ce jour béni, je baisse un peu la garde pour la première fois ».
    François, à qui l’oxygène venait à manquer, inspira profondément et rassembla ses pensées éclatées, oscillant entre l’extase mystique et la raison de sa charge.
    Après tout, Jésus incarné avait un statut de choix pour appréhender les angoisses existentielles.
    Sur ces dernières paroles, le poupon ferma les yeux et regagna son sommeil millénaire. Les hommes disposaient d’eux-mêmes, ils étaient libres de se détruire si bon leur chantait. Après tout, il les avait prévenus encore une fois.

  17. Christine Macé dit :

    Jacques mettait un point d’honneur à lui offrir les mêmes roses rouges, celles du jour où il lui avait déclaré sa flamme. Ils étaient jeunes, elle était insouciante, amoureuse, la vie devant eux. Ils s’étaient épousés devant tout le monde pour leur faire voir comme ils s’aimaient. Un beau mariage, répétait sa mère à qui voulait l’entendre. Mais ça c’était hier, très loin. Était-ce vraiment sa vie à elle ?
    Jacques avait obtenu une belle promotion, ils avaient acheté la maison en Bretagne pour les vacances, un bateau (ô, une barcasse plutôt, pour emmener les enfants à la pêche). Les enfants : ils avaient grandi avant de partir vivre leur vie ailleurs. Ils écrivaient bien de temps en temps, préférant le téléphone, bien plus commode à couper quand la conversation s’enlisait un peu.
    Un jour Jacques avait eu sa retraite, il rêvait de quitter la ville, de vivre dans sa Bretagne à perpétuité : ils s’étaient installés dans la petite maison au bout du village, à deux pas de la mer. Les hivers étaient longs, pluvieux, gris. Mais il était là, on mettait la radio et la télé le soir. Et le printemps revenait, gonflé d’ajoncs.
    Les années s’écoulaient plus lentement, jour après jour. Elle aimait sentir sa mémoire s’en aller tout doucement, ça faisait moins mal tout ce temps d’avant qui s’échappait d’elle goutte à goutte. Le bonheur qu’on oublie, le malheur qui s’estompe. C’était comme ces pans de glaciers qui s’écroulent brusquement dans la mer avec un grand « chtttt ». Et puis plus rien, apparemment tout est en place, il en manque juste un morceau, voilà tout. Elle souriait à l’oiseau qui venait se poser chaque matin sur le rebord de la fenêtre.
    « Tu te souviens comme tu étais belle dans ta robe de mariée ?… » Jacques avait rapporté des croissants, mis les roses dans un vase sur la table du salon. Il souriait, lui aussi.
    Elle tourna la tête vers la fenêtre, cherchant l’oiseau qui avait disparu. L’autre aussi avait disparu, cet homme clandestin passé dans sa vie un été de folies. Personne n’en avait jamais rien su, pas plus la joie que les larmes, elle avait tout caché. Mais quand l’été revenait, son souvenir aussi refaisait surface. C’était doux et amer, elle se sentait à chaque fois un peu chavirée, juste un vertige.
    Son anniversaire à elle, c’était celui-là, qu’elle irait fêter en marchant sur la grève. Et Jacques lui crierait de loin qu’elle avait encore oublié son châle, oui, encore oublié…

    Bonne journée, Christine

  18. Catherine M.S dit :

    Happy birthday

    A chaque anniversaire, on lui offrait du passé
    Et ça commençait à l’énerver sérieusement.
    Les « Mamie, comment c’était avant ? »
    Elle en avait par-dessus la tête
    Les vieux souvenirs ne valaient plus tripette.
    Ce qu’elle voulait comme présent ?
    Du présent justement
    Du aujourd’hui, ici et maintenant
    Dans un joli paquet orné de rubans
    Du sur-le-champ, de l’urgent
    Mais aussi un peu de temps en suspens
    Même le passé récent n’était plus important
    Elle tirerait bien dessus à bout portant …

    Elle veut vivre dans l’instant
    Et même pouvoir hurler « Au suivant ! »
    Elle n’aime que le soleil levant
    Celui qui annonce les meilleurs moments
    Sa saison préférée ? C’est bien sûr le printemps
    Celle qui promet les plus beaux élans.

    Alors, pour souffler les prochaines bougies
    Il faudra mettre en place une nouvelle stratégie
    Mettre la nostalgie au pilori
    Tordre le cou à la mélancolie
    Inventer une tout autre cérémonie
    Pourquoi pas déposer, en catimini, au pied de son lit
    Une page blanche pour qu’elle y dépose la liste de ses envies.

  19. Nadine de Bernardy dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé, et ça commençait à l’énerver, même si elle savait qu’elle aurait dû s »en moquer.
    Il faut dire que cela allait en empirant.La comédie avait commencé pour ses 90 ans ou quelqu’un lui avait offert le journal du jour de sa naissance!
    « Regarde, c’est chouette non? Fais-y attention, il a été très difficile à trouver. Tu es contente? »
    Elle s’était sentie obligée de dire oui avec un sourire contraint.
    L’apothéose fut pour ses 100 ans, Il y avait le maire,la presse locale,le personnel de la maison de retraite au complet, plus un seul ami mais quelques membres de la famille.
    Tout ce monde beaucoup plus excité et ému qu’elle ,qui s’était ennuyée pendant le discours officiel et agacée quand ils avaient cru bon de la bécoter avec les compliments d’usage. Mais la catastrophe arriva quand on lui donna son cadeau :
    un livre ! fabriqué sur internet avec les photos et l’histoire de sa vie……
    Ca lui apprendrait à faire confiance aux uns et aux autres en racontant ses souvenirs
    et leur prêtant ses photos.
    Là, pas d’hypocrisie ,elle ferma les yeux comme si elle s’était endormie.
    « Oh, la pauvre, elle dort
    – C’est l’ émotion
    -Ben tu te rends compte, comment on sera nous à cet âge ?
    -Arrête,je préfère ne pas y penser. Mademoiselle vous pourriez ramener la p’tite dame dans sa chambre ? »
    La petite dame entendait en riant sous cape les sempiternelles âneries .

    Et voilà qu’à quinze jours de sa 103 ème année, elle pensait avec angoisse que tout ce cirque allait recommencer.
    Elle qui rêvait de beaux cadeaux inutiles, de fleurs, de musique moderne, celle que lui avait fait découvrir Vanessa, la charmante jeune femme qui s’occupait si gentiment de son vieux corps las.
    Bien calée dans le grand fauteuil, elle ferma les yeux en fredonnant un de ces airs qui parlait d’amour pour toujours sur des rythmes joyeux ou langoureux !
    Avec Vanessa ce n’était pas :
    « Alors comment on va ce matin,on a bien dormi ?  »
    Non, c’était :
    Bonjour chère petite madame, tout va bien ? Alors vous avez regardé le film dont je vous ai parlé hier ? Chouette non ? Moi j’ai adoré .On l’a regardé avec mon copain, il vous embrasse d’ailleurs. »
    Les yeux toujours clos, elle voguait dans ses pensées et ne vit pas la porte s’ouvrir sans bruit sur une ombre bleutée qui l’observa un petit moment avec une infinie tendresse avant de venir cueillir son âme consentante.
    Tant pis pour leur 26 août, elle n’y serait pas.

  20. Halima BELGHITI dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé et ça commençait à l’énerver, sérieusement. Lui, ce qu’il voulait, c’est un présent. Un vrai présent. Un présent d’anniversaire. Un présent où chaque minute prendrait le temps de s’écouler avant de céder la place à une autre. Il en avait du temps à rattraper. Le passé, il avait donné sur tous les modes. Il avait composé avec l’imparfait et courtisé le passé simple. Désormais il était pressé de vivre au présent. Un présent où il pourrait accomplir tout ce qu’il souhaite. A force de changer de temps, il en avait oublié d’apprécier l’instant présent. Mais son esprit vagabond n’arrivait pas à se concentrer sur ce qu’il vivait dans l’instant et sans cesse lorgnait vers l’avenir. Il imaginait un futur radieux où il serait le fruit de ses efforts présents. Mais le présent inexorablement lui filait entre les doigts et rejoignait le passé. Il réalisa alors pourquoi on lui offrait toujours du passé à chaque anniversaire…plus il en aurait en stock et plus apaisé en résulterait son futur, nourrit de moult souvenirs….
    Halima BELGHITI

  21. Nathalie dit :

    Le passé ? Pourquoi vous m’en parlez à chaque fois ? Je ne le connais pas, non, je vous assure. Et quel anniversaire ? Ah bon. Et j’ai quel âge ? Mais vous êtes certains que c’est mon anniversaire aujourd’hui ? Je suis sûre que c’était la semaine dernière. En fait, vous pensez que je vais avaler ça tout rond ! Mais vous êtes des blagueurs. C’est ça, vous me faites marcher avec vos cadeaux et vos souvenirs inventés. Mais je trouve votre blague de mauvais goût. Me faire croire que j’ai 72 ans, tout de même…
    Les autres pensionnaires sont vieux ? Et alors ? Ce n’est pas mon problème ! Non, je ne sais pas ce qu’ils font là ; et moi non plus !
    D’ailleurs, pourquoi on est ici ? C’est où ici ?
    Un hospice pour Alzheimer ? C’est qui celui-là encore ! Encore une de vos blagues ?
    Qu’est ce que les jeunes sont c…. avec leur passé…

  22. ourcqs dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé et ça commençait à l’énerver sérieusement.
    C’est un anniversaire, pas une commémoration !Le passé qui se veut simple, se complait dans la narration, succession d’évènements essentiels, peut-^tre mais achevés depuis longtemps. Pas mieux avec le passé-composé !! Pourquoi ressasser encore et toujours ? L’imparfait, me fait toujours penser à quelque chose d’inachevé, approximatif, et m^me le plus-que-parfait n’arrange rien, malgré ses promesses. L’imparfait du subjonctif, avec son côté désuet, un peu aristo vieille France, me fait grand plaisir « il eût fallu que je vous susse à Paris, pour que je vous visse et que je vous reçusse  » quelle déclaration !
    Pour mon anniversaire, du futur et des projets, du conditionnel et des souhaits enrubannés de SI , avec une légère touche de passé, pour la concordance des temps …

  23. Antonio dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé
    et ça commençait à l’énerver, sérieusement.

    Cette fois il n’allait pas laisser passer ça. Il ouvrit le paquet et… une machine à remonter le temps. Carrément !

    « T’es bête ! … C’est le projecteur super 8 de grand-père. Y a toutes les vidéos depuis le mariage de papa et maman. On en a revues quelques unes avec Pierre-Henry et je n’ai pas arrêté de pleurer »

    « Et bien, t’en fais une tête ! Tu n’es pas ravi ? Il y a tes premiers pas dans la maison de Normandie… et même une partie de l’accouchement. Déjà tu rechignais à sortir, tout toi… Ah ah ah ah ! »

    « C’est toujours la même histoire avec toi, on veut te faire plaisir et tu gâches tout. Si tu crois que je ne me prive pas à te laisser à toi les souvenirs de notre passé. Tu pourrais au moins une fois être reconnaissant »

    « Mais dis quelque chose ! »

    « J’ai une tumeur au cerveau. Je n’en ai plus pour longtemps. »

    En une phrase et quelques jours, ils redescendirent tous dans le temps, les pieds encrés dans un présent meuble qui charriait déjà les regrets d’un futur qui ne serait pas.

    L’anniversaire suivant m’offrit une bouteille de grand vin de Bourgogne exceptionnel, à boire tout de suite, un voyage en Patagonie, départ sous huit jours. Annette avait changé. Elle quitta Pierre-Henry, impensable dans notre famille. Elle m’accompagnerait à l’aller, elle y resterait pour quelques ans et quelques enfants en mal d’amour et de pain. Elle me stupéfiait.

    Avant de partir, je me mis à visionner les 22 heures de vidéo de grand père. Je découvris ma soeur que je ne connaissais pas, mon père aussi et ce passé que j’emporterai avec moi.

  24. Stephanie dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé et ça commençait à l’énerver, sérieusement.
    Cette année, elle se demandait ce qu’elle allait recevoir.
    En préparant la table de fête, elle réfléchissait. En colère, et heureuse à la fois. Les photos de classe, le rouge et noir de Stendhal, les photos, un cadre en tissu, une petite boîte ronde en bois noir, une poupée en laine orange et violette, la photo de son chien d’enfznce, le journal d’Anne Franck, la série des John Irving, le DVD de Midnight express, des aiguilles à tricoter, un bouquet de fleurs artificielles. Le petit magasin devenait conséquent. Elle avait rassemblé tous ces objets dans un placard. Non elle ne les ressortirait pas.
    Ce qui la rendait folle, c’était cette faculté qu’avait les membres de sa famille à ne pas l’écouter, ou la comprendre de travers. Le passé ? Elle avait fait un croix dessus. Mais pourquoi donc s’acharnaient-ils à vouloir retrouver ses instants passés ? Les rôles semblaient inversés. Mais ce sont eux qui ont des comptes à régler avec leur passé, ma parole?
    Les cadeaux, ce n’était pas le plus gênant, il suffisait de dire merci, de sourire… Mais les conversations, çà, c’était insupportable. Souvent c’était la grand mère qui démarrait, puis c’était parti pour une heure ; La tante Simone, le cousin Jean, les « c’était mieux avant », les « vous vous souvenez »…. L’interphone sonna. Elle était ravie de recevoir tout le monde. Elle se sentait joyeuse et fière maintenant. Sa colère mise de côté, assagie.
    Elle aussi, ne devait pas ressasser les anniversaires passés. De toute façon, elle ne souvenait que des trois derniers. Elle décida qu’elle était bien chanceuse d’être libérée de ses vieux souvenirs. Une chance dans son malheur.
    Elle n’avait pas vu la voiture arriver, sur la droite. On lui raconta plus tard que le choc de son corps sur la carrosserie avait fait un bruit sourd. Quelques minutes plus tard sa mémoire s’était envolée.

  25. Joelle Bordeau dit :

    Les premières années il n’osait trop rien dire, mais là il jugeait qu’il y avait abus. Il avait d’ailleurs bu et avalé tout ce qu’il pouvait de leurs recettes préférées : le souvientoi aux olives, la nostalgie aux larmes de crocodiles, les regrets aux copeaux amers, les règlements de compte à la chantilly…
    L’heure avait sonné. L’aiguille indiquait un nouveau cap. 56eme anniversaire. Il rêvait dans son lit. Non du passé servi à toutes les sauces. Il rêvait d’un imparfait au chocolat, plein de douceur et de chaleur. Il rêvait d’un plus que parfait surmonté d’une audacieuse chantilly faisant un pied de nez à tous ces accrocs du régime. Il rêvait d’un conditionnel : et si je me carapatais ! L’impératif lui prit la main et lui dit d’un ton sec : Va ! et reviens demain, tout sera calme. Le subjonctif imparfait lui lança « que tu en profitasses » la vie est devant, mais on avance un peu plus lourd quand on essaye de fuir son passé. Alors que tu conjugasses les deux n’est pas une menace mais une sortie de carapace. Question de temps

  26. durand dit :

    A chaque anniversaire on lui offrait du passé et ça commençait à l’énerver,

    sérieusement.

    Ils étaient tous là, recueillis dans leur minute aléatoire, l’un à ranimer à

    grand coup de soufflet bronchiteux la flamme intérieure de son arrière grand

    père inconnu, l’autre à tenter de s’admirer dans ses nouvelles pompes en cuir

    de plastique.

    Pour l’occasion, on avait aéré toute la MDR car la maison de retraite, c’est pas

    drôle tous les jours….et les nuits encore moins!

    Puis le maire, le nain zébré de la république avait déposé une gerbe, épanouie

    à mes pieds. Moi je songeai à tous ceux dégueulant leurs tripes avant de

    s’extraire des boyaux.

    Parmi toutes ces marionnettes existait bien un guignol en espérant une

    prochaine, là, un drôle, avec sa gueule tordue de l’intérieur, un à la mine anti

    personnel. Pour certains il existait toujours des raisons culturelles ou des

    raisons religieuses ou des raisons économiques, ou simplement déraison.

    Moi j’étais là, toujours perché, la baïonnette dressée vers un ciel plat, à priori

    sans fureur, mon casque lourd me pesant sur la nuque du temps.

    L’horizon bleu de mon pays fabriquait toujours des armes. On déplaçait des

    pièces à l’autre bout de l’échiquier. On tâtait de la roulette russe, on se

    réchauffait au hot dog, on bâfrait de la barbe à papa, on évitait l’overdose de

    réglisse. On les laissait là bas, parce que c’est beau là!

    Un jour, ils finiront par me faire descendre mon pied des stalles.

    Je ne suis pas un mauvais cheval, ce serait un comble mais je finirai bien par en

    embrocher quelques uns.

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