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Lilou

C’était comme ça, la vie avec Lilou.

Dès qu’elle voyait la boîte de crayons de couleurs posée sur la table, elle courait chercher un bout de papier. Elle grimpait sur une chaise et s’agenouillait.

Elle admirait le camaïeu des crayons, dont les pointes luisaient doucement sous la lampe.

Elle tendait une main potelée et s’emparait des bâtons magiques.

D’abord le bleu, puis le rouge et le jaune. Ils étaient les rois.

Elle les déposait délicatement sur la table, puis elle choisissait les reines : l’orange, le vert et le mauve.

Et tout à coup, le monde n’existait plus. Lilou dessinait.

Un arc-en-ciel, puis un deuxième, un troisième, un quatrième…

La mère de Lilou s’approcha de la table.

– Tu ne sais rien dessiner d’autre ? lui demanda-t-elle en essuyant ses mains sur son tablier.

– Laisse-la tranquille, répondit son père.

Lilou ferma les yeux.

Elle aurait voulu que sa mère lui dise que ses arcs-en-ciel étaient plus beaux que les vrais.

Elle aurait voulu que son père lui promette d’aller à leur rencontre, là-bas, près de la rivière.

Mais Lilou savait que ces deux petites phrases allaient encore déclencher une dispute.

Alors, elle rangea les crayons dans la boîte. Elle plia ses arcs-en-ciel et les glissa dans sa poche. Elle se réfugia dans son coin préféré et réfléchit en attendant la fin de la tempête.

– C’est à cause de mes arcs-en-ciel, dit-elle en fermant les yeux.

Quelques jours plus tard, alors que les crayons étaient sur la table, Lilou eut une autre idée. Elle dessina des étoiles sur une feuille chiffonnée. Son frère qui la regardait lui demanda :

– Tu ne sais rien dessiner d’autre ?

– J’aime bien…

– Je ne te demande pas si tu aimes, je te demande si tu ne sais rien…

Lilou appela sa mère au secours.

– M’an, il m’embête…

– Lilou, arrête de crier ! Lui dit sa mère en la pointant du doigt.

– C’est toujours comme ça avec elle, gronda son père.

– C’est pas moi….dit Lilou en serrant les poings.

Elle plia sa feuille aux étoiles, la glissa dans sa poche. L’orage n’allait pas tarder….

– C’est à cause de mes étoiles, se dit Lilou en filant se cacher sous l’escalier.

Un soir d’hiver, Lilou était heureuse. Elle avait trouvé une immense feuille. A vrai dire, une chute de papier peint.

Elle dessina des arcs-en-ciel, des étoiles, la  lune et le soleil.

– Tout ça ne va pas ensemble, lui dit son frère avec un drôle de sourire.

– Moi, j’aime les mettre ensemble ! répondit Lilou en lui tirant la langue.

– M’an, Lilou, elle m’a montré la langue,  s’écria son frère

– Mais…

– Au coin et tais-toi ! Gronda sa mère.

– On ne fera rien de bon avec elle, enchaîna-t-elle, en jetant un regard noir à son mari.

– Rien de bon, répéta-t-il, et il se roula une cigarette.

Ce jour-là, Lilou commença à comprendre.

Les saisons défilaient, brillant chacune de subtiles couleurs.

La boîte de crayons se languissait.

Les papiers volaient dans le vent.

Lilou dessinait dans les nuages.

– Qu’est ce qu’on va faire d’elle ? se lamentait la mère de Lilou .

– On verra, répondait le père, on verra….

Par un doux mois de septembre, les arcs-en-ciel et les étoiles, la lune et le soleil emmenèrent Lilou sur les chemins des lettres et des mots.

Alors, sur chaque petit bout de papier, elle écrivait.

Les mots s’enchevêtraient et dansaient de folles sarabandes.

Lilou était heureuse. Elle riait.

Elle glissait sur les galets de la rivière. Elle se couchait dans l’herbe fraîche et parlait aux coccinelles. Elle dansait autour des meules de foin et courait avec les feuilles mortes poussées par   le vent d’automne. Ses joues rougissaient sous la bise…

Et elle écrivait.

C’était cela, la vie, pour Lilou !

C’était cela pour quelques années encore.

A la fin des vacances d’été, Lilou changea. Les étoiles de ses yeux s’éteignirent une à une, le soleil de ses rire disparut.

  Ça lui passera, répétait sa mère….

– C’est l’âge, lui répondit le père.

Un dimanche après-midi, ils étaient tous les quatre à table. Lilou ressentit une impression étrange. L’orage menaçait.

La mère jeta au milieu de la table un petit paquet de feuilles reliées de coton rouge.

Lilou pâlit. 

– Elle ment, hurla son frère, les yeux plein de haine…

– Tu nous fait honte, cria sa mère.

– Elle est folle, folle, hurla son père….

Lilou se leva lentement et s’en alla. Elle quitta le jardin et se réfugia près du bosquet. Des larmes de  rage, de tristesse et de désarroi coulaient sur ses joues encore rondes.

Elle fit courir son doigt sur l’écorce blanche et lisse du bouleau.

– Je n’ai pas menti, lui murmura-t-elle, je n’ai pas menti….

Le cœur de l’arbre craqua

Le cœur de Lilou se brisa.

Le petit cercueil fut déposé dans la chapelle, là-haut, sur la colline.

Lorsque le cloches sonnèrent le glas, les fleurs frissonnèrent doucement dans la lumière dorée. Les pétales se couvrirent de milliers de mots qui s’envolèrent vers les étoiles.

Le soleil illumina la voûte de mille points d’exclamation…

La lune  dessinait un immense point d’interrogation….

Quel est votre avis ?

12 réponses

  1. Peggy dit :

    Bonsoir Klara, J’avoue que je n’avais pas compris. Évidemment après votre intervention les mots prennent une signification différente.

    Continuez d’écrire surtout

  2. Klara dit :

    Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire et d’apporter vos commentaires.
    Il est vrai que la seconde partie du récit est plus implicite que la première.
    Un changement de style d’écriture pour souligner la fracture entre l’insouciance de Lilou et la meurtrissure….
    peut-être aurais-je dû ajouter une phrase explicative à propos des « feuillets-journal » de Lilou? pages où elle avait confié un secret très douloureux, trop lourd pour une jeune fille à peine sortie de l’enfance…
    Quant à en dire plus? Est-ce vraiment nécessaire…lorsque l’on sait que les auteurs de violences faites aux enfants sont à chercher aussi dans le cercle familial…

    • Isabelle D dit :

      Bonjour Klara,
      Suite à votre commentaire, je relis votre texte. Pour ma part, j’avais compris qu’il s’agissait d’un journal et de maltraitance et les deux petites notions dont vous parlez dans votre commentaire (précision sur le fait que Lilou sort de l’enfance et porte des secrets en elle, rien que ce détail pourrait faire penser qu’elle a besoin de les écrire et à la maltraitance) permettraient peut-être effectivement de clarifier de manière subtile pour certains. Toutefois, comme vous le dites, pas besoin de grand chose je pense, le style est très beau et cet implicite aussi. Il est difficile de traiter ce type de sujets très dur (je trouve) et le faire ainsi avec pudeur apporte de la poésie à un sujet qui ne l’est pas du tout. J’aime la façon dont vous l’avez abordé, tout en sensibilité. Encore une fois, je vous félicite pour ce très beau texte et vous souhaite une bonne continuation.

  3. Sylvie W. dit :

    Bonjour Klara,

    Votre texte est poétique et plein de sensibilité. Sa richesse, c’est de ne pas tout expliquer, de laisser la poésie s’installer, sans imposer d’interprétation au lecteur. C’est très doux à lire malgré la gravité de l’histoire.

    Je pense aussi cependant que certains passages mériteraient d’être un peu plus explicites (que s’est-il passé pendant l’été, pourquoi le frère dit qu’elle ment alors qu’elle n’a rien dit ?). Mais pas trop, juste quelques mots, un léger coup de crayon, à l’image du reste de votre texte qui est une superbe page d’écriture. Bravo et bonne continuation !

  4. Héloïse de la Sablonnière dit :

    Klara, j’ai trouvé ton texte très beau et je crois avoir compris l’idée générale. Seulement, quelques petites choses nébuleuses gagneraient à être clarifiés.
    Puis-je te demander ton âge?
    Héloïse

  5. Antonio dit :

    Le texte se veut poétique mais comme je ne comprends pas ce qui se passe (mêmes interrogations que d’autres ici) il me fait l’effet de la neige qui tombe et qui ne tient pas.

    J’ai du mal à voir le temps qui passe réellement dans la vie de Lilou. Une enfant qui devient ado ? On parle de saisons, de dimanche après-midi, d’un soir d’hiver, de doux septembre, mais rien n’est lié … Du coup, je me sens comme la lune, avec une constellation de points d’interrogation.

    Mais vous allez m’expliquer, hein ? 🙂

  6. Isabelle D dit :

    Bonjour Klara,
    C’est un joli texte très touchant. Malgré l’histoire triste et dure, les mots dégagent pour moi une certaine legerete et de la douceur, comme une poésie. Les images sont belles. Mais, comme d’autres personnes qui ont commenté, je trouve que l’espace laissé à l’esprit du lecteur est trop grand. Cependant, je pense qu’il ne manque pas grand chose pour combler les quelques brèches qui nous empêchent de comprendre ce texte de la façon dont vous l’avez imaginé et cela n’enlève en rien évidemment les nombreuses autres qualités que je trouve à ce récit. Merci de l’avoir partagé avec nous. Bonne continuation.

  7. Peggy dit :

    Bonjour Klara,

    Votre texte est très beau et bien que je sois une fille je n’ai pas tout compris. Pourquoi son frère lui;dit-elle qu’elle ment? Pourquoi son père dit-il qu’elle est folle et sa mère qu’elle leur fait honte? Ce n’est quand même pas parce qu’elle met les étoiles, la lune le soleil et l’arc en ciel ensemble?

    Expliquez nous un peu plus en « petites touches » comme le dit Sylvie..

    En tout cas c’est un texte très poétique. Je me demandais comment il allait finir.

  8. oholibama dit :

    Hello
    pourquoi Lilou changea t’elle à la fin de l’été, que s’est’il passer pour que son coeur saigne ainsi?
    Cordialement Yvette.

  9. Sylvie dit :

    Pour ma part, j’ai eu l’S volage. Pourquoi donc est-il passé de « mais » à « message » ?
    Un sens caché ? Qui m’aide ?

  10. Sylvie dit :

    Bonjour Klara, c’est très beau.
    Très beau.
    Je crois avoir compris (parce que je suis une fille ?) mai les message est trop subliminal.
    Dites-le avec des mots, à petites touches effleurées. Dites-nous quand-même pourquoi les étoiles se sont éteintes dans les yeux de Lilou.
    Nous comprendrons à quoi les mots liés d’un fil rouge ont tenté de servir.
    On attend ?
    Cordialement.
    Sylvie

  11. billy elliots dit :

    C’est bien un peu tendre mais très poétique.
    par contre j’ai pas compris le paquet de feuilles reliées de coton rouge…C’est quoi ces feuilles et le coton rouge c’est du sang? et pourquoi le frère dit elle ment.

    Continuez

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