358e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat


Comme il commençait à prendre de la bouteille,
il décida de vieillir, tel un bon vin.
D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis…  

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Chaque proposition d’écriture créative est une bataille contre la routine et l’endormissement de l’imagination. Un petit combat pour maintenir en vie l’enthousiasme d’imaginer, d’inventer, de créer.

36 réponses

  1. Stéphanie dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir, tel un bon vin.
    D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis…
    Il évita au maximum les efforts inutiles. Ce qui n’était pas toujours évident vu son tempérament fougueux. Il était entre deux âges, celui de la jeunesse , de l’énergie de l’action impulsive et celui de la soi-disante sagesse, de la réflexion et donc de plus en plus de l’absence de décision. Car à trop réfléchir, souvent, il passait à côté de beaucoup de choses. Il voulait donc vieillir mais en se bonifiant. Se déménagement, pensait-il, serait un nouveau départ. LE déménagement, celui de la maturité. Il s’installa donc à la cave en essayant de déballer le maximum de choses en un minimum de temps et d’efforts. Il s’était octroyé la journée dans ce but. Le soir venu, il se confectionna, dans l’urgence, un nouveau garde-manger…Son pire défaut était,depuis toujours, la gourmandise…mais la nature l’avait bien gâté :  il ne prenait pas un gramme…sans doute en partie grâce à ses nombreux sprints quotidiens , ça le tenait en forme et lui sauvait la vie.
    Il trouva pour se faire un coin douillet une belle couverture épaisse, faites de poils lisses et soyeux , il n’aurait pu trouver mieux ! Enfin  !  Il allait pouvoir passer une retraite tranquille…Loin des ennuis et des stress quotidiens, bien à l’abri dans sa nouvelle demeure.
    Il saisit le plus gros morceau de fromage qui lui restait et décida d’aller le déguster bien au chaud sur sa couverture soyeuse.
    C’est précisément à ce moment que Félix (les clichés ont la vie dure) décida de se mettre en action. Se levant d’un bon, le félin fit tomber sa victime et engloutit tout rond notre pauvre rat repu…

  2. ROBERT Michel-Denis dit :

    – Il avait fait le tour de la Belgique ! (Il entendit rire dans le fond de la salle.) Hein ! Vous riez, je vous vois venir. Vous croyez que je vais enchaîner sur la bière, le vin de Liège et pourquoi pas les frites !
    Il n’empêche que cet homme avait décidé de vieillir comme un bon vin. En Belgique, il s’était lié à de bons vieux. Il aimait les écouter raconter leurs histoires internationales. Il en avait noté quelques unes qui l’avaient ému.
    Il pensait déménager ses affaires dans la cave pour apprendre à jouer d’un instrument. Il se rapprochait ainsi du sol. Là, il pourrait se livrer à toutes les improvisations qui lui passeraient sous les doigts.  » Si ma jeunesse d’esprit est docile à souhait, je vais redorer ma trompette bouchée. Hein ! Mon blason ! Bon d’accord ! »
    Il préparait un monologue.
    Justement, des bouchons, il en avait toute une collection dans ses sacs. Ce n’était pas des bouchons en or pour sa trompette, mais avec leur aide, il pourrait peut-être faire de l’argent ! Sous-entendu, quand il aurait une bonne maîtrise de son instrument, il se produirait en public. Et quand il aurait un bon pécule d’avance, il se paierait des vacances.
    Les bouchons qu’il avait collectionnés un peu partout sont en liège. Il ne perdait pas son objectif de vue. Le but était d’adapter sa cave à une meilleure sonorité.
    Le but était aussi d’adapter les meilleures histoires belges qu’il avait gardées pour les mettre en musique. Le but, c’était également la qualité. Hein ! (Il écoutait les gens parler au fond, qui l’empêchaient de se concentrer.)
     » Le but, c’est la qualité de vie. Les bouchons de liège, c’est pour amortir le son, précisa-t-il, en mettant ses mains en porte-voix.  »
    Dans sa cave, il avait aménagé une grande baie vitrée qui donnait sur le jardin comme un immense écran de télévision 3D avec en plus le parfum des fleurs, les arbres qu’il entendait bruire dans le vent.
    Vivre au niveau de la pelouse, des fleurs, des arbres, avec au fond, une chèvre et un mouton qui se tiennent compagnie derrière un grillage. Il pensait à son inspiration. Les traits horizontaux de leur pupille leurs donnent un regard étrange. Il aurait échangé volontiers leurs yeux un instant pour se rendre compte de la façon dont leur énigmatique regard perçoit les humains.
    Les deux filles tendaient une main apeurée pour les atteindre d’une caresse.
    Décidément, il y avait trop de bruit dans cette salle. Plutôt que se mettre des bouchons dans les oreilles, il partit faire une balade.

  3. Mamireille dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille,
    il décida de vieillir, tel un bon vin.
    D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis… il y installa un petit salon taillé dans des fûts et tonneaux de chêne centenaires. C’était assez réussi ! Un cep de vigne tortueux fiché dans un mathusalem servit de support au luminaire qui trônait en veilleuse au milieu de la pièce. Les rayonnages de bibliothèque qui avaient orné son salon pendant des lustres, furent ici garnis des meilleurs crus qu’il avait minutieusement choisis tout au long de sa vie. Il alla même jusqu’à se faire ajuster un lit sur mesure dans un foudre ancestral de château Mouton-Rotschild. Histoire de s’endormir sans compter les moutons ! Certains garnissent leur matelas de fougères sèches ; lui recherchant un effet ressort, leur préféra des vrilles de vigne patiemment récupérées pendant des années. Il garnit ensuite sa couette et son oreiller de feuilles de vignes. Un petit fût dont la bonde avait pendant des années laissé passer la part des anges veillait a son chevet.
    Ce chais-lui, c’était la réalisation d’un rêve qu’il n’aurait jamais osé demander au Père-Noël ! Mais comme Noël approchait, il installa au pied de son lit, une pyramide de beaujolais du domaine Sapin. Dans une niche murale, entre paille et mini fagots de sarments, une crèche à sa manière vit le jour : Un Saint-Emilion Pas de l’âne à gauche, un champagne Pierre Leboeuf à droite. un rosé Sainte Marie et un côtes du Rhône Saint Joseph près de l’Enfant Jésus premier cru de Beaune allongé dans son berceau. La déco saisonnière parfaite !
    Il voulait vieillir tel un bon vin, mais il lui était impossible d’oublier la part d’enfant qui demeurait en lui ! A l’épiphanie, pour accompagner sa galette, il sortit de derrière les fagots de sa crèche, un aligoté du domaine des Rois Mages. Le breuvage imprégnait harmonieusement pâte feuilletée et frangipane qu’il n’avait pas à mâcher pour les faire couler jusqu’à son estomac… ça coulait si bien et si vite qu’il ne sentit pas que la fève de porcelaine faisait fausse route et s’engageait vers sa trachée qu’elle obstrua mieux qu’un bouchon de champagne. Privé de l’air qui aurait pu lui permettre de vieillir comme un homme, il termina sa vie un peu comme il l’avait souhaité… aussi hermétique qu’une bonne bouteille.
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  4. Liliane dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir, tel un bon vin.
    D’abord, il déménagea ses guenilles et son malheur dans la cave.
    Puis, il se ravisa.
    Trop d’idées poussiéreuses tissées dans le noir de ses souvenirs moisis.
    L’odeur des regrets rôdait.
    Il étouffait.

    Péniblement, il grimpa l’escalier étroit qui menait au grenier.
    D’abord, il s’installa dans l’antique chaise à bascule qui grinça de douleur.
    Puis, il s’ennuya.
    Les reflets du vide de sa vie s’échappaient par la lucarne.
    L’odeur de l’angoisse flottait.
    Il suffoquait.

    Vivement, il dévala les marches et se précipita dans le jardin.
    D’abord, il s’approcha du massif irisé des rosiers parfumés.
    Puis, il pleura.
    Il n’avait pas su l’aimer. Elle s’était envolée.
    L’odeur de la mort l’envahit.
    Il savait.

    Il décida de ne pas vieillir.

  5. Jean-Pierre dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille,
    il décida de vieillir, tel un bon vin.
    D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave,
    ou plutôt, il essaya, mais s’aperçut assez vite que tout le bordel qu’il avait accumulé depuis des années ne pouvait pas y entrer. À commencer par les bouteilles qu’il avait laissées un peu partout avant de les descendre à la cave.
    Puis il se mit à réfléchir. Comment faire ?
    Il ouvrit donc une bouteille qu’il avait sous la main. La but et la jeta. Puis une autre. Puis une autre.
    « In vino veritas ».
    La vérité lui éclata à la figure : « c’est de la connerie ! J’ai éliminé 0,02 % du bordel que je dois descendre à la cave. Ce n’est pas la solution ».
    La solution lui est apparue le lendemain matin, alors qu’il se tapait une sacrée gueule de bois.
    Le mal de tête l’empêchait de réfléchir.
    Alors, bêtement, il s’est mis à travailler : il s’est emparé d’une lourde pelle, et s’est mis à creuser, à creuser…
    …et miracle ! La cave s’était agrandie de deux mètres cubes.

    Il se rendit à l’évidence : c’est beaucoup plus efficace que de siffler une bouteille de pinard (environ 0,5 % du bordel accumulé). Il en avait donc pour un an environ, en comptant les pauses.
    Comme cette pensée était triste, il liquida une de ses bonnes bouteilles (indispensable pour garder le moral).

    Et il se mit à creuser, à creuser en rêvant qu’il pourrait peut-être trouver de l’or ou du pétrole, qu’il deviendrait riche, et qu’il pourrait sous-traiter ce travail pénible.

    Et au bout de huit mois d’efforts, miracle ! Le pétrole se mit à jaillir.

    Toutefois, il ne pouvait pas l’arrêter. Sa cave fut inondée. Sa maison aussi.

    Il était riche ? Non, car les produits du sous-sol appartiennent à l’État qui a réquisitionné tous ses biens et l’a foutu dehors en lui allouant une modeste pension avec laquelle il peut tout juste se payer chaque jour du vin ordinaire dans une demi-bouteille en plastique.

  6. françoise dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille,
    il décida de vieillir, tel un bon vin.
    D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis s’installa tant bien que mal. Il faisait sombre, les ressorts du sommier lui rentraient un peu dans les côtes, et par le vasistas il apercevait le soleil briller.
    Soudain son téléphone portable sonna (zut il avait oublié de le couper).Au bout une voix féminine lui précisa qu’elle avait trouvé une bouteille sur la plage avec à l’intérieur un papier sur lequel était noté son numéro de téléphone.
    Cette bouteille il l’avait jetée à la mer il y a des années alors qu’il était matelot sur un cargo, en s’amusant avec des copains. A sa connaissance aucun n’avait été appelé.
    Mais Madame cette bouteille je l’ai jetée à la mer il y a 30 ans. Mais Monsieur je l’ai effectivement trouvée il y a 30 ans ; j’avais le message dans mon journal et c’est en le relisant que je l’ai retrouvé. A l’époque j’étais jeune, belle, insouciante, un peu volage. Aujourd’hui, mon visage ressemble quelque peu à une pomme fripée mais malgré tout je suis restée romantique. Ei aujourd’hui pourquoi ne seriez-vous pas mon Ulysse et moi votre Penelope !
    Mais quand et où pourrions-nous nous rencontrer ?
    Je suis à votre portail, il ne tient qu’à vous de m’ouvrir
    votre porte et qui sait par la suite votre cœur…..
    J’arrive lui répondit-il et sans oublier de prendre une bouteille de vin « Saint-Amour » il grimpa l’escalier prêt à lui ouvrir sa porte et pourquoi pas son cœur…..

  7. Picodot dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir tel un bon vin ! D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave…Il commença par ses pantoufles, son poste de radio et ses mots croisés…le reste il verrait plus tard.

    Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas effectué quelques travaux dans la cave, cela laissait un peu à désirer. Eh bien c’était l’occasion de s’y atteler. Lui qui avait toujours rêver d’avoir une magnifique cave a vin, c’était le moment idéal.

    Il commença par sortir et jeter tout ce qui lui serait dorénavant inutile : un vieux vélo, des outils rouillés, quelques cartons laissés à l’abandon suite à leur emménagement…Ensuite il retapa les étagères qui lui serviraient à entreposer les quelques vins qui constituaient l’essentiel de sa « cave à vin ». Il en avait peu, mais ils étaient tous d’un excellent cru. Heureusement, car désormais ces vins seraient ses seuls interlocuteurs. Il avait bien l’intention de s’installer dans cette cave et de n’en ressortir que quelques fois par obligation : prendre ses repas, uriner et se doucher. ..quoi que…non ! Il devait raisonner en bon vin : ce qui fait le charme d’une belle cave a vin, c’est la poussière qui s’ accumule sur les bouteilles au fil des ans, avec ce plaisir qu’on éprouve à chaque fois en soufflant délicatement sur une bouteille afin de redécouvrir l’inscription qui figure sur l’étiquette …C’était décidé ! Il ne se laverait pas non plus ; il laisserait la poussière du temps le recouvrir tel un bon manteau bien chaud. A quoi bon prendre soin de lui de toute façon, force était de constater qu’il avait vieilli et perdu son charme. On ne le regardait plus comme avant, comme lorsqu’il était au sommet de sa carrière. Donc, il ne se laverait plus.

    Maintenant, il lui fallait une étagère a lui aussi pour reposer tel un bon cru. Il repéra aussitôt l’étagère en bois brut, qu’il avait fixé lui-même au mur cela faisait quelques mois. Elle lui paraissait assez solide pour supporter son poids.

    Il était en train de monter sur l’escabeau afin d’aller s’ étendre sur l’étagère, lorsque tout d’un coup, une voix qui venait d’en haut de l’escalier vint stopper son ascension :

    – Bernard ! Tu l’apportes cette bouteille de vin oui ?!

    – Non !

    – Mais qu’est-ce qu’il t’arrive ? Ça fait plus d’une heure que tu es enfermé dans la cave à vin ! Les invités ne vont pas tarder à arriver maintenant !!

    – Non ! Je ne sortirai pas d’ici ! De toute façon, tu l’as dit toi-même, je commence à prendre de la bouteille ! Eh bien, les bouteilles, c’est à la cave qu’on les remise !

    Il entendit sa femme éclatait de rire, même si celle-ci s’ efforça d’étouffer au maximum son rire entre ses deux mains.

    – Mais Bernard ! Je ne pensais pas ce que je disais ! J’étais débordée à cause des préparatifs pour le repas de ce soir ! Moi aussi je prends de la bouteille, mais ça m’est égal, puisque c’est à tes côtés que je vieillis! Qu’est-ce que je peux faire pour me faire pardonner ? Dis-moi !

    – Eh bien…Pourrais-tu venir aider la vieille bouteille que je suis à sortir de dessus l’étagère sur laquelle je me trouve actuellement ? Je suis coincé…avoua-t-il tout penaud…

    Il entendit alors les éclats de rire de sa femme repartirent de plus belle en même temps qu’elle descendait les escaliers !

  8. Clémence dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir, tel un bon vin.
    D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis… 

    Sandro avait été un élève brillant auprès de son maître. Il s’était confronté à maintes disciplines et il savait qu’il était bon. Très bon, si ce n’est le meilleur.
    Mais aujourd’hui, il commençait à prendre de la bouteille, son caractère aussi!

    Et ce n’est ni d’un bon œil, ni d’une bonne oreille qu’il reçut les premières critiques.
    Sur sa silhouette ! Certes, il était un peu enveloppé, mais de là à le surnommer « petit tonneau », cela le faisait enrager.
    Sur les faveurs que la haute société lui accordait dès qu’il eut pris possession de son atelier.
    Il se répétait maintes fois qu’il devait être au-dessus de ces propos, mais ces paroles injustes le meurtrissaient. Alors, il se réfugiait dans son art et produisait. Sans relâche, répondant à toute commande, mais travaillant aussi pour son plaisir.

    Ainsi, à peine âgé de trente ans, sa reconnaissance fut totale et sa réputation dépassa les limites de sa belle région. On l’appela à Rome. Mais il en revint désenchanté.
    Alors, sans tarder, il déménagea ses affaires dans la cave en se répétant qu’il était sûr de lui et de son art et qu’il pouvait y vieillir, tel un bon vin.

    Il bouda. Trois jours et trois nuits. Mais sous les pierres blondes de la cave voûtée, la douce lumière toscane lui manquait. Florence la radieuse lui manquait. La vie lui manquait.

    Il médita et se remémora tous les enseignements qu’il avait reçu, de son maître et de ses protecteurs, puis il se décida.

    Il remonta ses affaires de la cave. Donna un grand coup de balai dans son atelier et prépara une toile gigantesque qu’il tendit dans un cadre de bois. Il reprit ses pinceaux et travailla sans relâche.

    Trois année après « Le Printemps », il signa sa plus belle œuvre : « La naissance de Vénus »

    Sandro avait quarante ans.

    © Clémence

  9. Fanny VDA dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir tel un bon vin. D’abord il déménagea ses affaires dans la cave, toutes ses affaires. Puis il remonta quatre à quatre les escaliers menant à sa maison ? Arrivé dans le couloir, il sut immédiatement qu’il avait fait le bon choix. Mais en regardant les murs de l’ancienne salle à manger, nus des photos souvenirs qui la tapissaient auparavant, il eut tout de même un pincement au cœur. Il ressentit le besoin de s’asseoir. Ainsi assis par terre dans le silence de vide oppressant de la pièce, même pas rompu par le tic-tac rassurant de l’horloge comtoise qui avait bercé sa vie depuis si longtemps qu’il ne pouvait s’en souvenir, il se sentait comme ivre. Ivre de cette perte soudaine de repères du passé, ivre de futur inconnu, mais par dessus tout au bord du comas éthylique par ce présent dans lequel il venait pour la première fois d’atterrir brutalement. Tout à coup, le souffle court, il ressentit le besoin impérieux de se rappeler toutes les raisons, qu’il savait très bonnes, qui le poussaient à faire ce choix aujourd’hui et maintenant. Alors il se mit à parler à voix haute.

    Un observateur quelconque qui serait passé à ce moment là sous la fenêtre de sa maison aurait pu croire voir un pauvre vieil ivrogne assis par terre, dans un vieux chandail trop grand dont on ne pouvait que supputer que la couleur d’origine était verte … ou peut-être bleue. Ce témoin n’aurait pu n’être que frappé par ce petit être chétif écrasé par cette immense pièce déserte de tout meuble, à la tapisserie vaguement assortie à la couleur du chandail de cet alcoolique qui marmonnait de façon saccadée et incompréhensible en gesticulant de manière désordonnée.

    Mais pourtant, il n’y avait rien de plus sensé que le discours d’Armand à ce moment là !

    « Tu le sais bien mon vieux ! Tu dois te renouveler, tu dois changer pour pourvoir avancer ? Tu ne vas pas te complaire indéfiniment dans la lie de ces vieux souvenirs trop lourds à porter. La vie t’offre une chance de changer, alors saisie la ! Fonce ! Ou sinon tu deviendras comme cette horrible piquette que tante Albertine avait apporté il y a deux ans lors du repas de famille annuel ! Trop pingre cette vieille peau pour payer plus de 1E50 une bouteille de vin. En plastique elle était cette bouteille ! En plastique ! »

    Était-ce le souvenir de ce pinard infecte ou celui plus douloureux de ce dernier repas de famille qui eut pour effet de le dégriser instantanément ? Il retrouva ses jambes immédiatement et la sensation de vertige qui l’avait envahi quelques instants plus tôt s’arrêta nette.

    Il se leva d’un bond et se dirigea dans la cuisine où seul l’évier trônait sous la fenêtre, témoin fantomatique de ce passé qu’il voulait oublier. Sur l’évier, une flûte et une bouteille de champagne GOSSET que le vendeur lui avait conseillé : « Monsieur, ce grand millésime blanc est élaboré sans fermentation malolactique et il brille vraiment par son éclat. Bien sûr, il est un peu cher… » « Au diable l’avarice » s’écria Armand en faisant sauter le bouchon. Un SCHPOMP sonore retentit alors dans la maison répliqué dans toutes les pièces vides par la déesse Écho avec allégresse comme si elle ressentait elle aussi tout ce que ce moment pouvait avoir d’exaltant.

    Emporté par sa fougue Armand versa directement le breuvage dans son gosier. Après deux ou trois lampées, il posa la bouteille à ses pieds, prit la masse posée sur le mur opposé et se mit à bander tout ses muscles et frappa de toutes ses forces l’évier. La flûte de champagne et un premier coin de ce meuble volèrent en éclat. Sept ou huit coups plus tard, il ne restait plus rien dans cette cuisine sauf Armand et sa bouteille de champagne à la main dont il s’empressa de boire quelques gorgées. Puis il éclata alors de rire, imité aussitôt par Écho. C’était un rire de soulagement, un rire tel qu’il y avait bien longtemps qu’il n’en avait pas eu. Plus rien ne le rattachait au passé et il allait enfin pouvoir aller de l’avant.

    Mais il s’arrêta net dans son rire. Il regarda les murs autour de lui. Ils étaient toujours là, immuables. « La pierre a une mémoire ». Cette idée vint frapper son esprit. Il lâcha la bouteille de champagne qui vint se briser sur le sol en vieux carreaux de ciment et le reste du breuvage coula dans chaque fissure du sol.

    « Mais bien sûr ! Mon pauvre Armand ! Comment n’y as tu pas pensé avant ? Tu peux bien changer la tapisserie, peindre les boiseries, arracher les broderies, ce sera toujours le même tonneau avec le même tanin. Il te faut un fût neuf ! » A peine cette idée naquit-elle dans son esprit, qu’il couru dans l’entrée, prit sa sacoche accrochée à la poignée de la porte, ouvrit la porte, et sans se retourner ferma la porte à double tour pour l’éternité sur Écho et les pièces vides, sur ces souvenirs entassés dans cette cave et ceux emprisonnés dans ces murs.

  10. Il ne se faisait pas à l’idée de vieillir. Pourtant, chaque jour son miroir lui renvoyait l’image d’un visage un peu plus marqué, un peu plus rougeaud, un peu plus flasque. Dans les yeux des autres il croyait lire un début de la condescendance qu’on accorde volontiers aux idées fixes des aînés.
    Et un jour, il en eut assez.
    Descendu dans sa cave pour s’offrir un flacon du vin choisi qui y murissait depuis des années, il profita du silence de cet ermitage pour faire le point sur sa vie. Perdu dans ses réflexions, il parcourut des yeux son cheptel de pinard soigneusement rangé dans des casiers alignés et recouvert d’une poussière archéologique. Pour ces bouteilles, déposées là depuis des années, le temps semblait s’être arrêté. Lui, le prêtre officiant, ne pénétrait dans le sanctuaire pour procéder au sacifice d’un de leurs fleurons qu’à l’occasion des grandes fêtes. Le reste du temps, la pénombre et la fraicheur murissaient le nectar sans violence aucune. Loin de l’abimer, l’age le sublimait.
    Si les années transcendaient le vin dans ce lieu magique, pourquoi pas lui ?
    L’idée fit son chemin , et le chemin le mena droit au sous-sol humide de sa maison.
    Il commença par y faire des séjours prolongés.
    Il remontait midi et soir pour manger et dormir.
    Mais bientôt il prit goût à son nouvel habitat et commença à déménager son mobilier, lit en premier, puis réfrigérateur, cuisinière, table, chaises… et aussi un miroir.
    Eau et électricité étaient déjà installés et ne necessitaient que quelques aménagements sommaires.
    Bientôt il fut chez lui. Un vasistas dissimulé derrière une haie du jardin lui assurait de l’air et le cachait au public.
    Par crainte obsessionnelle d’une pénurie, il gardait pleins depuis longtemps les placards du sous-sol. Sa subsistance était assurée.
    Au début il respecta un semblant de rythme jour-nuit, qu’il perdit très vite.
    Au début il éclaira le lieu, avant d’habituer peu à peu ses yeux de troglodyte à la pénombre, qui à l’en croire avait l’avantage supplémentaire de favoriser la méditation .
    Au début il chercha à chauffer l’endroit, avant de s’inquiéter des effets de la chaleur sur ses précieux millésimés.
    Il prit l’habitude de vivre dans le noir, enveloppé d’une épaisse couverture, mangeant et dormant quand bon lui semblait.
    Il se sentait heureux. Et sans doute les délicats effluves alccolisés qui l’entouraient l’aidaient en le plongeant dans une douce euphorie.
    Régulièrement, il consultait le miroir pour constater les effets bénéfiques de sa réclusion sur sa personne. Suivrait-il l’exemple de son vin ? Bonifirait-il lui aussi ?
    Le miroir lui renvoyait sans pitié son excès de poids. Il décida de ne plus manger.
    Les rides étaient toujours là. Il résolut de prendre la position du lotus pour détendre ses traits et atteindre l’illumination intérieure.
    Son corps était fatigué et douloureux. Il entreprit des cures de sommeil réparateur qu’il s’efforça de prolonger au maximum.
    Il prit conscience qu’à chaque respiration il perdait quelques secondes de vie. Et il s’entraina à l’apnée.
    Le temps passa .
    L’Histoire aussi.
    La maison disparut.
    Quelques siècles plus tard on creusa à cet endroit pour établir les fondations d’un nouveau bâtiment.
    La pelleteuse excava une bouteille. Puis une autre.
    On convoqua les fouilleurs.
    Au milieu d’  « un magasin de récipients de verre soigneusement bouchés, rangés dans un ordre raisonné, ayant contenu un liquide alcoolisé à base de raisin » on trouva, « assise dans une position hiératique, une momie humaine de sexe masculin, parfaitement conservée, agée d’une cinquantaine d’années » au dire des médecins qui l’étudièrent. « Les vêtements de la momie, dont certains fragments ont gardé leurs couleurs, seront prochainement étudiés par les archéologues et soumis à la méthode du carbone 14 pour évaluer sa datation »
    Ainsi fut rédigé le premier rapport scientifique relatant la découverte de notre personnage. Et il devait occuper les archéologues pendant de longues années.
    A défaut d’une nouvelle vitalité, il avait atteint l’immortalité.

  11. Isabelle Pierret dit :

    Un bon vin – 11/10/17

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir, tel un bon vin. D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis il installa sa couche:
    sur un lit de paille , il se pose, il s’allonge et se couche.
    De son enveloppe, il ne perçoit plus que le verre sombre, moins translucide qu’auparavant, chargé de dépôt, ce qui stagne en lui et dont il ne peut se débarrasser. Il sait que ce n’est pas le meilleur, mais peine à en dissoudre les traces.
    Dépôt, petit dépôt, si seulement je me débarrassais de toi…
    De son essence intime, il concentre les meilleures notes , les plus fruitées, attendries par les années: les amours fulgurantes de sa jeunesse, ses liaisons fougueuses, ses amours .
    Il connaît le bois de sa charpente. Une sorte d’optimisme à tout crin, invincible et sûr, ouvrant tous les possibles, et ça c’est son corps. Un vin de projet, un vin d’enthousiasme, un vin de garde.
    Reposons tout cela, je dois me coucher, nourrir mon bouchon, le préserver de l’agitation. Transmettre le futur de mon passé, donner l’envie, ouvrir les limites .
    Oui, je vieillis, en apparence,
    Dépôt, petit dépôt, tu me chagrines…
    Je suis un vin de plaisir, un vin de joie, un vin d’aujourd’hui et de maintenant.
    Ni austère, ni agressif car mes tanins n’abîment pas mes arômes, je suis un vin capiteux et je suis plus libre parce que j’ai vécu, me suis affranchi des fioritures. Ainsi suis-je encore gouleyant et fruité comme la jeunesse!
    Que cette couche me garde plein, souple et nerveux pour aller jusqu’au bout de mon chemin et laisser à mes enfants le goût du bon vin, simple et chaleureux !

  12. Françoise - Gare du Nord dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir, tel un bon vin. D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis s’apercevant qu’il n’y avait que rats et toiles d’araignées, il décida de partir. Il ne s’imaginait tout de même pas partager le reste de son existence avec des rongeurs et des arachnides. Ce serait le bouquet !

    Il trouva refuge dans la cave d’un restaurant renommé. Il y en avait pour tous les goûts ! Des Romanée-Conti, des Gevrey-Chambertin, des Château Margaux, des Château Lafite Rothschild, des Juliénas…

    Comme il était à la fois charnu et charpenté, moelleux et brut, puissant et pétillant, il s’estima leur égal. La vie commune débuta. Pendant que la poussière commença à le recouvrir

    Hélas ! Les grands crus le prirent de haut : les Bordeaux, mal embouchés, lui parlaient d’un ton bourru; les Champagne, si pétillants, lui tenait des propos éventés ; les Bourgogne, soi-disant capiteux, s’exprimaient à son égard d’une voix désagréablement suave; quant aux Beaujolais, pourtant nouveaux, ils étaient complètement piqués.

    Heureusement, le caviste et le sommelier descendaient quotidiennement, pour s’entretenir des vins sélectionnés pour les repas du jour.

    La première fois, le sommelier demanda à son collègue, en le montrant du doigt.  » Et celui-là ? »
    « Non, trop jeune encore. Laissons-le vieillir » répondit-il

    Et chaque fois que cette question était posée, la réponse ne variait pas. Durant ce temps, la poussière continuait à s’accumuler.

    Mais un jour, plus personne ne vint. Tous les vins avaient disparu. Les araignées tissèrent leurs toiles, les rats prirent leurs aises et les unes et les autres devinrent ses seuls compagnons.

    Et la poussière continuait de s’accumuler pendant des années puis des décennies

    Lui qui s’était cru grand cru finit par s’aigrir et tourna au vinaigre. Il ignorait que, depuis la fin des années 60, le restaurant avait été racheté par les Alcooliques Anonymes.

  13. Christine Macé dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille,
    il décida de vieillir, tel un bon vin.
    D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis…
    celles de son ex-femme (enfin le peu qu’elle avait laissé en partant !), les jouets des gamins, devenus grands, la caisse du chat écrasé par un chauffard éméché, son vieil ordinateur et une paire de charentaises usées.
    Il conserva les pantoufles et l’ordi, et fourgua le reste dans une vieille malle. Les savoir là, enfermés et inoffensifs, lui semblait la meilleure façon de passer à autre chose.
    Du tas de vieilleries, il extirpa l’horrible table en formica jaune, offerte par la belle-mère pour leur mariage, et un vieux fauteuil défoncé auquel il manquait un accoudoir. Sur la pile de « Tout L’Univers », reliés en similicuir rouge, traînait un petit transistor à piles : avec un peu de chance, il pourrait capter France Inter !
    Il se promit, demain, d’aller s’acheter un bout de nappe plastifiée à carreaux rouges, comme celles qui recouvraient les tables du bistrot de ses grands-parents, et une chute de moquette verte pour faire plus gai. Ce soir, il sortirait la belle vaisselle et les couverts Guy Degrenne.
    Toute sa vie, il en avait rêvé de ce petit coin pour lui tout seul. Ne plus s’entendre rabâcher à longueur de journées de « mettre les patins pour par salir… rapporter le pain en rentrant, le courrier aussi… ne pas oublier ses médicaments avant de manger… se coucher pas trop tard ! » Une vie à courber le dos, baisser la radio parce que ça dérangeait, éviter les voisins, – des gens qu’on connaissait « ni d’Eve ni d’Adam » -, payer le loyer « en temps et en heure », question de réputation !
    Une vie à cultiver la transparence.
    Mais ce temps-là était révolu. Il avait rendu l’appartement comme on donne sa dem’ après des années de service, sans se retourner. Juste gardé la cave : le proprio n’avait même pas cherché à savoir pourquoi. Enfin chez lui, dans son domaine ! Ça valait bien qu’on en ouvre une bonne, une de celles qu’on gardait « pour plus tard ». Comment qu’ils disaient déjà aux émissions de l’après-midi : « vivre au présent ». Sûr qu’il était grand temps de s’y mettre : santé !

  14. Catherine M.S dit :

    Suis-je la plus belle ?

    Comme elle commençait à prendre de la bouteille
    Elle décida de vieillir, tel un bon vin
    Ça lui a pris comme ça un beau matin.

    D’abord elle a déménagé ses affaires à la cave
    Jupons, fanfreluches, dentelles
    Rubans, petits corsages et ombrelles
    Elle a tout rangé avec minutie
    Sans une once de nostalgie
    Puis elle est retournée là-haut
    A ouvert les albums photos
    Et découpé délicatement celles de sa jeunesse
    Sans une ombre de tristesse
    Puis elle a sorti son carnet d’adresses
    Et rayé consciencieusement tous les noms du passé
    Un à un, sans sourciller
    Et pour finir elle s’est tournée vers le miroir
    A salué son reflet
    – Hello, c’est moi, tu m’as reconnue ?
    – Ben non, qui es-tu ?

    La réponse fut si cruelle qu’elle en fut abasourdie
    C’est la veille de Noël
    Qu’elle a commencé à sombrer dans la folie…

  15. LELEU Yvette dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, le vieux chêne liège se souvenait. Il repensait au petit Bertot qui du haut de ses cinq ans, lui disait de sa petite voix grésillante._ »Un jour,je serais comme mon père-j’aurai la vigne pour moi et toi mon beau chêne…tu seras  » à point » comme le dit pépé et tu me feras de très belles planches pour isolées ma maison.

    Elle sera grande tu sais, aussi grande que toi avec tes branches, avec tes branches…avec tes…là l’enfant se mettait à pleurer à chaude larme. Son père l’Antoine, arrivait tous soufflant croyant que le petit Jean s’était blessé auprès de l’arbre qu’il aimait tant. Et là, il le trouvait tout reniflant, les yeux gonflés, la gorge nouée sur des sanglots bruyants.

    _Ah tempêtait’il que se passe t’il encore Jean? _ Père, père, je veux pas que mon arbre meurt, il est jeune encore, laisses-le à sa vie,il ne craque pas, il ne souffle pas…il est bien droit alors-tu le laisses dis papa!

    Et ce « papa » pour l’Antoine valait tous les arbres de sa chaînerais, riant des diableries de son petit, il lui ébouriffa les cheveux et avec une force tranquille dû au labeur,il soulevait de ses bras forts, vigoureux son petit pour le placer sur ses épaules et là…il lui racontait la vie du vieux chêne liège qui avait bravé toutes les dures intempéries de la vie.

    Que le père de son père l’avait vue grandir et qu’à son tour lui son père, avait demander à son propre père de laisser vivre encore le chêne liège tant il se tenait bien droit et toujours riant, l’Antoine lui dit: » Je ne le couperai pas mon fils, cet arbre là, il est à toi, tu en feras ce que tu voudras.

    Mais sache-le, il arrive, il ne faudra pas le laisser se perdre ce serai lui faire de la peine. Confiant et souriant, l’enfant juché sur les épaules encore droite de son père se détournait un instant et de sa petite main potelé d’enfant, faisait des aux-revoir au vieux chêne qui lui semblait’il lui rendait la politesse de sa grosse branche basse.
    Ah! pensa t’il, avec elle tu me feras de biens beaux bouchons.Papa a dans sa grande cave un vieux cru qu’il fera bon bouchonné avec un liège de qualité.

    Ses joues rosies par l’air frais et vif l’enfant et le père poursuivirent leur route la tête pleine de pensées vagabondes.

    L’arbre lui resta tranquille dans la belle chaînerais des Bertot de la Chesnais. Le père vieillit, l’enfant grandit, devint homme et reprit après de belles études l’ensemble du vignoble sous l’oeil attendrit de l’homme qui fut le commandant de bord de cette vaste entreprise.
    L’enfant-homme sourit de ce souvenir et c’est d’un bon pas accompagné par deux hommes qu’il se rendit à la chaînerais. Devant son arbre,

    il se sentit tous petit,il s’approcha de celui-ci et devant les yeux stupéfait des deux hommes, il entoura de ses bras forts l’arbre son ami et lentement, il murmura: » je suis revenu pour toi…j’ai besoin de toi…souviens-toi mon ami, ma maison, mes planches et avec ta belle branche, des bijoux pour le vin qui a fini de vieillir si bien cacher au fond de la grande cave.

    Les deux hommes se regardèrent et firent le signe pour dire  » les fada ce gars là!!! » Mais Jean n’était pas fada oh non alors! Comme pour répondre à Jean-l’arbre de presque trois cent ans, grinça de belle façon et les deux hommes claquèrent des mains, sifflèrent leur joie.

    Jean remercia son arbre et d’une voix mourante ou la tristesse était présente dit aux deux hommes: » Messieurs, avec panache coupez-le et bien-il est ce qui se fait de mieux. » L’un répondit:_ Oui M’sieur on va en prendre grand soin, c’est un très bon bonhomme que cet arbre là.

    L’arbre fut couper, son tronc fut trancher en belles planches parfumées, celles-ci furent séchées…et misent en attente.

    Quant à la belle branche, d’elle naquit une flopées de bouchons tous plus trognons les uns que les autres.

    Au détour de ses vignes, Jean fatigué par une longue journée de labeur vit arriver une petite tête blonde, cuivrée que le soleil couchant de mai faisait brillé.
    La petite fille avait bien du mal du haut de ses quatre ans à courir dans cette terre qui venait d’être retournée.

    Elle sentait bon et elle aimait cela. Soudain, elle se mit à rire, son père venait d’apparaître lui tendant les bras.

    Elle sautilla plus qu’elle ne courut et se jeta dans ses bras. Jean se revoyait à l’âge ou presque de sa petite fille, d’un geste facile il attrapa l’enfant et la jucha sur ses larges épaules.
    L’enfant ria et d’un geste habituel, elle prit la chaîne qui pendait au cou de son père et là, les yeux embuées d’avance, elle réclama l’histoire du vieux chêne qui, de sa belle branche offrit à son père de très beaux bouchons faisant la réputation de la grand maison pour ses bons vins certes mais aussi pour la qualité d’exception de ses bouchons.

    Car d’un bon bouchon dépend bien souvent le vin.
    Celui-di doit continuer à vieillir, un bois vert en fera sûrir plus d’un mais, un bon bois bien mûr, souple et fin, lui donnera ses lettres de noblesse.

    Elle ne comprenait pas tout ce que disait son père mais, son esprit voyait déjà loin et tenant toujours le petit bouchon qui pendait au cou de son père…elle lui demanda de nouveau_ Papa, le bouchon, il sera à moi quand tu ne pourras plus faire le raisin?
    Jean se mit à rire confiant en sa santé et toujours riant, il répondit à son enfant: » Chloé mon trésor, sais-tu que ton lit est fait des belles planches du chêne d’ou provient mon petit bouchon?
    _ Oui papa, tu l’as déjà dis.
    _ Alors…tu as déjà le bouchon ma chérie.
    _ Non, je veux le tout petit bouchon celui que tu portes autour de ton cou, c’est lui le vrai trésor car, il est le coeur du vieux chêne, lui c’est un vrai trésor.
    Toujours riant Jean emmena son propre trésor visiter la chaînerais car, un jour, elle en sera à son tour la gardienne.
    Le petit bouchon resta dans la famille, génération après génération…il prenait de la bouteille mais restait ferme.
    On songea à le vendre car, il représentait une marque de fabrique inestimable mais…un petit garçon de cinq ans,le dernier d’une grande maison cria haut et fort que son bouchon ne partirait jamais de la maison.
    On a beau vieillir, on a beau vouloir changer, le temps reste ce qui nous départage du reste et heureusement…de petites voix s’élèvent pour nous éviter de chutait.

  16. Corinne dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir, tel un bon vin. D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis se connecta à Internet pour se documenter : comment élever un « bon vin », qui vieillirait bien, donc révèlerait ses qualités en prenant de l’âge ?
    Il lui fallait d’abord choisir sa région : né dans la région lyonnaise, ce fut facile, le Pinot noir le flatta au prétexte de son ancienneté, ensuite, la fabrication lui parut sans secrets : parvenu à maturité, il sentit des mains douces et décidées le séparer de son cep natal, l’envoyer dans une grande bousculade jusqu’au repos –apprécié- au fond d’une ancienne cuve .
    Le temps de respirer, et il se retrouva foulé aux pieds d’une joyeuse bande qui s’encourageait d’une musique de sauvages, tant et si bien qu’il ne resta plus de lui qu’un jus sombre et odorant, il se sentit alors sur la bonne voie, il ne lui restait plus qu’à vieillir.
    Mais avant de vieillir, il fallait mûrir, et vint le temps d’opérations complexes, d’ajouts de levures, de chauffage, de refroidissements, il était rassuré à la pensée que toutes ces triturations étaient ordonnées par un méga calculateur aux algorithmes infaillibles, ce qui lui garantissait une vie aussi longue que glorieuse.
    Et il s’endormit en paix, n’ayant plus aucun pouvoir sur une suite qu’il voyait étincelante.
    Il dormit, tant et plus, combien d’années ? Nul ne le sait
    Et se réveilla d’un sursaut, au centre d’une joyeuse tablée réunie pour fêter les 200 ans d’un grand père encore vert.
    « Mes enfants, j’ai retrouvé cette bouteille au fond de la cave, il n’y a pas d’étiquette, mais elle est très ancienne, sans doute du XX° siècle où l’on utilisait encore ce moyen de conservation. Partageons avec joie et respect ce joyau hérité de nos aïeux ! »
    Ouverte avec précaution, la bouteille délivra son précieux nectar à tous les convives.
    Ce ne fut pas le résultat escompté : chacun son tour, ils goutèrent et recrachèrent, totalement déconcertés par cette saveur inconnue et trop subtile.
    Le vin avait-il mal vieilli ? Nul ne le sait, mais il finit en un sanglot au fond de l’évier aseptisé, seuls les rats qui rodaient dans les égouts se précipitèrent et profitèrent des savants effluves d’une liqueur à nulle autre pareille.

  17. Joailes dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir, tel un bon vin. D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis… 

    les remonta aussitôt.
    Comment et pouquoi vieillir, lorsqu’on a à peine 20 ans ?
    Vains Dieux, ce n’est pas aisé.
    Ce peut être divin,
    mais vain, au fond.
    Finalement, après une réflexion plus approfondie, il décida d’en finir avec sa vie sédentaire.
    Il se fit embaucher dans la cave du Père Poivrot, qui lui, avait pris de la bouteille sans espoir de retour ; et chaque jour, il chargeait et déchargeait les fûts, montait les caisses de vin dans le magasin, pour les redescendre chaque soir dans la cave.
    En une semaine déjà, il retrouva sa joie de vivre, il perdit dix kilos et arbora de beaux biceps …
    Il aimait ces arômes de vin qui le grisaient légèrement et il parvint enfin à faire la cour à cette jolie demoiselle qu’il n’avait jamais osé aborder.
    Elle était douce et souriante, ils se marièrent au printemps …
    Ils eurent deux enfants, et il devint propriétaire de la cave de M.Poivrot, qu’il fit prospérer et qui leur permit d’acheter une jolie maison avec un grand jardin et une cave.
    Les années passèrent, sans souci … avec bonheur.

    Puis les malheurs se succédèrent rapidement : sa femme fut emportée par une vilaine maladie ; ses enfants, partis vivre leur vie, ne lui donnèrent plus de nouvelles …

    Un jour, il s’éveilla très fatigué. Il venait d’avoir 80 ans.
    Il avait pris de la bouteille, ce n’est pas lui qui avait décidé de vieillir, mais le cours normal des choses.
    Alors, résigné, il déménagea ses affaires dans la cave et vida cette nuit-là toutes ses bonnes bouteilles …

    Il mourut au petit jour, ayant revécu toutes les étapes de sa vie comme dans un film, et se souvenant surtout du jour de ses vingt ans où il s’était secoué de sa léthargie …
    Il avait gagné 60 ans d’une vie qu’il n’aurait pas vécue si il avait réellement déménagé à ce moment là, juste parce qu’il avait pris un peu de bouteille !
    Dans la cave, une ribambelle de rats affamés sortirent de toutes parts et il disparut à jamais.
    Nul ne le chercha jamais.
    Ses enfants héritèrent de la maison. Ils avaient pris de la bouteille et décidèrent de vieillir ensemble, tel de bons vins.
    Ils déménagèrent leurs affaires dans la cave …

  18. Nadine de Bernardy dit :

    Lors de la dernière consultation,son médecin lui avait annoncé jovialement:
     » Mon brave monsieur, vous prenez certes de la bouteille mais vous semblez vous bonifier comme vos excellents crus dont vous m’avez parlé.
    Prenez de l’exercice,profitez de votre cave, et tout continuera à bien aller ».

    Revenu chez lui,il réfléchit à cette injonction médicale.
    C’était bien beau tout ça, mais il se voyait assez mal vider la cave pour profiter de ce nouvel espace.
    C’était encombré d’objets lourds, difficiles à soulever,en plus des vins prestigieux qu’il accumulait avec amour.
    Il y avait un tas de vieilleries inutiles,les « Illustrations » de son grand père de 1910 à 1918,le vélo d’appartement de Lucie sa chère femme, dont elle s’était servi trois fois tout au plus.
    A sa mort,il l’avait descendu ainsi que son sèche cheveux sur pied, la machine à coudre,le rameur qui avait suivit l’achat du vélo.
    Etaient également descendus d’un étage, l’Encyclopédie Universelle en trente quatre volumes,le matériel de Scrap Booking,ses haltères à lui,sa vieille Olivetti,sa panoplie toute neuve du parfait pêcheur à la ligne,les bottes en caoutchouc,le vélo d’enfant de leur fils,son landau de bébé,la batterie de son époque rocker,le salon de jardin en plastique tout fendillé par les intempéries,un vieux chauffe eau destiné à la déchetterie qui rouillait en toute tranquillité.
    De vieux témoins poussiéreux.

    Certes sa cave était grande, mais s’il voulait y caser son lit ,le fauteuil pour regarder la télévision ,la télévision elle même,de quoi se faire à manger, le panier du chien,le tapis de tante Mimi que Lucie détestait,sa collection de boîtes de camembert,son chevalet pour la peinture à l’huile,l’ordinateur et son bureau,l’armoire de l’entrée où il rangeait manteaux,imperméables et chaussures,le carillon Westminster qui ne sonnait que deux fois par jour….

    La tête lui tournait.Il s’assit dans le fauteuil,fatigué et confus devant tant de bouleversements à envisager.
    Tout ce qu’il fallait jeter,tout ce qu’il fallait descendre.L’escalier raide,mal éclairé,la poussière et les toiles d’araignées à ôter!
    Non, c’était trop pour lui.
    Il fermât les yeux,sourit à cette perspective extravagante qui lui avait traversé l’esprit et la remisât dans un petit coin de sa tête.
    Pour plus tard – peut être.

  19. Blackrain dit :

    … il chassa les AOC (Anciens Occupants de la Cave) afin d’y installer sa chambré. Un assemblage de vieux éléments boisés, d’une bibliothèque et d’un couchage qui lui permettrait d’être à l’aise de la cuisse, composaient son environnement. De son passé à l’étage du dessus il n’avait gardé que la grande photo d’un mémorable week-end arôme, une photo dans laquelle il pique un phare devant sa Ferrari et s’en va tiquant avec ses sous-papes.

    Depuis, il aimait à se reposer, le corps allongé dans son casier, la jambe détendue, s’enivrant de livres ésotériques, gouleyant leurs mots afin de les garder long en bouche. Il dégustait les sentences de Nostradamus et autres prophètes sans jamais les recracher. Il aimait à dire « si je lis devin je connaîtrai mieux demain ». Par contre il détestait les prédictions de tous ces écrits politiques, surtout celles de ce faux mage de Hollande qui lui faisait prendre une demi-bouteille pour un Balthazar et un Vieux Pané pour la naissance du Caprice des Dieux. Alors il déchirait cépages avec mépris et rage. Il ne croyait plus à tous ces sarments, à ces promesses de cuvée exceptionnelle qui l’avait fait décanter plus d’une fois, à ces fausses étiquettes politiques qui ne trompaient que ceux qui les avaient crues.

    Le dos voûté comme le berceau de pierres qui le surplombait, il se plaisait à vieillir loin de toute information dont il aurait eu la primeur, traînant sa robe de chambre élimée jusqu’à l’usure du temps, jusqu’à ce que sa rêverie le fasse transformer ce qui ravit en Merlot l’enchanteur.

  20. Eléonore dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir, tel un bon vin. D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis… il trouva qu’il y faisait bien sombre et que l’odeur n’était pas des plus agréable.
    Il avait vécu au grand air, quitté une ville confuse ou tout se bousculait, ou les gens ne se regardaient jamais si ce n’est pour exprimer un pardon lâché entre les dents pour « faire » poli, dans le meilleur des cas
    Alors il est parti. Une petite baraque au milieu des champs, un horizon plat qui inspirait calme et sérénité, peu de voisinage et tout au bout des prairies quelques vignes.
    Il aimait cet endroit propice à la réflexion. Il y vécu une bonne 50 ene d’années paisiblement se nourrissant de fruits, des légumes qu’il cultivait avec joie, quelques noix et noisettes complétaient ses agapes.
    Un matin il se réveilla avec au fond de la bouche un goût bizarre et dans sa tête un drôle de sentiment qu’il n’avait pas éprouvé depuis des années. Il était triste, ses paupières étaient humides.il se leva, alla devant le petit miroir, celui qui lui servait pour se raser, et cet ustensile innocent et fidèle lui renvoya l’image d’un vieil homme, courbé et ridé qu’il ne reconnut pas tout de suite, puis se troublant il prit conscience que ce vieil homme, c’était lui.
    Il retourna s’assoir sur son lit et fixa le vide. Il alla décrocher les calendriers accrochés au mur de sa cabane il en avait beaucoup les uns sur les autres et même posés sur la tablette près du seau d’eau. Il en compta 55, il les recompta pour s’assurer qu’il ne se trompait pas. Non 55. Un rapide calcul : « je suis venu ici à l’âge de 35 ans » il semblerait donc que j’approche les 90 ? Impossible ! hier encore je débitais les grosses branches du chêne abattu par l’orage de juillet pour me faire du bois d’hiver, ! j’allais au jardin récolter les pommes de terre et mettre en silo mes carottes et quelques boules de céleris. Pris de vertige il retourna sur son lit, s’y allongea, il ferma les yeux après les avoir essuyé avec son vieux chiffon à tout faire.
    Puis il se dit que s’il continuait de vieillir, si vite, et bien c’est qu’il devenait : BON. Comme le vin du père Jérôme à l’autre bout du champ, et comme on conservait le vin en cave et bien lui, il allait se bonifier de la même manière. Il enveloppa ses 4 hardes dans un vieux drap et porta tout son trésor à la cave, non sans avoir pris soin de fermer porte et fenêtres de la cahute. A la cave il y avait 2 chaises de bois vermoulus et un matelas de paille recouvert d’une pauvre couverture grise à rayure délavées.
    Il y passa 3 jours sans voir, ni les plantes, sans entendre les oiseaux et presque sans nourriture. Au matin du 4 eme jour il se dressa sur son grabat, rejetant couverture et bousculant les chaises
    Il courut presque pour gravir l’échelle de meunier, il se précipita poussant les volets qui bâillonnaient les petites fenêtres se jeta sur la porte, l’ouvrit en grand ,avec force
    , elle grinça bien un peu mais la lumière se précipita dans la pièce, allumant la vie et le plancher de frêne blond.
    Louis étira ses membres raidis par les 3 jours passés à se morfondre.
    Il éclata d’un grand rire tonitruant et lança à qui voulait l’entendre, mais il n’y avait personne. « Je n’ai que 90 ans, j’ai toute la vie devant moi ! je resterai un vin clairet délicieux pour accompagner les châtaignes qui ne vont pas tarder à tomber.
    Il alla à quelques mètres de sa maison amassa des brindilles y étendit un peu de feuilles sèches, craqua une allumette, il prit tous les calendriers et les posa avec précaution, un par un, dans ce feu pétillant il lui semblait au fur et à mesure qu’il retrouvait de nouvelles forces, les odeurs de la forêt l’enivraient à nouveau le chant des oiseaux caressaient ses oreilles et lui donnaient l’envie de chanter. Des images passaient devant ses yeux grands ouverts, se confondant avec les brumes de l’aube, des chevelures drapaient le ciel rose. Des dentelles se mêlaient aux nuages, des rubans de soie s’accrochaient aux branches du cerisier.
    Il murmura dans un souffle : « Eglantine, ma douce » puis il se coucha sur la terre odorante et humide, puis son âme s’envola.

  21. grumpy dit :

    Non, on ne peut pas dire que de la bouteille il en avait. Celle-ci n’ayant pas encore été inventée, lui il avait plutôt de la barrique, il en avait stocké six, et pas des petites, dans la cave aménagée à fond de cale de son bateau.

    Sachant qu’une terrible menace planait sur eux du haut du ciel, et vu que son destin à lui c’était de devenir très vieux (comme de juste, il est mentionné dans les écritures qu’il vécut jusqu’à 950 ans), il se dit que le seul moyen d’arriver jusque-là c’était d’y rester planqué avec quelques-unes de ses cliques et de ses claques.

    Sa femme s’était dit qu’elle le laisserait se reposer là pendant quelque temps. C’est qu’il était mort de fatigue, complètement crevé, son pauvre Noé. Il avait mis trois mois à raison de 12 heures par jour à dresser des listes, à convoquer deux par deux tous animaux existant sur terre du plus infime au plus énorme.

    Il leur avait bien recommandé de venir en couple : un mâle, une femelle. Tous ceux qui se présentèrent jurèrent sur l’honneur avoir respecté la consigne, mais lui, pointilleux et soucieux d’appliquer strictement la règle – il avait des comptes à rendre au plus haut niveau – tint à faire le tri et vérifier par lui-même.

    Bien lui en prit, car il découvrit quelques tricheurs (deux ou trois couples d’homos et de trans) qui auraient pu lui valoir les foudres du ciel pour non-respect des instructions. Il les excusait parce que lui-même aurait eu bien du mal à faire la différence, beaucoup d’animaux n’ayant qu’un féminin et pas de masculin et vice versa.

    Allez donc dans la savane essayer de distinguer le mâle de la girafe ou bien dans le marigot la femelle du crocodile si vous ne savez même pas comment les appeler ? Il n’y a guère que l’escargot qui ne lui posa pas de problème, mais, compréhensif, il en accepta quand même deux, un tout seul ne se serait pas senti traité comme les autres.

    Sacré Noé pensait sa femme. Dernièrement, il s’était pris une de ces bitures ! Oh, c’était loin d’être la première mais celle-là elle avait été carabinée. Il n’avait pas dessoûlé pendant trois jours et jusque du haut du pont supérieur de l’arche dont la construction était en train de s’achever, malgré les coups de marteau énergiques de leurs trois fils qui clouaient les dernières planches, on l’entendait qui chantait à tue-tête toutes sortes de chansons à boire.

    C’était sa façon à lui de rendre hommage à la vigne, après tout c’est lui qui l’avait découverte, qui avait su apprécier ses grappes et en tirer le profit que l’on sait, il avait bien senti que là il avait fait une trouvaille dont la race humaine lui serait reconnaissante à tout jamais à moins qu’elle ne survive pas à la catastrophe annoncée par Paradis Météo.

    Seulement, lors de cette dernière biture géante, il avait poussé, si l’on peut dire, le bouchon un peu trop loin. Cette fois, avec sa piquette qui titrait 25° il avait pris une cuite monumentale. Difficile de faire mieux. Il s’était mis à chanter, à danser, à délirer tant et si bien qu’il finit par se retrouver tout nu. C’est dans cette mauvaise posture que le découvrirent Sem et Japhet, ulcérés et couverts de honte devant l’attitude dépravée de leur patriarche.

    Mais lui, une fois tiré de la cellule de dégrisement prétendit qu’après tout il n’était pas le premier, qu’on pouvait raconter ce qu’on voulait, mais que déjà bien avant lui « Adam et Eve, mon œil, c’était pas une pomme qu’ils avaient bouffée »

    Noé, pas repenti du tout, se tenait à la proue, sirotant une dernière coupe. C’est alors, qu’il commença à pleuvoir. Finement, puis de grosses gouttes, à seaux, des cordes, des trombes. Si bien que son vin s’en trouva noyé.

    Ouuuuuh, mais ça ressemble à un déluge ça, dit Noé. Voilà que la prophétie se réalise. Il se mit alors à organiser la montée des animaux qu’il avait mission de sauver du désastre punitif.

    D’abord deux par deux, puis le reste en foule, les animaux se rangèrent à l’abri dans les cales, après avoir passé un accord toutes races confondues, de ne point s’agresser ni se mordre ou surtout se bouffer les uns les autres jusqu’à la fin du voyage. Après ……

    Il était grand temps de lever l’ancre avant que le vin ne tourne au vinaigre.

    Après des jours et des jours le déluge cessa. L’arche se retrouva au sec, embrochée sur le mont Ararat. Alors Noé rassembla sa famille et dit : « mission accomplie, on va boire un coup pour fêter ça ! »

  22. iris79 dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir, tel un bon vin. D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis se demanda ce dont il avait réellement besoin dans son quotidien. Il regarda l’intérieur de sa maison comme à l’intérieur de lui-même et réfléchit à cette question qui lui apporta une certaine appréhension devant cette page blanche de son histoire qu’il allait écrire sur ces vieux jours.

    Cette expérience se montra vivifiante et lui apporta un regain d’énergie, ce qui fut le premier résultat de sa nouvelle vie et une très bonne surprise à laquelle il ne s’attendait pas.
    Il allait souvent s’asseoir le soir dans le jardin pour y réfléchir. Il s’y installait face au soleil couchant les sens au repos et néanmoins en éveil. Il en tirait une vive émotion quand il prenait conscience que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas regardé, contemplé ces arbres magnifiques avec leur propre histoire qui avaient grandi avec lui. Il redécouvrit les méandres des allées qui le menaient vers différents coins du jardin avec chacun leur attrait, tout simple. La nature avait parfois sculpté de bien jolis endroits, le bruit du cours d’eau qui courrait derrière la rangée d’arbres l’accompagnait et donnait de bien belles couleurs à ce qu’il regardait.

    Après avoir remeublé de façon épuré mais chaleureuse son intérieur où la lumière inondait et traversait les pièces sans se heurter aux meubles lourds et encombrants d’avant, il ôta les rideaux pour admirer à tout moment par les baies vitrées le plus beau des tableaux.

    Il remit les pieds à la médiathèque où il prit une carte d’abonnement. Le rituel de sa sortie pour aller retirer des livres prit naturellement sa place dans ses nouvelles journées. Un plaisir simple et sain qui le remplissait de joie. Il avait appris à se laisser surprendre, à redécouvrir, à sourire aux inconnus qu’il y croisait, il aimait s’arrêter pour écouter et regarder les groupes d’enfants qui s’enthousiasmaient de retrouver leurs héros préférés. Bientôt il se proposerait d’animer des séances de lecture.

    Ses longues marches le menèrent dans des petites ruelles dont il n’avait regardé auparavant que le nom sur les plaques accrochées aux murs. Ces petites escapades l’enchantaient et lui donnèrent envie de les photographier pour les redessiner à l’ombre du grand tilleul de la place du village, de son village dont il refaisait connaissance après toutes ces années.

    Il s ‘apaisait. Et cela lui fit un bien fou. Il ne lui fallu que quelques semaines pour en prendre conscience et comprendre que plus rien ne serait plus jamais comme avant. Il appela une association caritative à qui il donna tout ce qu il avait stocké à la cave. Il en tira beaucoup de satisfaction et de soulagement.

    La mort de sa femme avait été un choc sans précédent. Après des années de lutte et d’heures sombres. Mais elle lui avait fait promettre avant de partir de ne pas se laisser aller, « d’essayer de vieillir le mieux possible, tel un bon vin » avait-elle dit. Comme ceux qu’ils aimaient partager. Il avait promit. Ne sachant comment faire, il avait commencé par mener ses affaires à la cave où il avait essayé d’enfermer son chagrin. Et ses affaires seulement, pas ses souvenirs. Mais il n’avait pas soupçonné que ce simple geste serait le début d’une nouvelle vie. Il n’aurait jamais cru que vieillir ainsi le mènerait à renaître à la vie. Sans elle à ses côtés, plein d’elle à chaque instant, dans chaque nouvelle découverte, à chaque moment.
    Il en ressentait une vague de reconnaissance pleine d’ amour pour celle qui serait toujours en lui.

  23. Antonio dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille,
    il décida de vieillir, tel un bon vin.
    D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis il s’allongea sur le dos. Son ventre se mit alors à bonifier ses souvenirs.

    Une année passa.
    Il avait remonté ses premières bouteilles, celles où il aimait téter le sein amour de maman. Il n’avait jamais retrouvé cette rondeur et ce tannin soyeux qui roulait en bouche.

    La deuxième année, il reconnut le parfum de sa rentrée des classes en cours préparatoire, la grande école, où il avait goûté, pour la première fois, à la langue fleurie de Molière. Concentré en fruits, il en avait avalé pendant douze ans jusqu’à aguerrir son palais à ses pages de savoir au bout desquelles il devint un bachelier, mention bien.

    Les années suivantes firent ressurgir les troubles d’une adolescence en manque de structure, aux arômes boisés de l’école buissonnière. Le bistrot et le rugby. L’embrouille y était légion jusqu’à se casser quelques côtes, dans des bagarres de comptoir ou de mêlées, à porter trop le ballon en marchant sur le pilier.

    Ah ! Ces troisièmes mi-temps où le vainqueur régnait en maître par sa puissance et ses notes de caramel, en pleine poire, explosives mais jamais agressives.

    Ah ! et la petite Julienas ! Toute mignonne dans sa robe légère, un parfum délicat qui excitait ses papilles que les baisers gouleyants ravissaient quand ils glissaient sur sa langue. Il la maria parfaitement en la cuisinant à sa sauce.

    Toutes ces années d’insouciance avant d’assumer des responsabilités, il les regrettait déjà en digérant les suivantes, amèrement.

    Il se souvint du moulin à vent où il gagnait assez de blé pour nourrir la famille. Trois enfants, deux garçons, Morgon et Chenas, et une fille, Chiroubles. Tous élevés en fût de chêne pour leur assurer une meilleure qualification. Tous firent leurs cartons dès qu’il furent en âge de s’ouvrir à la vie. Ils avaient compris, eux, qu’ils ne vivraient pas vieux. Le plus jeune était parti aux dernières vendanges, deux ans après que Julienas fut descendue par un cave, un soir de Beaujolais nouveau. Une douleur qui lui ulcérait l’estomac.

    Il resta ainsi, seul, dans son trou, une bonne dizaine d’années, comme un vieux Pomerol, couché sur le dos, les mains sur son nabuchodonosor.

    Quand on frappa à la porte.

    — Monsieur Beaujeu ?
    — Qu’est-c’tu m’veux, connaaaaard ?

    Ses premiers mots sentaient le bouchon, du genre sur le périph’ en région parisienne. La première gorgée qui suivit était sans appel…

    Le vieux avait tourné au vinaigre.

  24. laurence noyer dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille,
    il décida de vieillir, tel un bon vin. Avant de déménager ses affaires à la cave, il commença par faire l’inventaire:

    1 main verte
    1 pied de grue
    des jambes en coton
    1 cœur de pierre
    1 doigt dans le nez
    3 dents de lait
    1 nez au milieu de la figure
    2 oreilles d’âne
    des cheveux en quatre
    1 cou de girafe
    2 yeux plus gros que le ventre
    1 bras long
    1 estomac noué.

    Finalement, il décida de faire un vide grenier

  25. durand dit :

    Comme il commençait à prendre de la bouteille, il décida de vieillir, tel un bon vin.

    Enfin, c’est ce qu’il croyait, en bordelais moyen!

    D’abord, il déménagea ses affaires dans la cave, puis invita sa femme, à le suivre.

    – Ca ne va plus, mon chéri….ya ton roudoudou de réflexion qui commence à te coller la casserole crânienne.

    – Ben quoi, tu m’as toujours suivi ?

    – Ptête bien, mon lapin en panne de pruneaux, mais depuis les égyptiens, de l’eau a coulé dans les aqueducs….moi, je veux pas m’enterrer dans ton frigo en pierre de taille.

    – Ah bon ?

    – Ben non, justement, ya rien de bon….toi et tes lubies!

    – Mes lubies ?

    – Mais oui, Monsieur….qui c’est qui, ya quelques années voulait faire grimper tout un chacun dans une cabane, respirer le gaz hilarant de l’inspiration, tâter du rabot de l’écriture. Tous ces pauvres bougres qui ont cru voler un peu de temps à l’oubli et qui se sont écrasé les noisettes sur la réalité du sol, pauvres écureuils planants.

    – Tu ne crois pas que tu exagères, un tant soi peu…

    – Non, L’Homme, lui, exagère, envisage, espère, entrevoit,construit, invente, fait des plans délirants sur la comète avant d’avoir songé à trier ce qui encombre son propre placard…
    Alors que la femme, derrière, secoue les toiles d’araignée, les repasse, les replie, les range pour éviter l’étouffement des hommes et des balais….
    Et que ces messieurs redéballent tout, derrière leur dos.
    Non ce n’est plus possible, ce monde de petits établis….ces maigres sorcelleries du quotidien….ces bricoleurs de terrasses, ces tripoteurs de vis et de boulons.

    – Dis donc…t’as la forme….ça te réussit d’animer ce stage d’épanouissement personnel…si on s’en débouchait une ??

    – Non, non tu ne vas pas m’embobiner avec tes belles étiquettes millésimées….ça ne marche plus….je reste là-haut….et tant qu’à bouffer les pissenlits…dans quelques temps, je veux demeurer les deux pieds dans la bonne paille des sabots de ma vie..au-dessus….entre ciel et asticots….pas déjà dans le moisi du vieillissement.

    – Ben…et moi ?

    – Toi tu te débrouilles, entre la poussière de tes livres….et la crainte de les voir tomber en lambeaux….tu te débrouilles…Encore une fois, toujours femme, si ça t’intéresse, je te bricolerai une douce vinaigrette….pour t’aider à avaler l’amertume!

    – Une pointe de moutarde…c’est envisageable ?

    • laurence noyer dit :

      ce texte est magnifique, d’une grande poétique,
      s’écraser les noisettes ou repasser les toiles d’araignée, je ne sais que choisir

      • durand dit :

        Merci Laurence….L’huile de noisettes est très recommandée pour la finesse de la vinaigrette…Bon we…et que le vent ne nous éventre pas…!

    • danielle78 dit :

      Quel talent. Et féministe en plus. Merci pour votre créativité, et l’imagination en action pour créer des images surprenantes, des associations improbables que j’aimerais pouvoir produire. Cordialement

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