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Bonjour et merci de bien vouloir me lire. Je souhaite savoir si au moins l’histoire est compréhensible. À quel moment on s’ennuie, ou que cela plait-il. Le style est il assez simple. Toute remarque est la bienvenue, je ne m’offusque de rien. A+

Le manège des fiancés

Les bras levés au ciel, pieds nus, l’enfant Rom court heureux, entouré d’une ribambelle de gamins tout près de l’écluse de St-Denis. Quand je passe devant eux, c’est un sentiment ambivalent qui m’anime; m’approcher et sourire, ou, au contraire, me méfier et passer mon chemin au plus vite, bouquin à la main. Prochain partiel d’anglais oblige.
Pourquoi sont-ils là ? Comment sont-ils arrivés jusqu’ici ? Que fuient-ils ?
Autant de questions auxquelles je n’ai pas de réponses. Après tout, moi aussi, ne suis-je pas un naufragé tel l’enfant Rom ?
Dans le bus 55 qui m’emmène quotidiennement à l’université de St-Denis, c’est toujours la même scène: tous les usagers regardent les Roms avec dédain, mépris, ce regard malodorant de celui qui refuse de voir dans l’autre un semblable. Pis, les Roms, les Migrants qui se savent épiés, toisés, ne soutiennent jamais ce regard de ceux-là même qui, il n’y a pas si longtemps encore, se posaient en victimes.

Les Roms, presque indifférents, ne lèvent jamais les yeux dans le bus.
Elles rient les femmes Roms, dévoilent leurs dents argentées ou dorées, enlacent leurs enfants contre leur poitrine et, sitôt l’arrêt de bus en vue, descendent comme si elles n’avaient rien remarqué, rien entendu.
Je ne sais pas vraiment d’où je viens, je suis taraudé à l’idée de savoir la vérité. On me prend systématiquement pour un Arabe, depuis tout petit. Mes parents ne me ressemblent absolument pas : eux ont le teint clair, moi pas ; le contraste est saisissant. Tous comme les Roms, moi aussi je viens de loin. Je suis un miraculé, un exilé. C’est ce que mes parents m’ ont appris.
Les portes du tramway de la station Basilique de Saint-Denis s’ouvrent et déversent, en cette chaleur pré-estivale, son flot de passagers. A l’instar de ces gros bateaux blancs du port de Tanger-Med, où sortent de leur ventre les voitures étrangères venues d’Europe. Je ne peux m’empêcher de penser en cet instant, assis sur mon banc favori du jardin de la Cathédrale de St-Denis, à ce rendez-vous raté avec M. Hierro au Petit Socco de Tanger.
Lui, me dirait tout avec forces détails, me dis-je. Qui je suis, d’où je viens. Mes parents avaient gardé son nom ainsi que l’adresse de l’orphelinat d’où on m’emmena comme un paquet cadeau, alors que je n’étais que nourisson.
C’est l’actuel directeur de l’orphelinat qui m’oriente vers M. Hierro. Bien qu’il n’y officiât plus, M.Hierro avait daigné m’accorder du temps pour répondre à mes questions.
Bien d’autres avant moi avaient toujours cherché à le rencontrer pour lui arracher un indice précieux sur l’origine de ceux dont il avait eu la charge. Souvent vingt ans, trente ans après. A l’orphelinat, aucune réponse ne vint satisfaire les questions qui me préoccupent tant. Tout près de la Légation Américaine, debout appuyé sur une rampe d’escalier fraîchement repeinte, se tient un homme à l’emplacement convenu Je fonce sur lui.
« Vous êtes M. Hierro ? J’ai rendez-vous avec lui, ici même.
-Non, ce n’est pas moi, mais il m’a chargé de vous dire qu’il ne pouvait pas rester sur Tanger. Vous le trouverez à Asilah, non loin d’ici.
Voici l’adresse : 2, rue des Andalous Quartier Ziatine. Il vous attend. »
Pris de soif, de sommeil, c’est dans une de ces rues pentues que, pour la nuit, j’élis domicile. Dans un de ces petits hôtels au confort sommaire mais qui conviennent à une bourse modeste. C’est dans ces murs de l’Afrique, au son de l’appel à la prière du muezzin que je parviens à m’endormir.

Colonnes de ballons ovales à la peau de soleil,
Sur ces collines de vagues vertes,

Jus précieux, en ces heures caniculaires,
Bois ce melon d’Asilah !

Dans le train qui m’emmène dans la Ville Blanche, j’ai le pressentiment, dans ce fichu compartiment où la clim ne fonctionne pas, que personne ne m’attend. A peine arrivé dans cette gare, je mets le cap sur Al Hoceima, juste un kieff comme ça……..

* * *

Sur mon banc fétiche de la Basilique, je veux oublier cette période difficile des partiels, où, comme des milliers d’étudiants j’appréhende ces rares épreuves de l’année universitaire mais ô combien intenses ; certains étudiants se bourrent même de cachets pour tenir le choc.

Je m’écroule sur le banc, éreinté de fatigue, dans ce petit sanctuaire verdoyant de la Basilique, là où gisent six pieds sous terre des restes de fémurs, des paires de yeux, de cages thoraciques et, où sans ambages, quelques jeunes se soulagent la vessie sur ces ossements royaux ou cardinaux éparpillés après la Révolution Française. Même mon petit toutou, un caniche royal, s’est fait surprendre par le gardien de cet ancien sépulcre en train de commettre son forfait devant l’Eternel.
Je me détends et suis plus à l’aise ; bien plus en tout cas que dans cette vieille carcasse roulante qui, à travers les montagnes du Rif, et, en des endroits improbables, dépose femmes et enfants venus depuis des villes comme Leiden ou Amsterdam pour les deux mois d’été. C’est dans une maison parfois isolée au milieu de plantes aromatiques ( voire essentielles….)
qu’une famille entière se retrouve enfin après une année de séparation.

Al Hoceima est juchée au sommet d’une montagne dont la plage Quémado est flanquée de deux petits éperons rocheux pommelés d’une couleur noisette en bord de Méditerranée ; un décor hollywoodien.
C’est sur cette plage que’ je fais la connaissance d’un jeune Beur de Belgique : Samy.
« T’es de Casa? Qu’est-ce tu viens faire ici ? me demande-t-il.
-Je cherche quelqu’un en fait.
-Tu viens d’où, alors ?
-Je suis de Paris. J’ai l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de Français par ici.
-Exact, mais c’est pas grave, ça change un peu.
Ecoute, passe ce soir au centre-ville, tu me trouveras, moi et mes potes. On galère toujours là-bas le soir. Je te présenterai. »
Le soir après dîner, une fois passée la fournaise de la journée d’été, le centre-ville d’Al-Hoceima se transforme en véritable vitrine de l’automobile.
Samy et ses copains sont tous là, comme prévu.
Toutes les marques, luxueuses et moins luxueuses déferlent dans la ville et brillent de tous leurs feux en ce début de soirée. A bord de ces belles rugissantes, des gars qui font leur parade nuptiale et qui annoncent, à bord de leurs belles métalliques pétaradantes, le retour des immigrés.
Bien mis, chemises légèrement échancrées, façon BHL, costumes, belles bagnoles, les Maroxellois friment et ça plaît. C’est une des rares fois de l’année où leur statut de jeunes Beurs ou d’immigrés leur confère un sentiment de supériorité. On les regarde avec envie et, de surcroît, considération.
Car oui, on étale, on montre dans cette petite ville du nord du Maroc, ce que l’Europe offre de beau, de neuf, de rêve.

S’il y a une part de mensonge? Bien-sûr. Mais ce qui importe c’est de paraître et disparaître sitôt l’été terminé. On cherche les filles car en Belgique, en Hollande, les choses sont compliquées pour nous.
« Tu sais dans le quartier de Mollembeek, chez nous à Bruxelles, tout le monde s’espionne. T’as pas intérêt de sortir avec la sœur de ton voisin, pas même un flirt. Sinon il faut se cacher, faire des plans de petit malin. Y’a des filles faciles mais il faut payer, comme toujours, pour avoir un peu d’amour, lui explique Samy.
-Mais t’as pas l’air de connaître ton pays, le Maroc ? Tu fais partie de ces gars flammandisés ?
-Je suis français », lui dis-je, sans m’attarder.
Cet étalement de richesse, devant une population éblouie, voire inquiète devant tant de frime dans leur petite ville perdue de ce Maroc profond, moi je trouve ça choquant. Mais les Beurs, en manque de considération pour certains, étaient bien décidés à jouer leur partition, avec, comme piège à con, une voiture féline de l’extérieur et kitch de l’intérieur pour embarquer dans ces grosses cylindrées quelque fille portée par la musique des klaxons enchantés. Ce soir c’est leur quart d’heure de gloire, aux immigrés.
Rugissantes, les voitures « des z’migris » sortent de leurs engins les notes discordantes et tourmentées d’un carnaval baroque.
« Parmi toutes ces voitures, lui dit Samy, et bien certaines ont été retapées, trafiquées.
-Mais certains les ont achetées honnêtement, j’espère ?
-Oui beaucoup travaillent dur, mais d’autres font du trafic ou les achètent avec leur argent du RSA , vivent chez les parents, économisent, pour pouvoir venir jusqu’ici. Tu sais en Belgique quand t’es Beur tu passes après tout le monde, y’a pas d’emploi pour nous, même pour travailler dans la restauration rapide, frère, c’est difficile quand t’es marocain. Toi t’as jamais été confronté au racisme avec ta tête d’arabe, ça m’étonnerait ?
-Je ne crois pas ou alors je ne me rappelle pas !
-C’est sans doute parce que tu t’appelles Tony, ça passe !
-Oui peut-être. Mais je suis français.
-Tiens, je te présente mes potes, on est tous du même quartier de Mollembeck . Il est français les gars !
– T’es pas Riffin, toi t’es d’où ? Casaoui ?
-Non, non, parisien ou presque.
-En tout cas ça se voit que vous êtes belges, ça s’entend à votre accent.
-Qu’est-ce que tu dis français ? Lui rétorque un des gars qui jusqu’à présent avait été discret.
-C’est toi qu’a un accent. C’est vous les français qui avez un accent. Nous, on parle le vrai français, l’authentique, nous, on le change pas, on l’a gardé intact depuis des temps immémoriaux . Vous, vous parlez le verlan, vous respectez rien, vous changez les syllabes, non mais t’as vu comment vous parlez français ? Pour dire flic, ils disent koeuf, pour dire fille ils disent moeuf, pour dire boîte y disent teboî,, c’est vraiment n’importe quoi !
-Comment tu l’as clashé ! cheh ! »
Antoine avait invonlontairement déclenché l’ire de ses nouveaux amis, il ne se doutait pas que la question de l’accent était presque une question de fierté nationale. Une tension dans la conversation était apparue avec, manifestement, une sensibilité à fleur de peau autour des circonvolutions des accent belge et français. Il ne se doutait pas qu’ici, coincé dans ces montagnes, se trouvaient des partisans de Dubellay et Ronsard!

J’avais presque honte qu’ en France on eusse cette lubie d’inverser les lettres, les syllabes pour exprimer un mot voire plusieurs dans une même phrase. J’avais involontairement froissé la fierté belge de ces jeunes Beurs qui, pourtant, étaient convaincus de ne pas être belge. C’était pourtant bien par acte patriotique que ces «Maroxellois» s’étaient indignés.

Je ne savait comment réparer cet affront fait à la Belgique tout entière auprès de ses hôtes du Haut-Atlas devenu maroco-belge, le temps d’un été. Les Beurs de Mollembeck étaient courroucés et, vite fait,ien fait, il fallait trouver une échappatoire ; c’est par la flatterie que je sauvais ma peau auprès de mes cerbères, ici berbères :
« En tout cas j’ai jamais vu de paysages aussi magnifiques et comme la route est belle en venant jusqu’ici ! Ces ravins vertigineux, cet autocar qui cahote et traverse ces encorbellements à flanc de montagne, comme sur les routes des Pyrénées, j’ai trouvé votre pays fantastique. Dommage qu’il ne soit pas très touristique.
-Mais si! réplique, telle une Kalach’, l’un des types qui s’était joint à la conversation juste pour dire du mal des Français, et, par la même occasion, des Arabes. Qui a dit que la mondialisation gommait le sentiment patriotique ?
-On a même un Club Med qui est super ! bien mieux que chez vous en France ! »
Ouf ! l’atmosphère enfin détendue, c’était pas la peine de ranimer la susceptibilité de mes amis belges sur la langue de Molière. Au fur et à mesure de toutes ces conversations à bâtons rompus, j’avais la nette sensation que je n’avais plus vraiment ma place dans ces montagnes au milieu de jeunes Beurs néerlandais ou belges qui ne se sentaient guère mieux dans cette montagne isolée.
Faut juste passer le temps, comme ce jeune homme élégamment mis dans son costume bleu marine avec une superbe chemise échancrée façon joueurs de foot à l’arrivée aux entraînements dans leurs superbes Porsche. Poste à fond, il trône fièrement à la même place tous les soirs en espérant sans doute attirer le regard d’une belle.
Le gars, depuis un moment, scrute autour de lui, balaye d’un regard la place entière et, des pépins de tournesol à la main, normal pour tous ces jeunes, espère accrocher le regard d’une pt’ite moeuf. Les Maroxellois me confient qu’il est des Pays-Bas ; un argument à lui tout seul, mais, ici, à Alhoceima, dans cette cité enfermée, il rentrera chez lui, seul tout, avec ses illusions d’amoureux, comme tous ces bollosses de quartier qu’assurent pas !
Sans l’annoncer à personne, je me casse de ce microcosme de cité, retransplanté dans la montagne, le temps d’un été. Mes copains belges ne m’en voudront pas. Après tout je ne suis pas de de leur tribu. J’avoue, j’espère, moi aussi, appartenir à une jolie montagne et que, quelque part, on n’attend plus que moi.

* * *

Harassé, je quitte mon banc, harcelé par la pluie qui tombe sur St Denis. Bouquins sous le coude, la tête remplie de noms, de dates, du visage même du prof qui va m’interroger sur l’Habeas Corpus, Keanocks Thatcher, je ne résiste pas à l’idée de m’arrêter, même sous la pluie, devant le manège où papa et maman m’emmenaient autrefois quand j étais gosse.
Comme c’est triste un manège. Un petit tour et puis s’en va. Presque comme la vie. Le temps de faire un petit geste de la main au bambin, pris dans le tourbillon du vertige, de la peur, de la joie.
Le tour est terminé, les parents ont photographié. Il reste une image que chacun garde pour soi, jalousement. Séparément. Il en va de la mémoire.
En hiver le manège est encore plus triste. Cela devrait être interdit de passer devant pour un adulte qui a eu des enfants. Pis, celui qui n’en a pas eus. Quelle souffrance de passer devant un manège, quand on n’a pas eu de souvenir à emporter avec soi car, alors, l’esprit divague, part, s’emballe, et, le visage fouetté par le froid ou la neige vous renvoie impitoyablement à votre solitude.
On devrait fermer les manèges en hiver car ils vous conduisent droit à la crise cardiaque:
Si vous avez été parent et que vos enfants sont loin, ne vous approchez pas pas d’un manège sous peine de vous faire écraser par le petit train. Si vous n’avez pas été parent, Grand Dieu, évitez cet endroit, la petite moto vous culbutera et si vous êtes un « adulescent », la petite voiture vous renversera. On dénombre beaucoup de décès près des manèges mais on n’a pas encore établi de lien. Personne ne sait pourquoi. Non ce n’est pas dû à un défaut de fabrication, à un manque de vigilance, la mort n’est jamais loin du manège. Cela tombe bien, le « Mets Du Roy » ou encore « le Khédive » sur la Grand’ Place de la mairie face à l’imposante Basilique commande une vue redoutable sur le manège.
Le paradoxe c’est qu’une femme désireuse d’enfanter devrait toujours aller boire son café devant un manège. Les traitements cliniques contre la stérilité : du temps perdu. Une femme désireuse de procréer doit toujours s’asseoir en face d’un manège et, assurément, elle tombera enceinte. La mort est toute proche, côtoie les parents au sourire redevenu candide. La vie, elle, s’est déjà immiscée dans le corps prophane de la femme stérile, un souffle s’est subrepticement glissé dans le corps de la belle, pour mieux, plus tard, en ce même lieu, la trucider.
Les enfants t’échappent, non, il ne faut pas passer devant un manège, lieu de mémoire abîmé. Pis on ne s’en aperçoit pas. On peut passer des milliers de fois devant et puis un jour l’air de rien sans s’en rendre compte, c’est la mort. Il faut crier haro sur les manèges. Je marche dans les rues de St-Denis, et là, je suis pris d’un vertige devant le mur de la Maison de la Légion d’Honneur, je m’asssois ;
la préparation de mon oral d’anglais face à un professeur sur un sujet que je ne maîtrise pas pas bien, me remplit d’angoisse. Un café frappé, et c’est ma tête qui tourne.
Un souvenir resurgit soudain : un selfie devant le car au petit matin le jour de mon départ, avant de quitter Al Hoceima. Et puis plus rien, je tombe dans les pommes, je suis dans les choux.

Porte devant toi Sefrou,
Fille d’un ruisseau,
Roche éclabousse! des bruines,
C’est lui l’arbre de tes racines,

Assis hébété, je ne comprends pas ce que fais ici ici dans cette masure au milieu des bois et des cerisiers. Je parviens à sortir, je cours en titubant au hasard en plein milieu de la route. Dépouillé de mon sac à dos, de mes papiers, de mes chaussures, hagard je me dirige vers la première maison que je trouve pour qu’on me porte secours.
Quand j’arrive devant le seuil de la porte, c’est avec un cri étouffé que m’accueille une femme d’une cinquantaine d’années, les cheveux cachés par son hijab; sans attendre elle appelle son mari qui aussitôt me fait entrer pour me prodiguer les premiers soins avec de l’eau sur un chiffon sur l’oeil boursouflé d’un cocard. Allongé sur un fauteuil, le regard plissé, je ne comprends toujours pas ce qui m’arrive.
Le père amène une pommade pour les hématomes car, lui-même bûcheron, il lui arrive de se blesser et d’appliquer cette pommade miracle.

« A smeck rouya ? » medemande Mohamed, le chef de famille. Je ne parle pas l’arabe et fredonne des lèvres u peu contrites :
« -J’ai mal, j’ai soif.
-Mais tu es français, où est ta famille ? Que fais-tu ici ? », demande le chef de famille. Je m’endors, éreinté de fatigue…»
Quelques heures plus tard, c’est toute la famille qui est là dans le salon à attendre que je me réveille. Après avoir repris connaissance, Mohamed m’apprend que je suis victime des trafiquants du bois de cèdre.
« Ce sont des hommes très dangereux, prêts à tout, tu sais, ils trafiquent le bois de cèdre, le coupe dans la forêt et le sorte illégalement. L’un d’eux t’a repéré et t’a assommé pour te prendre tes papiers et usurper ton identité. Il faut que tu ailles vite voir la police et que tu portes plainte. Tu sais ici gagner sa vie avec la culture de la cerise, ça ne suffit pas, alors certains organisent la contrebande du bois. Il n’y a pas beaucoup de choix. Demain rends-toi au commissariat de Sefrou. Ils t’aideront. »
Au commissariat, le policier me pose des questions en avalant quelques cerises. Tandis que sa moustache épaisse frétille, il relève tout le temps son pantalon comme s’il avait un trop gros zizi dans cet uniforme mal coupé, et, à brûle-pourpoint, me met une droite, gratuitement..
Persuadé qu’il tient là, en ma présence, une caillera de cité ou un jihadist et qu’on le récompensera. Un schmit de Province devenu un héros. Il attend une promo. C’est chelou ce jeune qui ne parle pas un mot d’arabe et dépourvu de tout document déclinant son identité. Pourquoi venir jusqu’ici si ce n’est pour perpétrer un attentat ? Se disait-il.
« Qui t’a envoyé ici ? T’es venu faire quoi ? Par là ? Tu fais partie d’un complot ? » Voilà ce que je vaux aux yeux de ce flic. Il pense que je fais partie d’un complot contre le Maroc , contre la sûreté nationale.
J’étais presque sur le point de me pâmer. Le policier m’ inflige un second coup de poing pour me faire parler et avouer ce qu’il croyait avoir découvert. Des consignes ont été données, des instructions ont été passées selon lesquelles des terroristes cherchent à déstabiliser le pays. Je suis confus dans les réponses, ne sais plus ce que je dis, je bute sur les mots et, d’un seul coup, le policier me frappe derechef à la tête, ne croit pas à mon histoire. Le policier veut devenir inspecteur et croit tenir là un coupable idéal pour sa promotion.
« Tu es un terroriste ! Tu es venu au Maroc pour déposer une bombe, vous foutez le bordel en France et maintenant toi, tu viens faire faire un attentat ici. On va s’occuper de toi Koffar ! »
Quelques claques, puis je m’évanouis dans la cellule. C’est une GAV de ouf !
Une serviette détrempée et quelques biscuits à mon réveil, c’est au tour de l’inspecteur Khalid de venir m’interroger.
L’inspecteur, plus jeune, francophile, cerne rapidement ma personnalité et décide de lever ma GAV et de me relâcher en me formulant mille excuses. Les temps sont difficiles, on se méfie de tout le monde. L’inspecteur rabroue son subordonné, le tance, lui explique qu’il serait obligé d’en référer à la hiérarchie et que, peut-être, il serait muté.
L’inspeceur ne pensait pas un instant que je fusse un mec de chez DAESCH. Le policier fait à présent le dos rond comme un petit chat et fait la moue du gamin à qui l’on a dit qu’il serait privé de dessert.
La libération vint le lendemain après que Mohamed eût demandé de mes nouvelles en prétendant que j’étais étais son neveu dont il s’occupait pendant ses vacances au Maroc. J’étais sauvé mais j’étais toujours sans papiers. La maison de Mohamed est petite mais confortable.
Assis autour d’un tajine, je me trouve en face d’une jeune femme de vingt ans qui ne parle plus. Elle mange, baisse les yeux et de temps à autre jette un regard gêné, troublé, mais suffisamment expressif pour bien me faire comprendre.
J’ose enfin jeter un regard furtif sur elle, en s’cred bien sûr, conscient des codes et usages en cet arrière-pays du Maroc. Le chef de famille Mohamed, lui, laisse faire. Il n’a rien vu. Je crois qu’il m’aime bien. Son épouse Fatima s’affaire dans la cuisine et termine le thé à la menthe.
« Il faut que tu ailles au consulat français et signale ce qui t’es arrivé. Je t’y emmène tout à l’heure. », lui dit Mohamed.

Les crabes de Casablanca

Au consulat de France, il est neuf heures quand un fonctionnaire me reçoit pour me remettre un sauf-conduit, circuler librement dans le pays, passer la frontière.
« Ce type d’incident est légion au Maroc, me dit-on.
-Ne vous inquiétez pas. On s’occupe de tout. »
J’explique au consul de France la motivation de ma venue au Maroc. Le consul connait l’histoire de ce M. Hierro de Tanger. C’est un mondain, il fait des affaires dans le négoce de produits naturels. Aujourd’hui ses activités sont tournées vers l’import-export international. Il est assez connu au Maroc mais demeure discret. Il n’est pas facile de l’approcher. Il me recommande vivement de me rendre à Agadir.
« Je l’ai connu, ce M. Hierro, mais il ne travaille plus dans le nord du Maroc. Tu le trouveras dans le Grand Sousse à Agadir, c’est là qu’il s’est établi et, de mémoire, le nom de sa société est Argane; il est spécialisé dans l’exportation des produits du Sousse vers l’Europe et les Etats-Unis. Ne t’inquiète pas, tu le retrouveras ! »
J’ai le cœur qui bat la chamade. Je suis impatient de le connaître.
M. Hierro, le fil d’Arianne de ma vie, faut que je lui mette la main dessus. Je ne suis pas inquiet, je me rapproche de lui, pas à pas, même si j’ai parfois le sentiment d’avancer à reculons.
Après tout, mes parents n’avaient pas menti et m’avaient dirigé vers lui comme eux l’avaient été vingt-cinq ans auparavant. Quand je sortis de chez le consul, je décidai de me promener sur la belle corniche de Ain Diep, noire de monde.
Toutes ces familles viennent des quatre coins du Maroc pour l’été et, bien sûr, les immigrés aussi aiment venir profiter de l’air frais du bord de mer en cette fin d’après-midi. Ici un enfant lâche son ballon et s’amuse de le voir flotter au gré du vent, là un homme dont la vue sur la croupe d’une fille en train de se baigner fait trembler son regard aux yeux de poisson.
Il se cramponne fermement à la barre d’où, en contre-bas, la jeune femme s’élance, l’arrière-train en l’air, et réussit un plongeon miraculeux qui, jusque tard dans la nuit, telle une idée fixe, ne quittera plus son esprit.
Ce plongeon, il lui a trouvé un nom : le saut de la mort. Oui, la mort de l’espoir, d’une illusion, celle de la connaître, de lui parler, de lui dire tout le bien qu’il pense de son plongeon !
Il pourrait lui donner l’adresse d’un super entraîneur qui en ferait une grande championne, une championne de classe mondiale, malgré sa croupe, sans doute un peu trop forte pour des J.O.
Tant pis, il lui ferait croire quand même, et comme ça, elle lui serait infiniment reconnaissante à l’homme aux yeux de poisson, elle se donnerait à lui, son mentor, son menteur. Mais en réalité il sait bien qu’il ne pourrait même pas s’approcher d’elle.
Un homme, biscotos à l’appui veille sur elle et sur ses plongeons : c’est bien connu il ne faut pas que les plongeons soient trop bombés, c’est déconseillé pour le dos. Alors l’homme aux yeux de poisson, du haut de sa balustrade ne peut que constater le sentiment éphémère de son désir foudroyant, de son instinct d’homme en perpétuelle recherche de chair et d’amour.
Regarder et c’est le danger ! Ses yeux s’envolent à jamais !
Punition divine. Péché. C’est la mort.
Savoir que la vie est là mais ne rien pouvoir faire.
Rester immobile et suivre strictement les codes bien établis de la pudeur.
Oh ! Bien sûr il peut toujours aller se réconcilier avec quelque fille de joie, l’homme aux yeux de poisson, atténuer sa douleur, avoir moins mal, mais aucune d’elles ne pourrait lui faire oublier celle-là, celle qu’il a aperçue et désirée, presque violemment, celle qui lui est interdit d’aimer, mais pis, d’approcher car elle crierait au scandale, à la « h’chouma », à la perte des valeurs.
« On ne peut même plus se baigner tranquille sans qu’un vicieux du sexe vienne vous importuner ! », assènerait-elle au milieu de la foule ; là, jeté à la vindicte populaire, lui qui, pendant un instant, s’était cru devant l’écran de cinéma de son quartier, mais ô horreur ! La foule s’approche de lui, et, l’homme aux yeux de poisson n’aurait plus qu’à se laisser mourir, à s ‘enterrer vivant sans quoi, l’homme aux gros biscotos se chargerait lui-même de la besogne.
Il lui enfoncerait la tête la première dans le sable, à l’envers c’est le sort réservé aux hommes pervers et, coup de grâce, la population approuverait, il n’aurait pas dû aller importer une sœur qui voulait juste faire trempette. L’homme serait emporté par les courants vils de l’océan, et serait désagrégé par les crabes qui, ultimes châtiments, lui couperaient les couilles, histoire de s’assurer que dans une vie ultérieure, ailleurs, il ne recommencerait pas. Une fois le corps dépecé par les requins au large des côtes de Casablanca, il ne resterait plus sur son corps à la dérive que son débardeur qui, au gré des flots, rappellerait à tous le saut de la mort ou plutôt la mort du sot.

* * *

Je sors de ma résidence étudiante de la Porte de Paris. Deux migrants afghans, qui traversent n’importe comment, manquent de se faire écraser par un bus de la RATP. Ils ont l’air complètement stones. Plus personne ne fait attention à eux. En sortant de la cité U, je croise Désiré, parti se chercher un café à emporter et son Parisien, édition 93, chez un kiosquier algérien. Désiré, le gardien de la résidence a un air de chien battu, celui à qui le maître a infligé une méchante tape sur le ventre. Il a le même air que le chien Groopy du célèbre dessin animé américain. Même quand il est heureux personne ne le croit. Désiré vit seul, aucune compagne et ça lui gâche la vie. Il n’est pas moche mais ne sait pas discuter avec les femmes, il a le don de les énerver sans même le faire exprès. Il m’a même confié qu’il était prêt à se convertir à l’islam pour une petite bombe étudiante. Je sors mon ticket et m’engouffre dans le métro, direction la fac.
Aujourd’hui c’est mon grand oral devant deux professeurs, j’ai la trouille mais je suis content que cela se termine. Dans les escaliers du bâtiment E, un boucan infernal raisonne dans toute l’université.

* * *
La route du safran

C’est dans le grand Sousse que je viens chercher une part de vérité. C’est dans le paysage accidenté de Taznart à quelques dizaines de kilomètres d’Agadir, au milieu de quelques montagnes caillouteuses et petites qu’on m’a fixé rendez-vous.
Selon le consul, quelqu’un doit passer me prendre à « la montagne du minerais », un café tout près de la place des grands taxis ;
« Tony?
-Oui, c’est bien moi, répondis-je.
-On m’a chargé de venir vous récupérer. On vous attend. »
On m’embarque dans une voiture sur une route poussiéreuse et cahoteuse. La route serpente jusqu’au village à flanc de montagne. J’attends dans une maison et, après une minute interminable, entrent deux petites jeunes femmes menues, vêtues de haillons, le teint brûlé par le soleil, ainsi qu’un jeune homme du même âge que moi.
Grand, mince, la mine fatiguée, il m’ étreint, pleure et rit en même temps, balbutie des mots pêle-mêle, en berbère, en arabe, en français.
« Mon frère, mon seul frère ! Je m’appelle Hajd ! dit-il.
Effectivement, n’étaient ses cheveux en bataille, ce visage juvénile, buriné par le soleil ressemblait comme deux gouttes d’eau à ma face de pioche.
-« Où sont les parents, nos parents ? demandai-je.
-Mais ils ne sont plus là depuis bien longtemps. La terre les a emportés. Dans ses entrailles. Je parle du tremblement de terre. Il a tout emporté avec lui. Plus rien. Ou presque.
-Et mes parents, nos parents ? Que peux-tu me dire, frère ?
-J’ai quelque chose pour toi. Tu seras certainement intéressé mais je ne peux t’en dire plus. Patiente. On verra ça plus tard… »
Mon lieu de pèlerinage serait ici. Seul mon frère et moi avions survécu. Les deux seuls survivants avaient été séparés à la naissance. L’un avait placé par une ONG qui l’avait conduit à l’orphelinat tout près de Tanger, tandis que mon frère avait été recueilli par la famille proche.
Le second travaillerait aux champs. Il fallait aussi se donner bonne conscience. On ne pouvait abandonner les deux. On ne pouvait pas éduquer, nourrir les deux, dans cette partie du Maroc si pauvre. L’orphelinat, lui , existe toujours.
M. Hierro, si discret, invisible, avait aidé Antoine à remonter le fil de l’écheveau, en prenant soin de rester à l’écart. M. Hierro est toujours là. Ici au village tout le monde le connaît. Le frère d’Antoine a gardé des photos, qu’on lui a remises plus tard quand il était en âge de comprendre.
Des membres de l’ONG les avaient transmises à un membre de la famille.
Hadj les réclama très tôt. Il n’y a pas d’écrit, pas de dossier. Juste une ou deux photos. Je sers mon frère dans mes bras.

Je voudrais rester au Maroc pour toujours, je ne veux plus retourner en France, comme j’en veux à mes parents adoptifs, pourquoi m’avoir éloigné de ma terre natale, de mon frère ?

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8 réponses

  1. oholibama dit :

    Hello
    un peu étrange ce texte, il pourrait être super s’il n’y avait ces différences de lieux, un coq à l’âne dérangeant, bon je ne suis pas une écrivaine alors…mon avis ne compte pas vraiment. Il faut trouver l’idée première et faire surgir du texte les souvenirs en sacrifiant quelques lignes…

  2. Emilie KAH dit :

    Vous avez beaucoup d’idées, beaucoup trop pour un texte de cette longueur. Il faut trier et éliminer certaines choses — je sais ce n’est pas facile d’abandonner « ses chéris » pour construire une histoire avec des tensions. Chaque partie du texte doit se terminer sur une tension qui relance l’intérêt du lecteur afin qu’il ne lâche pas sa lecture avant d’arriver à la fin.
    Vous écrivez dans une langue correcte et imagée. C’est bien mais ne suffit pas pour produire un texte cohérent et séduisant. Ne vous découragez pas. Reprenez votre texte, élaguez-le, simplifiez-le, retirez des personnages. Tout cela est trop confus.

  3. Fanny Dumond dit :

    Bonjour H. Faidoli. Il me semble que vous avez là matière à rédiger plusieurs ouvrages à partir de votre roman fourre-tout (désolée) dans lequel plusieurs thèmes s’entrechoquent et qui m’ont fait perdre le fil de la lecture. Vous écrivez à la première personne du singulier et lors d’un passage un Antoine apparaît qui semble être le JE. Ce basculement à la troisième personne est déroutant. La pléthore de personnages « bavards » m’a ennuyée et embrouillée. Je n’ai pas bien compris ces changements de lieux inopinés, une fois il est à Paris et deux lignes plus loin il est au Maroc et peut-être en Belgique ! Pour tout vous avouer, j’ai lu le début attentivement et plus qu’en diagonale la suite et comme je suis curieuse je suis allée à la conclusion pour savoir la fin de l’histoire, car il y en a une. Toutefois votre écriture est agréable à lire. Alors recevez tous les encouragements d’une petite écrivante. Bien cordialement. Fanny

  4. Faidoli dit :

    Merci pour les commentaires et surtout les conseils. Si d’autres eulent se joindre bienvenus chers amis. Chaleureusement.

  5. Levasseuri dit :

    C’est facile et agréable à lire, mais l’histoire ne semble pas construite, écrire un roman c’est un métier.

    • Pascal Perrat dit :

      Quand on écrit une fiction il faut, bien sûr, avoir une idée de sa trame, mais il faut aussi trouver une idée du mouvement qu’on va impulser à l’histoire.

  6. Antonio dit :

    Bonjour, j’ai lu une grande partie de ce texte et n’ai jamais vraiment accroché. L’histoire est tout à fait compréhensible mais j’ai l’impression de lire un carnet personnel ou un journal d’une personne qui commente plus qu’elle ne m’emmène dans une histoire. Fils d’immigré et vivant en banlieue parisienne, je retrouve des faits et ressentis légitimes, mais qui sont pour moi aujourd’hui des clichés. Mettre cela en avant plutôt qu’en arrière plan, m’a ennuyé d’entrée. Du coup, il reste l’intrigue de son passé auquel, au fil des lignes, je ne suis pas sûr de m’intéresser. Pour moi, il manque une intrigue de premier plan qui amènerait petit à petit à celle que vous décrivez. Voilà mon avis, en espérant qu’il répond à vos interrogations. Bonne continuation.

  7. 🐀 Souris verte dit :

    Pourquoi me sens-je gênée ?
    Peut-être parce que j’ai eu du mal à rentrer dans ce texte ( pourtant bien écrit ) tout simplement 🐀

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