324e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat

Elle attendait pour traverser la rue,
lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère,
s’afficher dans la signalétique du passage piéton.
J’ai trop bu, hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.
Une rue, plus loin…

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26 réponses

  1. françoise maddens dit :

    Elle attendait pour traverser la rue
    lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère s’afficher dans la signalétique du passage piéton .J’ai trop bu, hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.
    Une rue, plus loin, alors qu’elle attendait à nouveau que le feu passe au vert pour s’engager sur le passage, elle crut une nouvelle fois reconnaître la silhouette de sa belle-mère.De frayeur elle tomba dans les pommes. On crut bon de la transporter à l’hôpital. Après qu’elle eût
    repris ses eprits et avoir subi maints examens, le médecin l’interrogea :
    – êtes-vous sujette souvent à ce genre de malaise ?
    – non Docteur, sauf lorsque je vois la silhouette de ma belle-mère dans les feux signalétiques !
    _ vous ne la voyez que là ?
    – oui Docteur car nous sommes fâchées »à mort » depuis que j’ai plaqué son idiot de fils !
    – la seule solution Madame c’est que vous passiez hors des feux.
    Elle sortit de l’hôpital quelques jours plus tard et selon la prescription du Docteur, elle traversa consciencieusement les rues hors des feux
    Elle eut une puis deux puis trois contraventions …. Son cabas ne suffisa plus pour les contenir. elle prit un caddy. Mais plus grave, ce qui devait arriver arriva, elle fut heurtée, dans un virage par une voiture. On la transporta à nouveau à l’hôpital. Ce fut le même médecin qui s’occupa d’elle . Que pouvait-il lui conseiller désormais d’autant qu’il se sentait un peu coupable. Surtout il ne fallait pas que cette nouvelle se sache car il risquait d’être rayé de l’ordre des médecins.Il n’eut d’autres solutions que de la faire interner pour troubles psychiques. Elle fut soignée pendant trois mois et fut remise en liberté sans autre forme de procès. Quelques mois plus tard on put lire dans les faits divers des journaux qu’une femme, un peu ivre, s’était fait heurter mortellement en traversant une rue à grande circulation hors des passages cloutés.

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  2. Ludo dit :

    Elle attendait pour traverser la rue, lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère s’afficher dans la signalétique du passage piéton. J’ai trop bu, hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.
    Le soleil baissait déjà dans le ciel et elle ne voulait pas être à l’origine d’un incident diplomatique de plus avec sa belle-mère. L’envie de passer une soirée tranquille, après cette journée écrasante et sans intérêt, l’emportait sur sa fatigue et lui faisait presser le pas. Mais l’odeur du pain frais vint la narguer de la façon la plus insolente qu’il soit ; elle ralentit l’allure, un dernier pas, fit une pause puis un retour en arrière rapide. Devant la vitrine de la boulangerie, elle piétinait d’impatience comme un môme. Son excitation retomba lorsqu’elle reconnût dans la silhouette d’un manele(*) celle de sa belle-mère à nouveau. Aucun doute. L’air manquait, un frisson la paralysa l’espace d’un instant puis elle se ressaisit et quitta la boutique brusquement en laissant la vendeuse seule avec son « Bonjour Madame, s’il vous plaît ? ».
    Elle oscillait entre la panique totale et l’abrutissement complet. Finalement, elle reprit ses esprits après quelques pas irréguliers qui faillirent la faire percuter une vitrine de prêt-à-porter, celle qu’elle aimait particulièrement fréquenter entre amies les jours de soldes. Cet environnement familier la réconforta ; son regard parcourait les étoffes de soie dont étaient ornés les mannequins sculpturaux. Elle crut que son cœur s’arrêtait lorsqu’elle reconnut le visage de sa belle-mère sur l’un deux. Elle la narguait d’un sourire sournois qui la toucha au plus profond. Ses jambes la lâchèrent et ses genoux la firent souffrir au martyr au contact du trottoir froid.
    Là, s’en était trop. Elle avait la sensation suffocante de réaliser qu’elle devenait folle. C’est aussi ce que devait penser les quelques passants qui la regardaient, inquiets et ne sachant que faire, se donner des claques successivement sur la joue droite, puis sur la gauche, puis sur la droite, puis sur la gauche. Une vieille dame, peut-être prise de pitié du moins d’empathie, retint d’une main ferme le dernier de ses gestes qui aurait encore accentué la rougeur qui commencer à colorer ses joues. Elle lutta quelques instants contre cette résistance, puis lâcha prise et finalement se calma. Les traits de la grand-mère étaient charmants ; pas qu’ils soient harmonieux ou agréables à regarder, non. Mais ils avaient cela de rassurant qu’ils ne ressemblaient pas du tout à ceux de belle maman et, compte-tenu de ce qu’elle venait de vivre, ce n’était pas rien. Elle allait lui tomber dans les bras pour la remercier lorsqu’elle vit à ses pieds une petite boule de poil ; le genre d’animal à quatre pattes qui, outre l’inconvénient de nous occuper à slalomer sur les trottoirs pour éviter leurs petites crottes, est la distraction principale des personnes âgées. Une lame de glace parcourut son dos de la nuque jusqu’au coccyx : le chien était coiffé d’un chignon ridicule, le même que sa belle-mère, et son regard niais et sans expression perçait au travers de petites lunettes rondes, monture en tous points identique à celle de vous savez qui. D’ailleurs, dans un éclair de lucidité, elle semblait voir dans ce regard d’étranges similitudes avec celui de belle maman.
    Quelques secondes plus tard, elle montait à grandes enjambées les sept étages de l’immeuble dans laquelle elle résidait. Haletante, elle ouvrit la porte qui donnait sur le hall d’entrée. Au son de ses pas glissants sur le carrelage propre mais encore humide, belle maman apparut, chignon et lunettes parfaitement en place. « Ah Isabelle, faîtes attention s’il vous plait je viens de … ». Elle n’eut pas le loisir de finir sa phrase. D’une voie sourde mais percutante elle siffla dans un crescendo vibrant : « Vous, ça suffit ! Parce que quand on se fait allumer en vert à longueur de journée, qu’on se fait sucer et manger la tête par n’importe qui, qu’on s’exhibe toute la journée dernière une vitrine comme une trainée, et qu’en plus on expose ses déjections comme des œuvres d’art sur les trottoirs à la vue de tout le monde, et ben on fait quoi selon vous ? Et ben on la met en veilleuse et on se la ferme ! ». Sur ce, elle traina les pieds jusqu’ sa chambre, claqua violemment la porte et laissa belle maman bouche bée.
    (*) : un manele est une brioche en forme de bonhomme que l’on vend dans les boulangeries de l’est de la France (Lorraine, Alsace), à l’occasion de la Saint-Nicolas.

  3. La journée avait mal débuté. Déjà le réveil-matin avait du insister dix bonnes minutes avant qu’elle ouvre un œil, après un rêve étrange où une voix accariatre lui chantait dans les oreilles l’air : « la reine de la nuit » de l’opéra de Mozart. Une voix qu’elle avait reconnue, pour l’avoir subie toute la journée d’hier, une voix qui se complaisait dans le sur-aigu. Migraine garantie.
    Toujours les mêmes sujets de conversation, toujours les mêmes reproches, jamais francs, mais suggérés, et les mêmes réponses de Gérard, rétrogradant en couches-culottes devant sa mère. Le beau-père, lui, victime quotidienne, profitait de la présence d’autres cibles pour se caler dans son fauteuil préféré avec son journal et fumer tranquillement une bonne pipe, loin du bruit et de la fureur. Et quand Gérard s’éclipsait deux minutes pour aller « au petit coin », seul lieu où sa mère ne pouvait pas le suivre, c’était elle, Capucine, qui servait de réceptacle au moulin à paroles. A un point tel que Capucine se mettait des bouchons d’oreilles pour atténuer les criaillements répétés de la beldoche.
    Alors, pour oublier sans doute ce triste dimanche, elle avait un peu forcé sur la bouteille. Son beau-père savait choisir les vins et il avait même levé son verre dans sa direction avec un sourire complice. Elle lui avait rendu son sourire et trinqué à la santé des gens paisibles. Sans retenue. Boire lui donnait une contenance en société, et c’était une occupation agréable pour endurer ce repas que le monologue de la maitresse de maison  rendait interminable.
    Mais voilà. Ce matin, lundi, elle se levait avec la bouche collante, des courbatures persistantes et la tête prise dans un étau. Heureusement, le trajet pour se rendre au bureau se ferait à pieds, et le début du printemps lui assurait une fraicheur revigorante. C’était même un privilège d’être piéton quand on voyait les voitures prises dans les embouteillages de la ville. Et puis marcher lui ferait du bien.
    Elle sortit donc guillerette et respira l’air frais avec plaisir.
    Quand, au premier carrefour, alors qu’elle attendait sagement sur le trottoir pour traverser, elle avisa le signal rouge pour piétons et reconnut dans le dessin du personnage la silhouette trapue et lourde de sa belle-mère. Elle se frotta les yeux et regarda de nouveau. La même silhouette passée au vert lui cria : « Ben alors quoi ! Tu te décides à traverser ou pas ! » Interloquée, elle jeta un oeil autour d’elle et réalisa qu’elle seule avait entendu la voix. Elle prit le parti de continuer sa route comme si de rien n’était mais inspectait son environnement, craignant une autre hallucination. Rassurée par un apparent retour à la normale, elle retira de son sac une bouteille d’eau dont elle but une gorgée.
    Au moment d’avaler, elle faillit s’étrangler. Un policier au milieu du carrefour, qui tentait tant bien que mal de démêler un écheveau d’embouteillages, débitait tout haut les mêmes fadaises qu’elle avait du supporter la veille. Il avait seulement adapté son discours au problème présent, c’est à dire le flux de voitures.
    Le mal de tête s’amplifiait et il lui fallait une aspirine au plus vite. Il était près de 9h et elle préféra prendre un peu de retard sur son horaire pour attendre l’ouverture imminente de la pharmacie toute proche. Quand elle rentra dans l’officine, ce fut son beau-père qui lui demanda avec un sourire avenant ce qu’elle désirait . Du moins, c’est ce qu’elle crut, tant le pharmacien lui ressemblait. Elle balbutia quelque chose d’inaudible, s’excusa, et fit mine de sortir. Mais elle se sentit faible et tomba de tout son long sur le carrelage.
    La suite est trouble : la sirène des pompiers qui hurlait, le transport sur un brancart d’un blanc agressif, la lumière trop forte qui lui vrillait les tempes, un brouhaha de voix sourdes et un endormissement sans rêves.
    Quand elle put enfin rentrer chez elle, après de nombreux examens, son mari l’attendait qui avait préparé un délicieux bouillon de poireaux.

  4. Jean-Pierre dit :

    Elle attendait pour traverser la rue, lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère, s’afficher dans la signalétique du passage piéton. Un beau vert, bien souriant.
    J’ai trop bu, hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.

    Une rue plus loin, elle tombe sur sa belle-mère qui était tombée à côté du passage piéton.

  5. GREGORIANE dit :

    Elle attendait pour traverser la rue, lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère, s’afficher dans la signalétique du passage piéton. Un beau vert, bien souriant.
    J’ai trop bu, hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.

    Une rue plus loin, une femme emmitouflée dans un grand châle gris demandait à son caniche noir de relever la patte au plus vite. Elle lui fit un signe de la tête sans un mot. La dame s’éloigna. C’est dingue comme les gens deviennent trouillards, pensa-t-elle.

    Elle continua son chemin, persuadée que l’alcool n’avait rien à voir avec l’apparition de sa belle-mère dans la signalétique du passage piéton. D’ailleurs, était-ce vraiment sa belle-mère ? Elle n’en avait aucune certitude surtout qu’elle n’en avait pas, de belle-mère. Mais alors qui était cette femme au sourire vert lumineux ? Là était la véritable question. S’agissait-il de sa mère, morte alors qu’elle venait d’avoir dix-huit ans ?
    Joyeuse, douce, aimante, sa mère donnait à sa vie des coups d’accélérateur incroyables. Elle était une source de fraîcheur dégringolant sur sa vie comme une cascade vivifiante. Sa joie de vivre et sa beauté enchantaient famille et voisinage. Elle captivait, comme les madones de Raphaël et s’éclipsait comme un essaim d’étourneaux, au grand désespoir de ceux qui l’adulaient. Elle était aimable, souriait à tout le monde, aidait son prochain, prononçait les bénédictions avant chaque repas. Elle était aimée, d’ailleurs, elle s’appelait Aimée.
    Comment résister ?

    – Voilà, docteur Garbure, vous connaissez toute l’histoire de cette jeune patiente. Dès qu’un piéton la croise parlant au poteau signalétique, nous sommes aussitôt alertés. Nous la trouvons le nez collé sur le pylône, la bouche posé sur l’acier froid, les yeux en pleurs. Son état psychique ne s’améliore pas. Ses constantes hallucinogènes se démultiplient. Elle revit l’histoire, vit au quotidien le manque. Lorsqu’elle séjourne chez nous, la journée, elle est d’un calme étourdissant. En revanche, la nuit, elle se munit d’outils, dérobés l’après-midi à l’atelier des travaux pratiques, scie les grilles de sécurité et saute par la fenêtre pour rejoindre ce poteau de l’angle de la rue. Elle l’enlace, le caresse, le cajole, lui parle. Nous ne savons plus que faire, docteur. Aucune médication ne la sort de sa torpeur. Le problème est que notre institution ne peut plus payer les entrepreneurs qui viennent réparer les dégâts causés par ses assauts nocturnes. Elle nous coûte trop d’argent docteur !
    Alors, je vous le demande : Qu’allons-nous faire d’elle ?

    – Hummmmmmm, je ne vois qu’une solution : Lobotomie …
    – Mais docteur, ce sera la troisième en une semaine !
    – Je sais bien mon petit, mais nous vivons à l’ère de l’économie.

  6. Michel-Denis ROBERT dit :

    Elle attendait pour traverser la rue, lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère, s’afficher dans la signalétique du passage piéton. J’ai trop bu hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin, j’ai dormi comme une souche. J’ai besoin de me reprendre.

    Elle était en avance, elle fit un détour par la rue Ellis. C’est la seule rue de la ville restée pavée en l’honneur du grand homme. On l’utilise souvent comme décor pour des films. Cette idée lui plaisait. Quand elle avait le spleen, elle prenait l’air en se réfugiant dans cette rue. L’animation y était toujours bénéfique. L’idée lui vint de retrouver l’ambiance du pub d’hier soir pour se réchauffer et mettre ses émotions dans le bon sens. Par endroits, le dégel avait négligé quelques plaques sur lesquelles elle se laissait aller gaiement, à d’autres, ses pieds s’ancraient fermement sur le sec. Les dernières sensations de déséquilibre disparaissaient au contact de l’air frais sur ses joues. Elle étendit les bras et s’ouvrit au ciel. « Je t’aime, soleil, dit-elle, malgré le brouillard ! »

    Peu à peu, elle retrouvait sa droiture habituelle. Une rue plus loin, elle eut un coup au coeur. Elle crut reconnaître Hélène par transparence, derrière la vitre opaque de la supérette. Elle fit demi-tour. L’enseigne ovale du pub était encore allumée. Elle tapa ses bottines pour en descendre la neige qui fondait sur le cuir rouge.

    En poussant la porte à tourniquet du bar, elle réveilla la douleur de son avant-bras droit. Aussitôt le sas passé, une buée s’accrocha à ses verres teintés. Elle entra fièrement en ôtant ses lunettes. Son oeil cerclé de bleu attira l’attention d’un jeune homme barbu emmitouflé dans un gros manteau de laine écossais. Trois hommes à casquette fumaient devant leur tasse. Elle commanda un grand café bien serré à Bernard en clignant de son oeil tuméfié. « Ca requinquera mes membres fatigués, lui dit-elle. » Puis elle dégrafa le gros bouton de son col et regarda son visage dans le miroir du fond. Elle aperçut Hélène dans son dos. Elles s’embrassèrent et s’assirent sous le miroir. Hélène lui dit :
    – J’ai regardé le match à la télé hier. La demi de mêlée t’a tapé sur le bras. L’arbitre aurait dû siffler.
    – C’est pas grave, on a gagné, c’est le principal. Après, on a fait la chouille. On a un peu trop bu, surtout moi. J’ai mal aux ch’veux, ce matin.

  7. Anne-Marie dit :

    Elle a l’esprit encore embrumé des excès de la veille. Un diner bien arrosé chez Claude et Florence, leur amitié réconfortante, les confidences partagées, un verre à la main, entre sourires et pleurs, jusque tard dans la nuit. Puis sa maison et son grand lit, vides, ses larmes solitaires. Le café du matin n’a pas suffi à dissiper la ouate qui envahit son cerveau. La pluie fine la sort difficilement de sa torpeur. Mais il lui faut honorer le déjeuner familial. Au bout du passage piéton, le pictogramme rouge, impérieux, lui renvoie la silhouette voûtée de sa belle-mère, sa canne à la main. Le regard réprobateur qu’elle va endurer dans quelques minutes lui saute au visage. « Chacune vit les choses à sa façon ! » se rebiffe-t-elle. « C’était son fils, mais c’était mon mari, le père de mon enfant… Papa il va revenir quand ? » Ces mots de Quentin, chaque soir, sonnent comme le glas. Une bouffée de désespoir l’étreint. Tout lâcher, se jeter au milieu du flot des voitures qui roulent à vive allure. Mécaniquement, elle avance d’un pas. Les véhicules freinent brutalement. Le petit bonhomme vert clignote. « C’est vert, Maman, on peut traverser ! » Ses oreilles résonnent de cette phrase rituelle, des petits pas de Quentin, sa main est vide de la menotte chaude et confiante de son fils. Elle a hâte de le retrouver, un sourire effleure ses lèvres. « Pour Quentin, il faut que je tienne ! ». Au coin de la rue « Le Zinc » exhale des odeurs de café crème. Tant pis, elle aura dix minutes de retard. Elle pousse la porte. Un grand miroir lui renvoie son image, visage pâle, cheveux défaits. Elle sort sa trousse de maquillage, s’éclipse quelques instants. Un nouveau coup d’œil dans la glace, puis elle vient s’asseoir au comptoir, se redresse, bien droite, sur le tabouret : « Un expresso bien serré et un Perrier s’il vous plait ! »
    © ammk

  8. Peggy dit :

    Elle attendait pour traverser la rue, lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère, s’afficher dans la signalétique du passage piéton.
    J’ai trop bu, hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.
    Une rue, plus loin…
    Tout allait bien.

    Soit disant incognito derrière de grandes lunettes noires, habillée d’un tailleur made in Romania, ce « déguisement », comme elle l’appelait, lui était insupportable ; Sa garde robe étant griffée des plus grands couturiers parisiens. Mais pour le bien de ses enfants que ne ferait-elle ? Croyant à plus de discrétion, l’épouse du président avait aussi relégué ses gardes du corps loin derrière elle.

    Puisqu’on ne pouvait se fier à personne, elle tenait à vérifier de ses propres yeux, l’exécution de son ordre : mettre sa silhouette sur tous les feux verts du pays. N’était-elle pas la mère du peuple, leur bienfaitrice, l’initiatrice de leur évolution, de la croissance de la population?

    Quant aux feux rouges, le dessin devait représenter le président.
    Encore une idée de génie concoctée par son cerveau de grande scientifique aux multiples doctorats. Tous reconnaitraient son exceptionnelle intelligence et l’amour qu’elle portait à ses enfants.
    Le couple présidentiel serait ainsi présent partout, nuit et jour pour veiller sur eux avec l’appui des caméras.

    Maintenant il restait à s’occuper de celui qui avait osé se moquer d’elle en mettant la silhouette de sa belle-mère !

    Peggy Malleret 12 Février 2017

  9. Clémence dit :

    Elle attendait pour traverser la rue, lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère s’afficher dans la signalétique du passage piéton.
    – J’ai trop bu, hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.
    Une rue, plus loin…

    Le talon aiguille se coinça entre deux pavés alors qu’elle attendait pour traverser la rue. Emma posa sa main gauche sur le poteau, se pencha doucement et extirpa son escarpin de la main droite. Elle faillit tomber.
    – Trente ans hier et l’air d’une folle aujourd’hui, murmura-t-elle…
    Elle releva sa tête et une mèche de cheveux qu’elle cala derrière son oreille. Son regard s’arrêta sur le signal lumineux. Elle resta bouche bée. Dans le disque vert brillant scintillait la silhouette émaciée de sa belle-mère.
    – J’ai trop bu hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.

    Une rue plus loin, elle s’arrêta brutalement. Un homme la heurta.
    – Vous pourriez prévenir quand vous stoppez aussi brusquement, lui dit-il d’une voix grave.
    Elle le détailla de la tête aux pieds, le trouva « pas mal du tout » et lui répondit par un sourire.
    Emma fit demi-tour. Quelques pas plus loin elle se rapprocha des buissons qui bordaient le trottoir. Elle se tint droite, leva un pied, le reposa, leva l’autre et le reposa.
    – Tout va bien ! Mon équilibre est correct.
    Elle ferma les yeux, et posa son index sur la pointe de son nez, sans hésitation.
    – Tout va bien, répéta-t-elle, après ce second test réussi. Je n’ai pas trop bu….

    Elle revint près du passage pour piéton et attendit que le feu passe au vert. Le pictogramme s’anima tranquillement…

    Emma se retourna et reprit son chemin initial. Elle se réjouissait de sa rencontre toute proche avec son amie Axelle. Elles avaient prévu une pause-déjeuner. Emma comptait sur cette rencontre pour lui faire part de ses inquiétudes et de ses doutes…Max, son mari semblait avoir bien changé, ces derniers temps.

    Les images affluaient. Mais pas celles de sa vie conjugale. Celles de sa belle-mère. Adorable Jenny. Une silhouette longiligne, des cheveux blonds bouclés encadrant son visage un peu austère, des yeux bleus presque transparents. Discrète, effacée…Emma n’avait jamais entendu le son de sa voix. Adorable belle-mère. Et pour cause…Elle était décédée peu de temps après la naissance de son troisième enfant… il y a quoi ? 15 ans… 20 ans…

    Emma revint à la réalité et s’arrêta au passage pour piéton. Feu vert…
    – Non, mais, je rêve !
    Des mots défilaient dans le rond vert. DEUX- BELLES- MÈRES- DEUX- BELLES….
    Emma s’engagea sur la route.
    – Tout va bien… tout va bien…se répétait-elle. Tout va bien…

    Elle atteignit le trottoir d’en face sans encombre, mais la lumière fut subitement différente. Éblouissante. Elle ressentit des chatouillements aux extrémités de ses doigts. Un flux glacé coula le long de sa colonne vertébrale. Les images entrèrent dans la danse.
    Un décor champêtre. Des tables aux nappes blanches, des lampions multicolores, un accordéon. des enfants qui courent…Elle est vêtue de blanc, elle est heureuse, mais ce n’est pas Max qui danse avec elle.Son regard se pose sur deux femmes en grande conversation…
    Elle questionne son mari d’un haussement de sourcils. Elle lui parle, mais aucun son ne sort.
    – Ne t’inquiète pas, chérie. La brune, c’est ma mère, la bonde c’est la seconde épouse de mon père. Te voilà comblée ! Deux belles-mères !
    – Mais pourquoi ne m’as-tu pas prévenue ?
    Emma secoua la tête et se pinça discrètement…
    – Bon sang, où vais-je pêcher de telles élucubrations ? grommela-t-elle. Je n’arriverai jamais… où est ce foutu dernier feu de signalisation ? On dirait que la route n’est plus comme avant…
    Une sonnerie stridente troua ses tympans…à moins que ce ne soit un concert de klaxons. Emma regarda autour d’elle.
    – Tout va bien… c’est l’émotion… une fatigue passagère…je n’ai pas bu tant que cela….
    Elle plongea sa main dans son sac. C’était bien la sonnerie de son portable.
    – Emma, c’est maman…Écoute, il faut que je te dise, ton père est parti. Parti …avec une autre et c’est du sérieux…
    Le voyant vert clignota et des mots défilèrent: TROIS-BELLES-MERES-TROIS- …

    Emma reprit conscience. Elle était allongée sur le trottoir. L’homme qu’elle avait bousculé il y a quelques instants était à ses côtés. Il avait glissé sa main sous sa nuque et lui parlait à voix basse :
    – Vous n’avez rien… juste une vilaine chute… rien de grave…
     Emma se releva, le rouge aux joues et remercia l’homme.
    – Pourrais-je vous revoir ? demanda-t-il.
    – Pourquoi …pas…
    Le bip-bip de sa messagerie tinta. Elle jeta un coup d’oeil. Max.
    Emma appuya sur la touche « Lire »
    DESOLE, JE TE QUITTE . MAX.
    Emma soupira :
    – Je crois bien que le compteur a réellement commencer de tourner….

    © Clémence.

  10. Cétonie dit :

    Elle attendait pour traverser la rue, lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère s’afficher dans la signalétique du passage piéton.
    J’ai trop bu, hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.
    Une rue, plus loin…elle tomba sur la dame, qu’elle croyait à Nice.
    « Ca alors ! Quel hasard ! Je pensais à vous il y a moins de trois minutes ! »
    Et elle lui raconta ce qu’elle avait cru voir dans le « feu vert piéton ».
    « Mais pourquoi ne nous avoir pas prévenus que vous veniez à Bordeaux ? Nous serions allés vous chercher à la gare…. »
    « Ah non, Alice, ne te moque pas de moi ! C’est toi qui viens à Nice et n’a même pas la correction de me prévenir de ton arrivée ! »
    Et se regardèrent l’une l’autre dans une incompréhension totale, se demandant chacune si c’était elle qui devenait folle !
    Alice l’emmena au feu rouge, attendit patiemment qu’il passe vert pour les piétons, et y vit alors la silhouette de sa belle-mère, aussi nette que tout à l’heure. Elle se tournait triomphante pour lui dire « vous voyez.. ? », mais fut interrompue par la vielle dame « Alice, il faut que tu me dises, comment as-tu fait pour être aussi ressemblante ? C’est bien toi que je vois, comme je t’ai bien vue tout à l’heure, mais à Nice, j’en suis totalement convaincue. J’ai cru à une hallucination, mais non, puisque je te revois ici. »
    Le mystère s’épaississait, elles demandèrent alors à un passant dans quelle ville elles se trouvaient
    « A Paris, bien sûr, vous êtes folles pour poser une pareille question ? »
    A Paris ?? Mais justement Arthur est à Paris en ce moment !
    Et à la simple évocation de son nom, Arthur était là, à côté d’elles, serrant dans ses bras sa femme et sa mère, les remerciant d’être venues si vite à son invitation.
    Mais elles eurent beau le supplier, il refusa obstinément de leur révéler par quelle magie il les avait convoquées.
    « Ne cherchez pas, l’important c’est d’être réunis, et d’en profiter ! Je vous propose ….. »

  11. Nadine de Bernardy dit :

    Elle attendait pour traverser la rue lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle mère s’afficher dans la signalétique du passage piéton.
    « J’ai dû trop boire hier soir » grommela-t-elle en poursuivant son chemin en toute hâte.
    Une rue plus loin,le feu était au rouge,regardant droit devant elle ,elle traversa,accélérant encore, espérant s’être trompée.
    Mais aux feux suivants il lui fallut vérifier.
    La belle mère était bien là ,la narguant de là haut.
    Comme dans toutes les grandes villes, les carrefours se succèdaient, et les feux menaçaient la pauvre femmeen affichant la silhouette replète si reconnaissable de la belle mère honnie,décédée le mois précédent.
    Elle l’avait tellement souhaitée, en avait ressenti un soulagement si intense, qu’un remord implacable la tenaillait depuis.
    Au coin des rues de Ménilmontant et des Pyrénées:feu vert!
    Elle dû attendre,hors d’haleine.
    Dans un violent crissement de pneus,une voiture s’arrêta brutalement à sa hauteur.
    Paralysée par la terreur,elle se prépara au pire,n’osant plus respirer.
    Une portière claqua.
     » Enfin! je t’ai rattrapée chérie,tu as de nouveau oublié tes lunettes.Tu vas encore tout voir de travers.
    Décidément la mort de ma mère semble t’avoir bien chamboulée »

  12. Peggy dit :

    La chèvre de Monsieur Seguin vient d’ouvrir un journal sur Facebook. Elle imagine qu’il s’agit d’un site de rencontre
    Rédigez son premier billet

    Je m’appelle Blanquette, la petite chèvre blanche qui adore se sauver pour gambader dans la montagne. La dernière que monsieur Seguin a achetée.
    Il a tellement peur que le loup me mange comme les précédentes, qu’il m’attache tous les soirs à un piquet.
    Je l’aime beaucoup mais j’en ai marre.
    Une nuit en me sauvant j’ai rencontré un chamois au doux pelage noir, champion des cabrioles. Je rêve sans arrêt de le retrouver. Alors je cherche une femme dans les quarante-cinq ans, gentille et courageuse pour la présenter à monsieur Seguin, une vraie gentille parce que lui a un « cœur gros comme ça ». Peut-être qu’enfin il oubliera de me mettre la corde au cou.

    blanquette@Seguin.fr

  13. Sylvianne dit :

    Elle attendait pour traverser la rue,
    lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère,
    s’afficher dans la signalétique du passage piéton.
    J’ai trop bu, hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.
    Une rue, plus loin, un flic qui faisait la circulation avait la tête de son directeur. Elle ferma les yeux. Elle eut peur. Elle entendait en sourdine un vieil air de Charles Trenet. Elle tourna la tête de gauche et de droite, aucun haut parleur.
    Elle s’adossa au mur, prise de vertiges. Sa tante Adelaïde était skizo. Elle avait toujours craint que cette maladie soit génétique. Elle respira et pensa POSITIF. Un peu de fatigue, une mauvaise nuit pouvaient occasionner ces troubles. Elle brancha son i pod pour brouiller cette musique venue de nulle part. Vianney remplaça Charles Trenet. Elle fredonna et traversa. Elle se cogna à son grand-père mort depuis 10 ans. Elle s’excusa, il la rattrapa en lui souriant et continua sa route. Un violent klaxon la sortit de sa torpeur.
    Quelle journée étrange !
    Elle adorait les films fantastiques mais, là en vrai…
    Où était le metteur en scène ? Elle avait à peine pensé ce mot que Luc Besson lui tendait les bras.
    Une farce ? La caméra cachée ? Un cauchemar ?
    Elle se remémora sa soirée avec Lucie. Elle avait parlé de sa belle-mère, de son directeur, de son grand-père, de Luc Besson… Aujourd’hui, la vie créait ses pensées d’hier. Incroyable, formidable. Elle croyait à l’au-delà, la réincarnation et tout le tintouin.
    Mais… de qui avait-elle encore parlé dans son long bavardage ?
    De Georges Clooney ? Pas mal… elle décida d’aller boire un longo chez Nespresso.
    Mais aussi… du Prince Charmant. L’homme de ses rêves…
    Et aujourd’hui, c’est le 14 février !
    Ouh la la ! Je ne me suis ni maquillée ni épilée !

  14. Grumpy dit :

    J’attends pour traverser la rue et d’un coup, qu’est-ce que je vois ? La tête de mon ex-belle-mère affichée à la place du petit bonhomme vert. Je crus qu’ayant un peu trop forcé la veille sur la bouteille de rouge, j’avais la berlue. Je continue mon chemin mais cette vision me tracasse. Une rue plus loin, je m’apprête à traverser, je lève les yeux pour vérifier d’être bien au vert et la revoilà.

    Bon sang, cette vieille toupie qui reviendrait me narguer de feu vert en feu vert. Ce coup-ci, carrément j’hallucine. A tel point qu’il s’en faut d’un cheveu que je passe sous le bus, et par-dessus le marché celui de la ligne du Père Lachaise. Impensable que cette fois ce soit son tour à elle d’avoir ma peau après qu’elle m’en ait tant fait baver, c’est même à elle que je dois de picoler tous les soirs.

    Je la haïssais, je l’ai haïe, je l’haïs, je la hais encore, je la haïrai toujours : c’est dire ma détestation.

    Mon mari, c’est elle qui l’avait mis au monde, alors forcément il était la huitième merveille du monde, encore un peu elle en aurait fait don à la France ! Son fils unique, adulé, chéri, son bébé pour toujours. Un mou d’entre les mou, oui, un péteux n’ayant jamais eu le moindre brin de courage pour lui dire de raison garder, qu’elle allait trop loin, qu’il fallait me respecter parce que j’étais sa femme, qu’il m’avait choisie et qu’il m’aimait. Rien, pas une seule fois sous prétexte « qu’il ne voulait pas d’histoires ».

    Elle avait la manie exaspérante de se pointer chez nous à l’heure du dîner et de vérifier d’une moue dégoûtée ce qu’il y avait dans l’assiette de son cher petit.

    Elle qui avait toujours raison, une bonne fois elle a eu tort. Celui de se présenter alors que j’étais en pleine cuisine en train de préparer pour le frigo mes achats de boucherie. Et de critiquer le choix du pâté, la peau du saucisson, le gras des côtelettes, la mine de l’entrecôte, la crête du poulet …

    Ah oui ! Elle avait mal choisi son moment. Il eut mieux valu pour elle qu’elle critiquât mes gratins.
    Ni une, ni deux, j’attrapais le hachoir et VLAN ! Un coup de maître. Je ne l’ai pas loupée. Sa tête a valdingué par terre et j’ai adoré son dernier grand cri, COUIC …. Je me suis débarrassée du corps en le réduisant en bas morceaux, en viande hachée, en saucisses, en boudin, oui surtout en boudin. Et je peux vous dire que depuis les toutous du quartier me vouent une véritable adoration.

  15. chantal sallibartant dit :

    Elle attendait pour traverser la rue,
    lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère,
    s’afficher dans la signalétique du passage piéton.
    J’ai trop bu, hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.
    Une rue, plus loin…
    Ce fut au tour de ses deux belles-sœurs, Anastasie et Javotte, entraperçues derrière le camion des poubelles. Trop c’était trop ! Jamais elle ne s’en débarrasserait !
    Il fut un temps où elle aurait courbé l’échine, la tête, aurait tendu une joue pendant que l’autre était soufflée par la méchante main d’une de ces pécores, mais le temps des méchantes belles-mères, des affreuses belles-sœurs, du prince charmant benêt, des princesses douces et belles et bonnes et connes était bien terminé. Elle en avait soupé des humiliations, elle en avait fini d’avaler des couleuvres.
    Cendrillon, reprit sa marche d’un pas encore plus déterminé.
    D’abord les supprimer, elles, les trois cauchemars sur pattes qui hantaient ses nuits. Personne ne les regretterait.
    Puis ensuite, elle allait s’occuper de lui, le prince charmant.
    Elle allait débouler dans son bureau et tout lui déballer : ras-le-bol, de tout. Evidemment il n’allait pas s’arrêter là : de tout ? Mais développe ma Cendrillon chérie. Eh bien, de tout et du reste. Des courses au supermarché le samedi (jour des promos), du poulet rôti le dimanche (tradition familiale), du devoir conjugal le lundi (il faut bien que le corps exulte), du tour du pâté de maison bras dessus-bras dessous le mardi (un peu de sport), du cinéma le mercredi (séance de 18 heures), de la visite à la vieille tante le jeudi (héritage en perspective), de la permanence à la Croix Rouge Populaire le vendredi (il faut rendre un peu de ce la vie nous offre généreusement… etc.).
    Le pas de Cendrillon se fit plus militaire que déterminé. Un doux sourire éclairait sa face de lune tandis qu’elle sentait le sang couler, voyait les viscères éclater et son couple se désintégrer.

  16. Jean-Pierre Peyrard dit :

    En déambulant ce matin dans les rues, parce que j’aime bien déambuler dans les rues, surtout le matin, je pensais.
    Certains « déambulants » (bien obligé, oui, parce que si « promeneurs » désigne des gens qui se promènent, « déambulateur », lui, désigne un appareil qu’utilisent ceux qui ont du mal à déambuler… hum… ce n’est pas très éloigné du sujet de ma pensée… vous allez voir) regardent le monde extérieur (les magasins, les voitures, les femmes …) ; moi, je regarde mon monde intérieur, sans pour autant ne pas voir celui de l’extérieur, surtout quand je dois traverser un carrefour. Je n’oublie pas que si je suis un roseau pensant, je suis le plus faible de la nature ! Surtout au milieu des voitures.
    A quoi pensais-je donc dans cette déambulation matutinale ? Eh bien, je pensais à « beau ». Pas le substantif – sinon j’eusse dit « au » beau – non, mais l’adjectif.
    Je me disais : je souffre d’une angine, je vais consulter le médecin qui m’examine et qui, l’œil brillant, presque envieux, me dit en hochant gravement la tête « C’est une belle angine ! » Moi, j’aurais plutôt envie de dire qu’elle est laide, mais pour lui, elle est « belle ». Tant qu’il ne s’agit que d’une banale angine, passe encore, mais, vous imaginez, une belle tumeur ! Surtout maligne…
    Maligne comme la maman de mon épouse, qui elle, est très laide. Comme un pou, encore qu’un pou, vu de très près, ne soit pas plus laid… qu’une rainette, par exemple, qu’on trouve mignonne. Mais la maman de mon épouse, non.
    Pourtant, quand je la rencontre, je lui dis « Bonjour, belle-maman ».
    J’en suis arrivé à la conclusion qu’il a été décidé une bonne fois pour toutes que les mamans des conjoints étaient « belles » (comme sont « beaux » les papas, les frères et les sœurs mais quand même moins que les mères) pour la paix des ménages.
    Oui. Pour une maman, le mari de sa fille est par définition un être dangereux : vous lui avez pris sa fille, et elle se dit in petto que vous allez la traiter comme elle l’a été par son mari, comme le sont toutes les femmes… Enfin c’est ce qu’elle se dit… et ce qu’elle vous signifie par son regard et tout le reste, forcément, depuis le premier jour.
    Le rapport étant conflictuel par nature, la linguistique a décidé que les mamans d’épouse sont belles, par définition. Un point c’est tout. Ce qui calme le jeu. Vous imaginez « Bonjour, laide maman » ? Hum… Peut-être bien qu’en lui disant « belle-maman » je lui signifie par mon regard et tout le reste « Bonjour laide-maman ! », et depuis le premier jour.
    Dire que c’est une question qui m’obsède serait excessif… Quoique…
    Je me suis engagé dans le passage pour piétons pour traverser…
    Certains témoins disent que la voiture a délibérément foncé sur moi, que la conductrice est très laide…
    Quand belle-maman est venue me voir à l’hôpital, elle m’a dit, l’œil, brillant, presque envieux, en hochant gravement la tête : « Alors, mon cher Hippolyte , il paraît que c’est une belle fracture ouverte ! »

  17. ourcqs dit :

    Elle attendait pour traverser lorsqu’elle crut voir la silhouette de son patron, s’afficher dans la signalétique du passage piéton, bras au ciel, rouge écarlate.
    Encore ses insomnies, la journée s’annonce difficile, ses colères matinales sont redoutables, murmure-t-elle, sans autre réaction, sans se poser de questions.
    Bien décidée à ne pas se laisser perturber, elle fait un long détour dans le parc, et s’avance souriante et décontractée, et cette fois le feu clignote orange , attention, attention . Alors là trop c’est trop, encore un avertissement à la prudence, mentalement elle se remémore le planning du jour, des risques non pris en compte ?? des oublis ??? des rendez-vous importants non préparés ??. Qu’est-ce que tout cela veut dire ? un manipulateur s’est-il introduit dans la société ? est-elle la seule concernée ?
    Elle avance lentement, respirant profondément, s’interrogeant sur les inter férences avec
    sa vie professionnelle, sa vie privée ?? Les nouvelles technologies nous surveillent-elles vraiment ?? quelle angoisse !
    Elle ne sait plus si elle doit attendre un Feu Vert pour continuer et rejoindre son bureau …quand un appel la fait sursauter,
    Son réveil vient de sonner … ouf !!

  18. Odile Zeller dit :

    Elle attendait pour traverser la rue, lorsqu’elle crut voir dans la signalétique du passage piéton, avec un chapeau sur la tête et les bras déployés, non, impossible, pas lui. Son beau père. Il avait réussi à s’introduire dans le système, à lui interdire par ce biais de sortir. Vraiment non non et non c’était désespérant à 20 ans elle voulait vivre, se promener, être libre, flâner. Elle traversa au mépris des Klaxons et des injures des automobilistes forcés de freiner. Arrivée de l’autre côté elle entendit les commentaires verboten, gefährlich. Ils ne savaient pas ce qu’elle vivait, la discipline de fer imposée chez elle. Tout sauf lui, tous sauf cette prison dorée!
    Elle s’aventura loin de chez elle, s’assit dans les parcs, mangea un beignet à l’orange, un Berliner. C’était le printemps, les oiseaux chantaient, les tilleuls embaumaient. Le soir elle prit lentement le chemin du retour. Elle découvrit le vert, le petit bonhomme était sympathique, plein d’allant, rien à voir avec l’affreux rouge du beau père. Celui la respirait l’énergie, le bonheur.
    Des Japonais le désignaient du doigt, le,prenaient en photos. Elle découvrit qu’on pouvait l’acheter en gomme ou en carte postale. Le rouge aussi. Les deux personnages habitaient l’est et pas à l’ouest où elle vivait quartier Napoléon dans un des bâtiments de casernement. Elle enquêta sur tous les petits bonshommes, s’en dit une collection, sans en parler chez elle. Un jour bien plus tard, elle eut la chance de créer pour un pays lointain un couple rouge et vert.

  19. Laurence Noyer dit :

    Une rue, plus loin…
    Elle vit ses neveux quitter l’endroit fréquenté par les enfants
    pour investir la bande d’arrêt d’urgence,
    et ses enfants l’attendre au tournant
    pour lui annoncer que leur grand-mère venait de se limiter à 90.

    Elle a donc allumé ses veilleuses pour traverser le tunnel
    et conduit toute sa famille sur une aire de repos
    en double commande, elle les a accompagnés.
    Elle fut pour eux, l’essuie-larmes,
    le poste de secours, la ligne continue.

    Leur chemin venait de subir une réduction du nombre de voies.
    Ils se sentaient dépassés, et voulaient garder leurs distances,
    Ils savaient que les barrières resteraient longtemps baissées.

    Sa belle-mère venait de traverser,
    malgré le passage protégé.
    Quand notre capital de points s’épuise,
    Essayons d’en récupérer !

    (Pour Renée, ma belle-mère qui nous a quitté le 17 novembre dernier.)

  20. durand dit :

    Elle attendait pour traverser la rue, lorsqu’elle crut voir la silhouette de sa belle-mère, s’afficher dans la signalétique du passage piéton. Un beau vert, bien souriant.

    J’ai trop bu, hier soir, grommela-t-elle, en poursuivant son chemin.

    Une rue plus loin, elle distingua plus clairement dans le poteau suivant sa propre mère, toute rouge, dans l’œil du cercle.

    Pourtant, se dit-elle, pour un enterrement de « jeune fille »…. trois cocktails, c’était raisonnable.

    Au trottoir suivant, la silhouette de sa meilleure amie passa brusquement de l’orange au rouge, au moment où elle allait poser son deuxième pied sur la chaussée.

    Elle remonta vivement sur le trottoir. Son cœur battait très fort au vent d’un véhicule et aux idées tournoyantes.

    Ne serait-t’il pas trop hâtif de laisser tous ces signes influencer sur sa décision, ou tous ces clins d’œil du quotidien étaient t’ils vraiment significatifs ?

    Elle choisit de se laisser porter vers le carrefour suivant.

    La rue croisait un gigantesque boulevard pavé. Pas un feu à l’horizon, pas de passage protégé. Le flot des véhicules bousculait les barrières dans sa tête. De son côté vivotait un buisson décoratif dans sa grille de fonte. En face, des arbres malades venaient d’être abattus. Le bruit des amortisseurs sautillait sur le grès de son estomac raidi. Un nœud se formait en elle, de la racine de ses cheveux à la pointe de ses orteils.

    Elle cherchait de quoi démêler sa pelote d’angoisse mais ne tirait jamais le bon fil.

    Et sur le bord des artères bouchées de la ville, personne n’avait songé à installer, pour les nécessaires pauses de la vie, un simple banc.

  21. Magali dit :

    Tout à coup, le bonhomme vert qui voulait l’aider à traverser la grande avenue de la vie se transforma en Prince charmant. Rencontre du X ème type, les extra-terrestres ont débarqué ! C’est Shrek à l’envers. « J’ai dû fumer une moquette hallucinogène ». Alors traversera, traversera pas. Vous le saurez au prochain épisode.

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