346e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat

Flash spécial ! 
Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter.

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34 réponses

  1. Peggy dit :

    346 Flash spécial !
    Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter.

    « Alex, vous êtes près de la maison d’édition qu’elles sont les dernières nouvelles?
     » Bonjour Marc, oui je suis bien devant la maison d’édition entouré de beaucoup dé badauds que l’on a toujours pas fait évacuer.
    En début de matinée seuls quelques policiers étaient en faction, sachant que l’homme plus désespéré que forcené ne risquait de provoquer que des broutilles, les adjectifs n’étant pas de dangereux explosifs.

    Or quelques heures plus tard les services secrets furent informés de source sûr que la ceinture de l’infortuné écrivain contenait aussi des verbes et des mots confirmant l’état de stress de l’éditeur barricadé dans les toilettes.

    Le RAID fut immédiatement alerté et s’apprête à investir les lieux. Les trois ingrédients pouvant déclencher une déflagration qui risquerait de faire exploser toutes les lettres des bibliothèques du quartier.

    Attendez Alex j’entends de nouvelles informations, Un changement de stratégie vient de nous parvenir, un des membres du RAID va essayer de libérer l’ éditeur avec ordre express du ministre de l’intérieur d’accepter de faire paraître le livre.

     » Merci Alex de ces importantes précisions. Pouvez – nous dire comment réagissent les habitants du quartier? »
    Le journaliste tend le micro à une personne  » Bonjour Monsieur que pensez-vous…..
     » Alex je dois rendre l’antenne c’est l’heure de la pub. Restez en contact. »

  2. Hélène dit :

    Flash spécial ! 
    Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter.

    Le cagoulé écarquilla les yeux en voyant la porte s’ouvrir derrière l’éditeur. Une cascade de boucle blondes dégringola en même temps qu’un gazouillis printanier :
    – Rog…. qu’est-ce que… Euh… pardon. Patron qu’est-ce tout ce tapage ?
    – Rien Hélène, rien, une affaire d’hommes…
    – En êtes-vous certain ? Ne puis-je rien faire pour vous ? minauda-t-elle en déposant délicatement un sein parfait sur son épaule et en collant ses lèvres rouge-velvet sur le pavillon du boss.

    La pomme d’Adam de l’inconnu déglutit en un aller-retour fulgurant. A l’instant même, il se mit à rêver. Il troquerait volontiers son pavillon locatif en province contre un pavillon auditif, rien que pour un grand frisson en colimaçon, un double huit en vestibule et montagnes russes en trompe d’Eustache !

    Hélène leva ses yeux de Betty Boop sur le cagoulé et lui susurra :
    – Faut pas t’exciter comme ça, mon p’tit loup. Ça peut être fatal pour ton petit coeur. Cela va faire grimper ton cholestérol plus haut et plus vite que L’Oréal au CAC 40 !

    Hélène lui débitait sa partition sur un air de velours en s’approchant de lui. Elle posa une main sur une épaule du forcené et le regarda dans les yeux tandis que son autre main caressait sa joue, puis son index dessina le contour de sa bouche…

    – Oh, toi… je comprends ta colère, être ainsi rejeté par cet éditeur ingrat. Vraiment il n’a aucun mérite. Entre-nous, crois-moi, c’est un illettré, un analphabète. J’en sais quelque chose. C’est moi qui lis tout, qui fait une synthèse et lui, il tranche. C’est tout. Moi, j’ai lu ton manuscrit, attentivement, amoureusement. Pas en diagonale, pas une ligne sur deux, pas l’intro et la chute. Non, je l’ai dévoré en version intégrale. Et je t’avoue : j’ai a-do-ré !

    – Un style percutant, murmura Hélène, en se collant contre lui. Elle lui souffla dans un « cheek to cheek » : Viens que je te rassure, que je t’envoûte, que je t’offre monts et merveilles, aussi suaves qu’un « Happy Birthday, mister President »….

    Le cagoulé, essaya de se retrancher dans un dernier sursaut de pudeur. Il tenta de se contenir en palpant ostensiblement sa ceinture, mais… les longs doigts sensuels la dégrafait inexorablement….La fin était proche…la fin serait fatale.

    Il explosa.

    Hélène s’ébroua et jeta un regard désabusé sur le cagoulé.
    D’un air canaille, elle posa ses mains sur le bord du bureau et se pencha.
    – Dis, Roger, il ne faudrait pas que ça lui donne l’envie de persévérer à écrire des romans pourris….

  3. AB dit :

    Flash spécial !
    Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter.
    Me voilà dans vos locaux, J’y suis j’y reste
    Marre de vos décisions, c’est du bidon, la peste.
    J’ai tout mon temps, le vôtre et celui des autres
    Je m’en empare et fais de vous mes apôtres.
    Ecoutez et appréciez, j’ai habillé mes lignes
    Allégé mes finales les rendant plus dignes.
    Vous n’êtes pas satisfait? Je recommence
    Ici, je déballe, j’installe, me mets sur la défense.
    D’autres adjectifs, de ma ceinture en un geste magique
    Exploseront sans que ce ne soit tragique
    Comme des étoiles,
    Déchirant un voile,
    Ils cracheront leurs lumières
    Franchiront les barrières
    De votre négation et votre intransigeance
    A refuser toujours ce que j’écris, niant mon éloquence
    Je vous le dis, Monsieur l’éditeur me voilà armé et décidé
    A vous tenir tête jusqu’à que votre refus se change en une envie à acheter.

    L’homme déblattait tant et tant, sûr de ses écrits sans jamais douter de son histoire, si bien que par mégarde et les nerfs à vif, ne voulant être refoulé, la main sur sa ceinture à mots, il s’en vint à la déboucler ce qui pour lui était son dernier recours.
    Les mots s’envolèrent non comme il pensait en une étincelle éblouissante mais sur le plancher mouillé que ses larmes avaient alimenté. Adieu, noms, verbes adjectifs et autres coordinateurs.
    Il venait de jouer son ultime atout mais l’éditeur émerveillé par tant de sincérité et de joutes verbales lui dit tout gentiment : « cela me plait et vous aussi ».
    Gageons que le contrat fut rapidement signé.

  4. Enyo dit :

    Flash spécial ! 
    Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter.

    L’éditeur, assis à son bureau, garda tout son calme et lui tendit la main :
    – Approche, mon bonhomme, viens que je t’explique…

    Près de la porte, le cagoulé se balança d’un pied sur l’autre, hésita, et fit un pas en avant.
    – Plus près… approche…

    Le cagoulé remonta sa ceinture en haussant ses épaules puis repositionna sa cagoule autour des yeux.

    – Plus près encore, murmura l’éditeur…

    L’autre obtempéra. Il s’appuyait maintenant contre le bord du bureau.

    – Viens là, reprit l’éditeur d’une voix sobre en faisant une pirouette avec sa main.

    Le cagoulé comprit l’invite et passa de l’autre côté. Leurs jambes se touchaient.

    – Allons-y, mon bonhomme ! A nous deux. On verra qui est le plus fort, dit-il en pointant le coupe-papier en vermeil sur le manuscrit.

    Le cagoulé eut un mouvement de recul, stoppé par le regard foudroyant de l’éditeur qui continua son monologue.

    Page 1 : la première phrase en occupe la moitié du feuillet. Et c’est un florilège de conjonctions de coordination, de subordinations, de pronoms relatifs, de…mots lien en tout genres…et bien sûr, sans aucune ponctuation. Il faut couper, ponctuer. Le rythme, le rythme, mon bonhomme, le rythme, c’est la respiration, c’est la vie. Regardes, tu mets un point là, là, là et encore là. C’est déjà mieux….c’est plus du plum-pudding, c’est de la Chantilly !

    Le cagoulé ouvrit la bouche et se passa la langue sur les lèvres….

    Page 2. Tu répètes 15 fois, je dis bien, 15 fois le même substantif. Les synonymes et les pronoms existent, que je sache…Cherche bien….des synonymes du mot « homme »…ça ne manque pas ! Cela va du héros au bouffon….

    Page 3. Je te mets au défi de compter les mots en « ment »….lentement, rapidement, gravement, légèrement, rarement, exceptionnellement, …ça manque de sincérité, ton texte ment….

    Le cagoulé gonfla sa poitrine et son menton trembla….

    Page 4. Les adjectifs. Ah, les adjectifs, cela plombe… tout autant que les plombs que tu fixes sur le fil d’une canne à pêche….

    Page 4, toujours… je cite « il faut que je … » ça appelle un …subjonctif . Le subjonctif et le conditionnel, passés ou présents, la concordance des temps… c’est tout un art. C’est ton texte qui chante et qui danse….

    Le cagoulé renifla discrètement.
    C’est un bon signe, pensa l’éditeur. Et il acheva le cagoulé par cette flèche finale.
    – Et les participes passés, c’est de la gnognotte ?

    Sur ces dernières paroles, l’éditeur sentit que son forcené n’était plus qu’un otage déstabilisé…prêt à toutes les négociations….

    Et pourtant, dans un geste fatal, le cagoulé, regarda l’éditeur droit dans les yeux et lui lança :
    – Dis, tu m’ l’écris, ma rédaction, p’pa ?

  5. françoise dit :

    Flash spécial ! 
    Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter”
    Alertés, les livres de la Pléiade, les classiques dont ceux de Corneille, Racine, entre autres, les dictionnaires , les policiers, sous l’influence de Simenon notamment, se dirent qu’il fallait coûte que coûte le raisonner avant que les forces de police spécialisées dans la traque des obsédés littéraires n’interviennent.
    l’éditeur l’avait particulièrement humilié quand il lui avait rappelé que SYLVAINE AGACINSKY avait écrit “Pas d’adjectifs, ils affaiblissent le style. L’adjectif, c’est comme les bijoux. Une femme élégante ne porte pas de bijoux.”
    Il aurait pu lui objecter que Lautreamont ,par contre, avait affirmé l’écrivain enfante des adjectifs avant que naissent les attributs.”, et puis un autre ““L’adjectif, c’est la graisse du style.”
    Mais que faire ? Les noms communs et les propres, les verbes, les compléments d’objet direct et indirect, les adverbes, les articles, les pronoms personnels et relatifs etc décidèrent de s’allier pour l’encourager à réécrire son livre. Comment s’y prirent-ils ? « Dieu seul le sait » mais son ouvrage fut édité. Celui-ci fait partie de ceux retenus pour le prix Goncourt 2017.

    3
     

    • Sandra dit :

      Flash spécial !
      Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter”
      Inexpugnable, vernal, ombrobé, nivéal. Il les avait pourtant bien choisis ses adjectifs pensa le tout récent auteurroriste.
      Et puis, qu’est-ce qu’il y connaissait aux adjectifs cet éditeur? Certes, il avait du en bouffer des mots mais son quotidien était fait de déjà préparés, pré mâchés, trop gras , trop sucrés, de ceux qu’on emploie quand on n’a que ça dans le congélateur.
      les siens, ils les avait mitonnés, mijotés.
      Puisque personne n’en voulait, il les jetterait à la figure de tous avec des petits bouts de lui en prime. De toute façon, c’était trop tard, il y avait déjà mis ses tripes dans ces pages. Une partie de lui lui avait échappé. c’était ça créer : se livrer, s’amputer, se décharger. la greffe des mots aurait lieu, en purée ou en gros morceaux.
      Son chemin était là . Il claqua sa ceinture sur le bureau de l’éditeur. Les mots se répandirent dans la pièce , qu’il quitta sans claquer la porte.

  6. Clémence dit :

    Flash spécial ! 
    Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter.

    Brandissant le tapuscrit, le forcené s’égosilla :
    – Alors quoi ? Elle ne te plaît pas, ma page 7 ? Qu’est-ce qu’elle a, ma page 7 ? Une tête qui ne te revient pas ?
    – …..
    – Et ma page 21 ? Elle ne te plaît pas non plus, peut-être ? La description d’un pot de fleurs en mille-neuf-cent-quarante-neuf caractères et sept-cents-onze mots? Trop longue ?
    – ….
    – Ma page 346 t’a heurté les mirettes ? Quoi ? Une prise d’otage ? Un forcené cagoulé avec une ceinture d’adjectifs explosifs ? Pas crédible ? Faudrait lui caler en plus une kalachnikov sous le bras. Une vraie, bien lourde, suintant la folie meurtrière…

    L’éditeur ne bronchait toujours pas. A peine haussa-t-il un sourcil…le temps de plonger son regard dans les yeux vairons du forcené. Il les avait déjà vus quelque part…

    Le forcené continua de vitupérer :
    – Vraiment, tu n’y connais rien à l’écriture, la vraie, celle qui est VIE.
    Avec ses clichés éculés et ses lieux communs d’une pauvreté à faire pleurer l’Abbé Pierre.
    Avec ses adjectifs intempestifs et ses adverbes grandiloquents, pillés dans une harangue populiste.
    Avec ses phrases insoumises, ni coordonnées et encore moins subordonnées.
    Avec ses phrases sans point ni virgule, sans respiration aucune.
    Sans concordance des temps, pourvu qu’on ait l’ivresse du fondu-enchaîné où se mêlent toutes les couleurs du monde !

    T’as rien compris ! Un roman, mon roman, c’est pas un assemblage laborieux de mots choisis, de phrases structurées, de chapitres sagement agencés, le tout engoncé dans les arcanes de quelque grammairien ou académicien.
    Non ! Mon roman, c’est un uppercut, c’est la vie telle que je l’encaisse. A l’état B-R-U-T.

    L’éditeur respira profondément puis il sourit :
    – Ça va, mon pote, je vais le publier, ton roman. Et tant pis si le succès te pète à la gueule !

    © Clémence

    • Grumpy dit :

      Insoumis, OUI, sauf aux bons petits choux de BRUXELLES !

      Voilà qui est rondement mené et qui tombe à pic avec l’actualité du jour.

      Vitupérons…

  7. Isabelle Pierret dit :

    Flash spécial
    Quand la baie béante et béate braie l’aurore de la marée,
    le sureau noir lui susurre un sirop coléreux , chant de hire d’un auteur refusé.
    Avec sa ceinture bourrée d’adjectifs, il menace de tout faire péter.
    Regarde le bleu du ciel fondant de jalousie dans celui de la mer . Crois-tu que Klein ait inventé son bleu? Il lui a été révélé, il l’a investi et l’a habité. Range tes adjectifs, scinde et scande tes phrases mal jetées . Reviens à la pureté.
    L’émotion est ta colonne
    Le sens son amant
    La poésie son envol
    Retourne à ta baie béante et vide
    Charge les goémons dans ta ceinture d’adjectifs et cueille les coquillages que te donne la marée, ainsi tu remonteras en toi-même les essentiels, les essences et les cieux .
    Le forcené ôta sa cagoule : il était noir .

  8. Fred dit :

    Flash spécial ! 
    Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter.

    Le regard révolver, il débita, son message sur le mur, en morse et à la kalachnikov :
    « Tu publies ou tu meurs »

    L’éditeur le snoba avec son Sheaffer Légacy Héritage, à la plume plaquée palladium:
    « Tu caviardes ou tu meurs »

    Le forcené s’exécuta et rendit sa copie.

    Adjectifs virés
    Superflu jivarisé
    Forme sublimée

  9. LELEU Yvette dit :

    Il trouva l’homme assis, droit dans un fauteuil de cuir, les jambes allongées sur un petit banc rembourrer.Il semblait lire. La perplexité faisait froncés ses épais sourcils.
    Au coup frapper contre le montant de porte, il haussa ses épaules l’air contrarier. Lentement, il se leva, posa le livre ou plutôt le manuscrit épais sur le petit banc. Il défroissa son pantalon d’une main preste et invita enfin son visiteur à entrer. Agassé par tant de désinvolture, Justin fulminait de colère et d’un sentiment de peu d’importance au regard de cet homme là.
    _ Ah! C’est vous Monsieur Cedem, oui, oui, oui…prenez place. Bien, bien, bien…votre roman bien que parfaitement écrit, me laisse pourtant sur un sentiment , comment dire!!!
    Oui, oui, oui, c’est cela, ce roman est inachevé et pourtant…il est excellent. Je ne peux pour ce motif, l’éditer, voila Monsieur Cedem avec nos remerciements pour avoir choisit notre illustre maison. Alors, J-F Régis prit le manuscrit laissé sur le petit banc et le remit en main propre à un Julien dont le coeur, rata plusieurs battements.
    Frustré, terriblement agacé, la force brute de sa colère bouillonnant en lui…pourtant, il resta stoïque et sans un mot, il sortit du bureau du co-fondateur.
    Il choisit un bureau vide, plaça son manuscrit sur une vaste table ou plusieurs manuscrits étaient en attente de lecture, se permit d’en feuilleté quelques-uns puis, il enleva sa veste. Il remonta son pantalon et d’un geste sûr, enclencha la minuterie qui formait sur sa ceinture une forme étrange.( à suivre)

  10. LELEU Yvette dit :

    Flash spécial! un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs menace de tout faire péter.
    Le haut bâtiment de verre brillait sous le clair soleil de mai.
    L’illustrissime maison d’édition du Val-de-Robert se targuait de faire chaque saison, brillait un auteur en l’amenant jusqu’au Best Seller.
    Qui n’en rêvait pas! Voir son nom, son roman éditer par cette illustre entreprise, hausser jusqu’au plus haut sommet qui soit! Ah! Justin en avait rêver jusqu’à la nausée.
    Roman, après roman, il avait tenu bon. Inlassablement, il avait remanier son dernier texte…du titre à la fin de page.
    De l’argot aux phrases plus ampoulées, chassant tous les superlatifs, les excès de ponctuations, d’adjectifs qualificatifs, bref…il en était arriver à ne plus voir ses amis. Il était trop agressif, trop susceptible, rancunier et passablement parano croyant que…Kévin et Clotilde ses meilleurs amis voulaient lui prendre ce livre de six cent pages afin de le faire éditer. Ils eurent beau lui affirmer que non; il n’en démordra pas, remonter à bloc…il prit rendez-vous avec Monsieur J-F Régis co-fondateur de la fameuse maison du Val-de-Robert et d’un pas décider, s’engouffra dans l’immense bâtiment. A l’avant dernier étage…à suivre.

  11. ourcqs dit :

    Flash spécial ! 
Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter.
    Toujours incompris, il allait enfin s’exprimer hors normes, hors conventions.
    Rupture avec les règles, le classique . Désintégration des textes formatés, sans surprise . Souffle de nouveautés de forme, de style.
    Avec force superlatifs tout allait exploser.
    Feu d’artifice de concepts, d’argot, éclairs d’absurdités,

    Performance réussie, le manuscrit sera relu …..

  12. Jean-Pierre dit :

    Lucette, attachée de presse d’un célèbre éditeur, avait déjà vu passer des auteurs farfelus, inquiets, impatients, nerveux, timides, agressifs, mégalomanes, paumés, voire suicidaires.

    Un jour, elle avait reçu un type qui menaçait de se faire hara-kiri parce que l’éditeur avait refusé son manuscrit : Il lui avait suggéré d’écrire avec ses tripes, mais sans lui donner le mode d’emploi.
    Lucette ne s’était pas démontée.
    – Cher monsieur, j’ai deux nouvelles pour vous : D’abord la mauvaise : avec le mode opératoire que vous envisagez, vous produirez inévitablement de la merde. La bonne nouvelle : le patron a sûrement voulu parler de trips, pas de tripes.
    – Pardon ?
    – C’est un mot anglais qui s’écrit sans « e » et qui signifie « voyage », y-compris celui que fait l’esprit quand on consomme certaines drogues. Avec modération, bien entendu. Toutefois, je vous conseille la SNCF ou la marche à pied plutôt que le cannabis. En d’autres termes : décrivez vos « trips », c’est à dire vos voyages. Quand votre manuscrit sera prêt, revenez me voir.
    – Les voyages, d’accord ! Mais voyager où ?
    – Je ne sais pas moi. Par exemple, faites le tour de France des éditeurs et écrivez un bouquin qui relate les mensonges qu’ils vous donneront pour rejeter votre manuscrit.

    Ce matin, Lucette a vu débouler un mec cagoulé qui a déboutonné son imperméable beige pour montrer les 32 pétards attachés à sa ceinture. Le patron, témoin de la scène, a immédiatement appelé la police.
    C’était la première fois que Lucette sentait que sa vie était en danger.
    – Une dernière cigarette, s’il vous plaît, demanda-t-elle d’une voix aussi tranquille que possible.
    Le mec lui en a tendu une, et lui a même proposé du feu.
    – Merci ! Une dernière question : qu’utilisez-vous comme explosifs ? De la poudre noire ? Du Cécatre ?
    – Non, madame, des mots ! Nous sommes dans une maison d’édition, que diable ! Je ne suis pas un terroriste, moi ! Je veux qu’on m’entende. Et je veux aussi entendre qu’on m’entende. Alors, si je me fais sauter le caisson, j’entendrai seulement « boum ». Ça ne me suffit pas. Vous savez comme moi combien les mots peuvent être blessants, surtout les adjectifs.
    – Bâtard ! lui asséna-t-elle.
    – Aarrgh ! Vous m’avez eu, fit le mec, blessé dans son orgueil, en refermant frileusement son imperméable avant de quitter les lieux en claudiquant.
    – Lucky Lucette à votre service ; je désamorce les mots plus vite que mon ombre. fit-elle en soufflant sur sa cigarette pour l’éteindre.

    Quand les quinze camions de C.R.S. arrivèrent en ameutant tout le quartier, le mec était déjà loin.

    Bonne fille, Lucette lirait son manuscrit.

    P.S. : texte écrit en hommage à Emmanuelle Allibert, qui a publié un délicieux bouquin intitulé : « Hommage de l’Auteur absent de Paris » (Editions Léo Scheer)

  13. Cetonie dit :

    Flash spécial !
    Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter.
    L’éditeur expérimenté connait la puissance explosive d’adjectifs mal maitrisés, et, paniqué, a fait appel à la Brigade des Mots, en précisant la spécialisation demandée (un expert en verbes, par exemple, serait totalement démuni dans le cas présent). Nous allons donc vous faire vivre en direct une intervention très délicate et, avouons-le, assez rare. Restez fidèles à votre poste préférée!
    Voici donc les savants Brigadiers, armés de leurs dictionnaires mis à jour, de leurs grammaires surannées, de leurs modernes smartphones et d’autres sources indiscutables de connaissances , qui investissent calmement les bureaux encombrés de l’éditeur inquiet. Il est essentiel de ne pas effrayer un terroriste forcené, mais, au contraire, de le désarmer en douceur.
    La première phase est celle d’une patiente exploration, il faut avoir une vue assez précise des adjectifs utilisés pour les neutraliser.
    Flatté par leur attention bienveillante, l’auteur désappointé accepte de livrer sa recette inédite, (nous comprenons sans peine que l’éditeur, bon linguiste, ait refusé un manuscrit bourré de telles platitudes inintéressantes,)
    Il n’a utilisé ni nom commun ou nom propre, ni verbe transitif ou intransitif, aucune construction originale de phrases bien agencées, pas de sujet ordinaire ni de complément cohérent, mais ce fatras reste potentiellement explosif, et il convient de le désamorcer en douceur.
    La technique semble simple : on prend un adjectif dangereux, et on le remplace par un autre inoffensif, qui ne risque pas de faire exploser son voisin agressé.
    Ainsi, irrésistible devient simplement tolérable, infernal devient angélique, trépidant devient mollasson… la liste est fantaisiste, le suspense est intense, l’attente est pesante.
    Les spécialistes enfin satisfaits s’écartent, et le forcené excédé tire sur le détonateur encore inutilisé, il n’obtient qu’un lamentable « flop ».
    La Brigade peut maintenant l’emmener, déconcerté, pour le confier à un Professeur d’Écriture, avec qui il pourra enfin réaliser son rêve : écrire une Œuvre digne d’être éditée !

  14. Grumpy dit :

    La goutte qui fit déborder le vase déjà trop plein, en fait le coup de grâce, lui fut asséné par la concierge, Madame Fernandez. Celle-là, elle était mal lunée tous les matins, et son humeur ce jour-là laissait entendre qu’elle avait vraiment très très mal dormi. Lui, revenait de la boulangerie du coin avec sa baguette sous le bras et un croissant pour son petit-déjeuner, c’était toujours aussi à cette occasion qu’il ouvrait sa boîte aux lettres pour récupérer son courrier, quand il la vit.

    Elle se tenait sous le porche, en pantoufles et le chignon défait, son balai à la main. À ses pieds un gros tas d’enveloppes en papier kraft. Il les connaissait bien ces enveloppes, pas besoin de se demander d’où elles venaient. Il en recevait son lot tous les matins, mais aujourd’hui ça dépassait tous les records. Il y en avait tellement ça ne rentrait plus dans sa boîte aux lettres pourtant aux normes PTT.

    – Écoutez voir ici un peu Monsieur. Y’en a marre, marre de chez marre, ras-le-bol, vous savez ce que ça veut dire ras-le-bol ? Ça veut dire que c’est moi qui n’ai pas de bol, et pourquoi croyez-vous que je n’ai pas de bol ? Parce que c’est moi qui suis chargée des poubelles, tous ces paquets que vous recevez tous les jours et que vous mettez à jeter sans même les ouvrir, les poubelles en sont pleines, et qui c’est l’andouille qui doit les pousser sur le trottoir les poubelles ? C’est vous qui de tout l’immeuble me donnez le plus de travail, je ne gagne que des nèfles moi ici, et quand c’est le moment des étrennes c’est-vous le plus radin. Alors, moi je vous le dis : « vous allez arrêter ce cirque, sinon je vais interdire au facteur de s’approcher des boîtes aux lettres et comptez sur moi, en bonne concierge je vais vous dénoncer auprès des autres propriétaires comme étant le responsable de cet embargo. »

    Il piqua du nez, et sans attendre l’ascenseur remonta quatre à quatre à son troisième étage. Ça n’avait beau être venu que de la concierge, cette fois la vérité lui avait été jetée à la figure, l’humiliation dépassa la honte. Ça suffisait comme ça, il fallait faire quelque chose pour arrêter ça.

    Ça faisait longtemps qu’il ruminait cette solution. Il y avait ces temps-ci à Paris tellement d’exemples de gars qui pétaient les plombs pour un oui pour un non, cette fois ce serait son tour et lui des bonnes raisons il en avait : un refus, dix refus, encore et toujours des refus, des centaines de refus. Il avait tenté toutes les maisons d’édition, des plus célèbres aux plus ringardes, un retour, dix retour, encore et toujours des retours, des centaines de retours. C’est qu’on finirait par le chasser de son immeuble tant il devenait encombrant. La faute à Madame Fernandez qui se faisait un plaisir de se lamenter à quiconque passait devant sa loge en pointant du doigt les poubelles pleines : « non mais regardez-moi ça ! Si c’est pas un scandale… »

    Elle, ma foi, après tout elle ne savait peut-être pas lire, mais les autres, si seulement un seul d’entre eux s’était donné la peine d’ouvrir une enveloppe, on voyait pourtant bien qu’il s’agissait de livres et que ça revenait de chez les éditeurs. Il se dit que tant qu’à subir l’opprobre générale, il était temps d’agir et d’appliquer la solution finale qui lui tournait si lentement et sûrement dans le crâne qu’elle était parfaitement au point.

    Ah ! Le reproche récurrent qui lui revenait de toutes parts était non pas qu’il truffe ses textes de trop de jeux de mots pas souvent très réussis et qui parfois pesaient jusqu’à la tonne (ça, passe encore, il voulait bien admettre qu’il cédait trop souvent à cette facilité trouvant là, pensait-il, une sorte d’humour qui bien que douteux venait suppléer une imagination défaillante.) Mais que tous et toutes trouvent comme excuse pour le rejeter qu’il abusait d’adjectifs, souvent utilisés à mauvais escient, à tort et à travers, mal à propos, mal venus, inappropriés, placés au mauvais endroit au mauvais moment, ça, ça ne passait pas, et tant qu’à avaler ces couleuvres, ils allaient voir ce qu’ils allaient voir.

    Il enfila sa cagoule des jours heureux quand il allait au ski, elle était dans l’armoire depuis si longtemps qu’elle empestait la naphtaline, ça lui ferait du bien à elle aussi de prendre un peu l’air même si ce serait bref. Il remplit à ras bord sa banane et se l’ajusta autour des reins, sortit de l’immeuble et choisit au hasard dans la poubelle une enveloppe de retour. Peu importe de quel éditeur elle venait, ce serait celui-là qui servirait d’exemple et qui paierait pour tous les autres. Il prit le métro et sortit à la station indiquée, tiens ça tombait juste dans le bon quartier : Saint-Michel.

    Il bouscula le vigile, monta en courant à l’étage, la première secrétaire qui vit ses yeux fous rouler comme des billes dans les trous de la cagoule se mit à hurler, plusieurs sortirent des bureaux pour comprendre ce qui se passait, en tête la vieille bique Directrice de Collection signataire de la lettre de refus qu’il lui colla sous le nez. Il la saisit par le chignon, et lui tirant la tête en arrière lui dit :

    – Moi, je mets trop d’adjectifs ? Répétez-le que je mets trop d’adjectifs, allez répétez, répétez devant tout le monde ce que vous m’avez écrit : « Il vaut mieux, Monsieur, vous concentrer sur un objectif que d’user trop d’adjectifs. »

    – Alors reprit-il, mon bouquin ni objectif, subjectif, suggestif, subjonctif et encore moins infinitif, génitif, accusatif ou digestif, vous allez le publier sinon je vous pince le nez à vous étouffer et je vous fais bouffer tous mes adjectifs et comme vous le dites, on verra si par-dessus le marché, ils ne sont pas aussi roboratifs.

  15. Michel-Denis ROBERT dit :

    Flash spécial ! Un auteur dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs menace de tout faire péter.

    – A l’heure qu’il est, nous n’en savons pas plus. Le quartier vient d’être bouclé. Comme vous pouvez le constater sur votre écran, une jeune femme blonde, aux cheveux raides tente d’approcher l’entrée des Editions du Chat-Espiègle. Des gendarmes mobiles ont essayé d’identifier l’individu. Il a tagué les murs de la façade de néologismes. Selon des témoins, l’homme est barbu. Il ferait partie d’un groupe jadiste-erreuriste, des trafiquants de pierres précieuses, prônant l’idéologie du déclencheur enrayé. On m’informe que les services de renseignements sont en train d’évaluer la situation. Ils maîtrisent. Leur souci premier est de savoir quels genre d’adjectifs détient le trafiquant dans sa ceinture. Comment se les est-il procurés ? Quelle est leur origine ? Et quel usage veut-il en faire ?

    La jeune femme parlemente toujours avec les militaires. De l’endroit où je suis, je ne perçois pas ce qu’elle veut marchander. Pendant que j’essaye de m’informer, je vous laisse en compagnie d’une page de pub.

    10 mn plus tard !

    – La situation n’a pas véritablement évolué. je suis allé sur les lieux. Je tousse, les lacrymos me piquent les yeux. La jeune femme est la commandante des forces spéciales qui coordonne l’opération. Ses yeux étaient limpides comme des lacs, elle avait un rouge à lèvres couleur prune et les ongles de la même… Excusez-moi, on me parle dans l’oreillette. Ah !… On me dit que je dois rester concentré sur l’actualité… Attendez, il y a du nouveau ! La fenêtre du premier vient de s’ouvrir. L’homme cagoulé a pris un animal en otage. Il semblerait que ce soit le chat de l’éditeur : un splendide angora très affectueux et très intelligent qui, selon son maître, favorise les échanges financiers, verbaux, intellectuels, idéologiques et même amoureux. Le félin est très docile, caressant, charismatique, déroutant, débordant de vitalité… Excusez-moi, on me parle encore dans l’oreillette…

    On n’a pas encore identifié la langue d’origine de la sacoche… Le farfelu est monté sur le rebord de la fenêtre. On dirait qu’il essaye de contourner l’immeuble par la corniche. Il semblerait qu’il ait embarqué les croquettes du chat dans son sac à dos, par-dessus la ceinture d’adjectifs. Un adjectif arachnoïde s’échappe, le chat est parvenu à le saisir. Que va-t-il se passer encore ? Je dois bientôt rendre l’antenne. Non, on continue !… Le chat littéraire a l’air d’être plus intéressé par les adjectifs que par les croquettes… Non ! Que se passe-t-il ? Un C.R.S. vient de tirer sur la ceinture. Mon Dieu ! C’est la dernière chose à faire. Heureusement qu’Annie, la commandante a détourné l’arme avec une prestance alerte souple, ample, précise, généreuse, aguichante. Non ! On me demande de retirer aguichante. Il semblerait que tous les adjectifs sortent de la sacoche.

    On dirait que le chat fait une intolérance au masque de jadiste-erreuriste. Le visage découvert correspond plus à sa griffe. Voilà qu’il se prend pour le chevalier noir à moustaches. Mais que se passe-t-il encore ? Il s’est saisi du chat et il risque de le jeter dans le vide abyssal. On me dit de retirer abyssal. Vous êtes informé seconde après seconde de cette faramineuse et dantesque prise d’otage dans un quartier si calme d’ordinaire. Des C.R.S. sont montés sur le toit. Ils ont réussi à mettre le grappin aimanté et téléguidé sur les adjectifs en question. Le rebelle tente de répliquer, mais maintenant, c’est lui qui a les pieds dans le vide. On dirait une araignée au bout de son fil. Ils vont le lâcher dans un filet étalé sur le trottoir. Le filet remonte. Ils veulent prendre adjecti-phile vivant. Mais que se passe-t-il ! La ceinture est restée accrochée à la corniche. Si elle tombe, elle explose ! Mon Dieu ! Le chat, il joue avec !… La ceinture est en train de tomber ! Certains adjectifs prudents prévoyants, devins, zélés, ailés, élégants, gais, rougeoyants s’échappent. Intelligents, ils ne veulent pas assister à la chute.

    Nous allons passer une page de pub et je vous retrouve dans quelques minutes.

    15 mn après !

    – Eh, Bien ! Voilà ! Nous nous retrouvons en compagnie du Chat-Espiègle et de notre belle C.R.S.. Que pouvez-vous nous dire à propos de ce phénomène ?

    – Ils sont conditionnés comme par des machines à manivelle sans adjectifs de toutes sortes, alors quand ils arrivent ici, ils sont en manque, ils glanent tout ce qu’ils peuvent. Ils ne monnayent pas. leur but est de faire parler d’eux, juste faire parler d’eux.

  16. Inadmissible !…Intolérable !… Irresponsable !… Impossible !!!…
    Ah ! Il en a, de ce genre-là des adjectifs, tout prêts !.. Là, sous la main !!
    Il sourit jaune en constatant qu’ils commencent tous par un préfixe de négation, de refus, de révolte…
    Refus, oui !!! De la situation dans laquelle on enferme les écrivains depuis quelques temps.
    Depuis une dizaine d’années environ, ou même un peu plus, il ne sait plus…
    De toutes façons depuis bien trop longtemps, et cette fois il en a assez. Assez de se taire ! Et d’encaisser !
    L’obéissance servile et obséquieuse, pour plaire à ces messieurs dames, terminé !
    Cette pseudo Académie des Belles Lettres, créée de toutes pièces, par un pouvoir soit-disant « innovant », c’est pire que la censure!!
    Elle au moins était constante, elle avait même des idées fixes, on savait à quoi s’en tenir !
    Alors que maintenant, à une date qu’un groupe d’ »experts » choisit, en ne prévenant que quelques semaines à l’avance, les règles du « bien écrire » changent : L’emploi des mots ou des formules sublimés varie selon une sorte de mode, et les critiques les jugent à l’aune d’un bon goût supposé du moment. Un jour, les mots désuets ont la cote, le lendemain tout bon texte se doit de multiplier les adverbes, plus tard on porte le verbe être aux nues, pour en faire peu après la marque des écrivassiers à rejeter. Des modes naissent ainsi sans cause ni raison, qui changent à une vitesse record. Montesquieu pourrait en réécrire les Lettres Persanes…
    Une situation en tous cas intenable pour tout écrivain digne de ce nom qui rédige un roman de qualité sur la longue durée.
    Sa dernière œuvre avait été recalée par cette Académie, et démolie par la critique, au prétexte qu’elle manquait de couleurs, de ressenti, que la palette des sentiments, avec toutes leurs nuances, était limitée, qu’on aurait voulu plus de précisions, et ragnagna… on lui conseillait de multiplier les adjectifs chatoyants, évocateurs, on vantait les qualités de ces mots qui accompagnent les noms et donnent vie à des tableaux bien pâles sans eux… Pensez-y ! lui avait-on affirmé avec un sourire bonhomme…
    Il se détourne et crache par terre. Je t’en ficherai, des adjectifs !!
    Et lui, bonne pâte, et écrivain débutant prêt à écouter les conseils bienveillants de ses aînés et de « ceux qui savent » avait passé toute l’année suivante à corriger son manuscrit pour y ajouter les précieux sésames qui allaient en faire un chef d’œuvre, soit-disant !!! Une myriade de qualificatifs tous choisis pour épater le chaland !!!
    L’année suivante, sûr de son fait, il s’était présenté une nouvelle fois à l’Académie, qui seule décidait de l’autorisation de publication, son ouvrage à la main, dûment ciselé au goût du jour… Pour s’entendre cette fois vanter les qualités des textes réduits à leur expression minimum, « sans un mot de trop » lui répétait-on d’un ton désolé et réprobateur, « Ah !! les qualités de l’Épure !!…  quand chaque mot porte et touche juste, sans en rajouter !… Laissez donc votre lecteur imaginer le reste, lui suggérait-on… »
    Sujet verbe complément… Phrases aussi raccourcies que possible… roman limité à 100 pages, maximum 150 !
    Il avait ravalé – difficilement – sa colère et son orgueil blessé pour faire valoir à son contradicteur que l’année précédente on lui avait dit…
    Et l’autre avait battu l’air de ses deux bras comme s’il voulait s’envoler, marchant de long en large, perdu dans des diatribes sans fin : L’année dernière c’était du passé, les goûts avaient changé, il fallait vivre avec son temps dans un monde en perpétuel mouvement, qui s’accélérait en plus ! Il avait remarqué, n’est-ce pas ??…
    Logorrhée qui l’avait cloué sur place, fulminant de colère rentrée, et qu’on avait osé terminer par une petite tape paternaliste sur la joue et une main posée sur l’épaule… Une main qu’il aurait volontiers mordue…

    Et maintenant il est là, dans les locaux de cette maudite académie, accroupi au pied de ce bureau qui ne le cache qu’en partie. Sur la tête, une cagoule noire, signe dérisoire de son nouveau statut de terroriste. Il ne bougera pas. Il s’est accroché avec le mot chaine au lourd montant de bois du meuble inamovible, et il a avalé la clé.
    A la main il a un sac. Un sac de gros mots, les plus gros qu’il a pu trouver, qui pèsent leur poids. Il les lancera en premier. Ils vont en prendre plein la g….
    Le deuxième lot sont des « bombes à eau », des mots lourds parce que trempés de la sueur du labeur et de l’effort d’écrire auquel il se contraint depuis des années.
    Très léger par contre, tout à coté de lui, il a du arrimer un paquet qui malgré ses efforts menace de s’envoler : celui-là contient des noms d’oiseaux. Ce sera pour le dessert.
    Et de toutes façons, ils ne sont pas prêts de parvenir jusqu’à lui : en arrivant il a déversé dans l’escalier principal tout son chargement d’adjectifs devenus inutiles, ceux qu’il avait accumulé depuis un an pour les mêler à son roman. Une quantité énorme qui leur promet une belle partie de toboggan !
    Il ricane intérieurement.
    Le « poids des mots », ils vont apprendre à leurs dépens de quoi il s’agit !
    Du bruit !
    Les voilà !
    Il est prêt.

  17. Clémence dit :

    Flash spécial ! 
    Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourrée d’adjectifs, menace de tout faire péter.

    Alors que le cordon de sécurité venait d’être établi, une jeune femme bouscula les badauds, bouches bées ou jacassant à tort et à travers. Elle s’est avancée en tanguant dangereusement.
    – Laissez-moi passer, enfin, laissez-moi passer, je suis déjà en retard….

    Elle arriva tout près de moi. Elle marmonnait des paroles incompréhensibles :
    – Cagoulé… lézard…armes…menace…asperger…j’ai rien….rien…

    Je n’avais qu’une seule envie : la mitrailler. Zoom avant, zoom arrière…
    Rousse incendiaire authentique, teint d’albâtre, yeux d’azur. Lèvres rouge Tagada.
    Frêle silhouette perchée sur des talons d’une hauteur à donner le vertige à un sherpa népalais.
    Jambes fines glissées dans des bas à résilles.
    Mains gantées dont une tenait un sac qui devait contenir son nécessaire de survie pour la traversée du Sahara.
    Mini-robe-manteau power-flower.
    Une explosion visuelle !

    Ebloui par cette vision fantastique, je ne perdis pas pour autant mes réflexes de journaliste free-lance. Je glissai furtivement dans son sac une boîte de Tic-Tac, dont quelques bonbons polaires agglutinés cachaient un micro ultra sophistiqué.

    Elle avançait, sûre d’elle, la tête légèrement penchée, elle répétait :
    – Je sais… je sais….je comprends…je vous comprends…

    Ce furent les dernières paroles que j’entendis à ses côtés. Je m’éloignai rapidement et pris place à une terrasse, un carnet à portée de main. L’aventure allait commencer. Ça démarrait fort dans mon oreillette. Je notais fébrilement :

    « Des pas résonnaient. Un chuintement. Les portes d’un ascenseur certainement. Le tilt retentit. L’étage était atteint. Pas de chuintement. Elle avait bloqué la porte…Des claquements de talons, puis une voix claire éclata.

    – Bonjour, c’est moi ! Je m’appelle Chloé… »

    Silence. Je m’imaginais la scène. La jolie demoiselle face à un forcené, cagoulé, aux propositions désordonnées, aux adjectifs fumeux, aux adverbes intempestifs.
    Je vivais en intégralité une épopée dramatique : la rencontre d’un otage et d’une profileuse-négociatrice.

    De métaphores en anaphores, ma bille roulait et les lignes se gondolaient. C’était hallucinant.. La tension montait, les rebondissements jaillissaient en myriades d’oxymores, de zeugmas et d’allitérations assonantes. L’issue serait-elle fatale  ou fractale ?

    36 heures plus tard…. ma faim apaisée, je pus écrire le mot de la fin. Je le tenais, mon thriller ! Je me voyais déjà en tête des ventes de la rentrée.
    Restait cependant une cruelle interrogation. Me serait-il possible, un jour, de témoigner ma gratitude à la belle Chloé, sans lui dévoiler mon stratagème honteux. Utiliser sans vergogne et à son insu, une part de son travail, pour gonfler mon égo d’écrivain orgueilleux.

    Lundi, je fis parvenir à un éditeur renommé, une clé USB contenant mon tapuscrit : « Otage, une histoire sans fin ».

    Mercredi, je reçus une réponse : « Nous regrettons de ne pouvoir donner suite…. »

    Vendredi, je déboulai dans les locaux, cagoulé, une grenade Parataxe dans une main, une ceinture bourrée d’analepses…

    © Clémence

  18. Antonio dit :

    C’était, il y a longtemps, dans l’Ouest. Quand BFM TV chassait encore le sensationnel.

    L’inspecteur Perrat avait été dépêché ce samedi matin, en grande pompe. Il allait encore devoir sortir son imagination de ses pantoufles pour venir à bout d’une nouvelle affaire. C’était toujours le même scénario.

    Un auteur se découvrait une vocation soudaine en tombant sur un vieux manuscrit et se mettait à le réécrire comme on dépoussière un vieux coffre à trésor. Sauf qu’il y avait rarement un trésor à l’intérieur, voire jamais. Perrat, lui, connaissait toutes les ficelles de ces futurs écrits vains qui cherchaient à devenir premier roman. Il avait longuement étudié toutes les étapes de ces mythos, comme il les appelait, qui s’évertuaient à écrire leur première œuvre, convaincus de tenir là une pépite à pépettes, un best-seller quoi.

    Ce samedi matin, il se trouvait au stade de la dernière étape, celle où le conte de fée devenait une histoire de pirates. S’il n’y avait pas de trésor dans son manuscrit, il n’y avait qu’à en mettre un dedans.

    « Soit vous publiez et on met les voiles ensemble, soit je fais couler le bateau ».

    Perrat était accompagné de son fidèle Lancelot. Sim’ Pa. Un agent renifleur, pas bavard, mais efficace. Il savait dénicher un bon mot à ronger, au milieu du journal Midi Olympique. Mais sa spécialité, c’était les sujets explosifs, ceux qui détruisent le cerveau, très utilisés par les groupes extrémistes comme Voici, Gala ou Paris Match. Il était précieux pour Perrat. Quand il grognait devant un magazine suspect, les oreilles en alerte, ce n’était pas bon, il fallait déminer et vite. Mais quand il sautait autour, la queue frétillante et la langue pendante, c’était plutôt une bonne nouvelle.

    Le Groupe d’Intervention du Genre « Nouvelles » était déjà sur place, prêt à intervenir. Perrat demanda quelques minutes et commença à dialoguer avec l’auteur, classiquement.
    — Commencez par libérer votre écriture. Je vous promets d’enrichir votre style.
    — Non, rétorqua le forcené. Je veux que le directeur de cette putain maison d’édition lise à voix haute ma nouvelle. Cet enfoiré ne l’a même pas lue !

    En effet, l’auteur incompris venait de comprendre que le directeur ne connaissait même pas le sujet après l’avoir malmené à coup de points d’interrogation et d’exclamation. Ce menteur s’était confondu en excuses du genre :

    — Vous devez savoir que les impératifs spécifiques de nos collections, d’une part, et un programme de publications déjà trop chargé, d’autre part, nous obligent à des choix sévères, qui parfois nous laissent à nous-mêmes des regrets.

    Perrat était emmerdé. C’était le pire des scénarios. Il avait donné une fois. Une biographie soporifique qui avait endormi tout le groupe d’intervention durant des heures avant que des terroristes du groupe Complément d’Objet Direct ne déclenchent l’assaut à sa place et embarquent le criminel et les otages.

    — Vous ne voulez pas plutôt une voiture ? proposa Perrat
    — Non ! hurla l’auteur fou. Il lit ou je fais tout sauter !

    Perrat avait désormais peu de marche de manœuvre. Il devait parvenir à détecter si la ceinture d’adjectifs était du cliché ou pas. Sim’ Pa fit une approche et semblait serein. Il renifla à plusieurs reprises quand il tomba sur une odeur familière : « l’affreux gros chien noir de l’ancienne concierge ». Il fit un signe à Perrat, il n’y avait plus de doute. La ceinture était factice.

    Le groupe d’intervention fit sauter alors la porte du bureau et maitrisa facilement le forcené, sécurisant le directeur, soulagé. L’affaire était réglée.

    — Encore un roman à jeter à la poubelle, lâcha le patron des lieux.

    Quand Sim’ Pa, la queue frétillante, sauta sur la table autour du manuscrit, apposant le tampon de sa patte après avoir bavé dessus. Perrat s’approcha, saisit les premières feuilles et lut les premières lignes.

    C’était vraiment de la bombe, Sim’Pa ne s’y était pas trompé.

  19. Laurence Noyer dit :

    A l’heure dite, n’ayant pu obtenir gain de cause, il déclencha le processus :

    !!DEFLAGRANT !!*! *COLORE !! ECLATANT(oooh !) !!***!! LUMINEUX (aaahh !)¤ DANSANT !* !* ! INCANDESCENT¤¤ FLAMBOYANT !!!!** ! SPECTACULAIRE !!

    Son œuvre rencontra immédiatement son public.
    Il put lui donner un titre : FEU D’ARTIFICE

  20. durand dit :

    Flash spécial!

    Un auteur, dont le manuscrit a été refusé par un éditeur, s’est retranché dans les locaux de celui-ci. Le forcené, cagoulé et porteur d’une ceinture bourré d’adjectifs, menace de tout faire péter.

    Les forces spéciales, des dictionnaires chevronnés ont été envoyé sur place pour tenter d’établir un dialogue dans la langue qui pourrait lui convenir.

    Le commissaire principal Larousse se méfie particulièrement du groupuscule (oui, l’essentiel de la bande s’est éteint à la fin du siècle dernier) des Romantiques attisant la flamme pour un oui ou pour un non.

    Dans les cas précis d’un NON avéré, on a pu constater que plus d’un de ces cinglés du stylo ne babille pas longtemps avec les phrases dont ils supportent mal le surpoids.

    Si un dialogue ne s’établit pas rapidement dans le style convenu, cela peut rapidement tourner au four, l’acteur principal ne rêvant que de brûler les planches.

    Dans le cas présent, certains éléments pourraient nous laissent supposer qu’il s’agirait d’un énième candidat à la présidence de la République.

    Son livret post élection, sa feuille d’en marche, aurait déjà été refusé par tous les éditeurs soucieux de protéger leur image et leur portefeuille.

    Ses principales perspectives pour l’avenir du pays tournaient autour de la défense du concombre et de l’interdiction en Hauts de France d’utiliser des animaux de combat pour mitonner le coq au vin.

    ……………………………..

    Ah… il s’avère qu’un groupe d’académiliciens volontaires, en fait inconscients du danger soit parvenu à calmer l’individu en lui promettant une quelconque breloque, un bicorne de gazelle et un costard de perroquet!

    L’homme, décagoulé a été identifié comme ancien postulant au poste suprême de volaille. Présent déjà aux 5 dernières élections….tout le monde se souvient de son dernier score de 0,0000000000000000000000000000000000000000000000001% des voix relativisé à 0,000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000000001% suite à une constatation de tricherie au bureau 114 bis.

    Bien que largement ceinturé par le smoking de circonstance, le furieux adouci, avant de monter dans l’ambulance balbutiait encore: » Demandez le programme, demandez le programme….demandez le programme….demandez le…. »

  21. Blackrain dit :

    L’homme est résolu, la ceinture, bourrée d’adjectifs, serrée autour de ses attributs. Il a le subjectif présent et le subjonctif imparfait. Il est à bout. Pour lui plus rien n’est tabou, même le suicide.
    Il participe, présent à sa déchéance car son passé s’est décomposé. La conjugaison des événements a mis son ego à mal. Lui qui se croyait plus-que-parfait, l’écrivain de l’année, voir du siècle, a vu la chute des ventes de ses écrits mettre un point d’interrogation à sa mégalomanie. Sujet au sentiment de persécution, il trouve assez singuliers les chiffres que son éditeur lui montre à présent. Pour lui ce ne sont que des conjectures, des conjonctions de coordination provisoire. Le lecteur est imparfait et versatile, il va l’aimer à nouveau. Il promet de s’en retourner au Bled pour y puiser une nouvelle inspiration. Son verbe est haut, son geste majuscule. Rien n’y fait. Malgré ses ponctuations, l’éditeur reste ferme : il n’éditera plus son prochain manuscrit. Le Manu cri, il se lamente à l’eau de ses pleurs, à l’aube de sa déchéance. Manu menace de se tuer manu militari. La porte claque comme une dernière gifle donnée à ce vendeur de papier qui ne veut pas plier.
    Le lendemain il est là, très las, il est là pour trépasser. son futur est antérieur.
    Il veut garder son nom propre, même s’il doit mourir en commun, lui qui est parti communiste pour arriver aujourd’hui avec ses faux-cils et la cédille entre les dents. Une enclume résonne dans sa tête, il est complètement marteau. Il a le doigt sur la touche de son portable. Il va déclencher l’explosion. Les adjectifs vont bientôt se répandre dans les colonnes des journaux jusqu’à la paralysie du système.
    Il l’espère…

  22. Odile Zeller dit :

    Flash AFP le forcené serait en négociation avec l’équipe d’intervention arrivé sur place. Le périmètre autour de la Rue du Bac est interdit à toute circulation. L’auteur très agité estvarme d’un haut parleur et déclame depuis le début de la matinée des poèmes par la fenêtre. Les voisins protestent contre cette cacophonie lyrique.

    Dernière Rue Sébastien Bottin AFP
    Le manuscrit du forcené serait lu et après corrections pourrait être éventuellement publié. L’homme qui a ôté sa cagoule du fait de la chaleur suffocante s’est révélé être un auteur publié et connu dont les dernières œuvres auraient été refusées. En déroute financière complète il aurait craqué. La police assure qu’il sera hospitalisé puis soumis à un suivi psychiatrique. Gallimard ne portera pas plainte.

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