367e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat

On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie. 
Elle m’a à peine jeté un regard,
mais mon vernis a aussitôt craquelé.
 

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33 réponses

  1. Gilles Seraud dit :

    Recyclage
    Ils se sont rencontrés
    Devant la déchetterie
    Ils s’étaient séparés
    D’une partie de leur vie

    Cela n’a pas duré
    Plus d’une minute et demie
    Ils se sont accordés
    Avant de faire le tri

    Refrain
    Le cœur sans emballage
    Et l’âme au composteur
    Deux êtres au recyclage
    Sortis d’un conteneur

    Leurs deux bouches usagées
    Ne se sont rien promis
    Juste un premier baiser
    Et le plein d’énergie

    Refrain
    Fini l’entreposage
    De ces vieilles rancœurs
    C’est le grand déstockage
    La vidange du cœur

    Ils se sont rencontrés
    Devant la déchetterie
    Ils se sont séparés
    En se redonnant vie

    Ah quelle scène de ménage
    Quel moment de torpeur
    Voilà qu’entre deux âges
    L’amour est brocanteur

    Chanson écrite par Gilles Séraud

    © Gilles Seraud 2018

  2. Michel-Denis ROBERT dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie. Elle m’a jeté un regard en fonte sur les pompes. Le vernis de ma chaussure a craquelé, le fer de sécurité s’est affaissé et mon gros orteil fut étonné d’être soudain maîtrisé par une force pesante qui l’emprisonna.

    – Je voulais vous voir, me dit-elle. Votre regard n’est pas bon. Vous avez posé quelque chose qui ne convient pas. Il y a eu des débordements. J’ai eu la visite du maire.

    Je crus un instant qu’elle se trompait de personne. Ses yeux, d’un jaune d’or que je n’avais jamais vu auparavant me transpercèrent tel un chalumeau. Je restai trois secondes à les fixer de manière impolie. Je ne pouvais détacher mes yeux de la couleur d’or hypnotique. J’étais baba que cette couleur d’yeux existe. Ouh, ouh ! Vous êtes là ? sembla-t-elle vouloir dire. Elle ne le fit pas. Elle avait allumé le feu. Mais je vis dans ses yeux, que pour elle, seul le regard comptait.

    – J’ai eu la visite du maire et deux ouvriers vont reprendre vos travaux, insista-t-elle.

    – Vous êtes sûre que c’est moi qui ait changé ce regard ? ma décidai-je enfin à répondre.

    – Il n’y a pas d’ambiguïté possible, ou alors vous seriez son sosie, dit-elle avec assurance.

    Je déplaçai son regard de mon pied puis le pesai sous toutes les coutures et le posai dans ma voiture.

    – Vous boitez ! dit-elle avec étonnement.

    – Ce sont mes chaussures, répondis-je, elles sont neuves, il faut le temps de les faire.

    – Ce n’est pas mon regard qui…

    – Non, non ! Rassurez-vous. Qu’est-ce que vous avez mis à la place ?

    – La météo annonce du beau temps, mais il faudrait que vous veniez faire les travaux avant la fin de la semaine. Je ne crains pas la pluie pour le moment. Vous connaissez mon adresse.

    Elle me remit une carte de visite. Elle était antiquaire, je ne l’avais jamais rencontrée, et j’avais récupéré son regard. Inconsciemment, je m’étais engagé envers elle, dans une tâche où je n’avais aucune compétence. Au fond de moi je rigolais, l’improvisation me conduirait bien quelque part. J’expliquai le souci à un ami. Le problème fut résolu en deux jours. Et je projetai de bénéficier de la couleur de ses yeux d’or pour un regard.

  3. J’ l’ai rencontré samedi.
    L’était dans la déch’, Terry !
    N’en m’nais pas large. D’puis un moment, déjà !
    J’la connaissais … de vue, comme ça !
    Elle était belle… J’ craquais.
    J’ la croisais souvent dans l’ quartier l’ soir.
    Quel jour on était ?… J’ai dis samedi ?…
    Ouais ! Peut-être !..
    En fait j’sais plus. J’étais pas très clair.
    Affalée sur l’trottoir.
    Faisait l’grand écart.
    L’avait un truc près d’elle : une bouteille.
    Ou non ! Plutôt …un morceau de bouteille…
    Cassée…
    J’ai mis un moment à comprendre
    Que si elle se fendait la gueule, avec son grand sourire,
    tout rouge, dans ses lèvres toutes rouges,
    c’était pas du vin.
    Et Qu’ sa robe chiffonée, r’montée jusqu’à son torse,
    badigeonnée d’ rouge, c’était pas du vin.
    Et qu’ ses yeux verts qui r’gardaient l’ciel,
    c’était pas d’extase.
    M’a fallu du temps pour réaliser.
    Faisait nuit.
    Ça aidait pas.
    Y’ avait seul’ment l’ réverbère, mais y clignotait.
    Puis l’est dev’nu fixe.
    Alors j’ai mieux vu.
    Et j’ai compris.
    Mais j’étais pas là avant, moi, M’sieur l’agent !
    J’ai seulement vu après.
    Et j’ai dégobillé.

  4. Isabelle Pierret dit :

    La déchetterie
    Le matelas ayant épuisé le cadre du vélo abandonné sur un tas de gravats, s’en prit à la pelleteuse prête à le charrier dans la benne , direction la déchetterie :
    – avec douceur stp, ne me largues pas brutalement .
    Je croisai son regard , celui du photographe. En quête de magmas et de grincements, il cherchait le chaos . C’était un samedi. Son œil averti incisait ma pupille et je devinais sa quête . Je faisais comme si de rien n’était mais j’étais fascinée par la mémoire de forme dégoulinant de la pelletteuse, cherchant à rester digne en se raccrochant péniblement aux mors de l’engin, tandis que le vélo tentait une ultime figure libre, celle de la scène finale, le grand écart de l’amour quand tout est consommé, bu et fracassé . La scène était troublante, le matelas refusait de s’abandonner, le cadre de vélo s’exprima alors dans une jouissance sauvage et métallique .
    Le photographe les avait coincés dans cette tension sur pixels, et longtemps en moi le craquement de mon vernis résonna de ce hurlement : tout était consommé, la messe était dite.

  5. Erato dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie. 
    Elle m’a à peine jeté un regard,
    mais mon vernis a aussitôt craquelé. 

    Un matin, elle m’a dit, horrifiée :
    – Tu t’es vu ?

    J’en avais le souffle coupé. Comment osait-elle, après tout ce que j’avais fait pour elle ! 

    Elle m’a dit :
    – Tu t’es vu, avec tes mains caleuses, ton dos voûté, tes rides et ta barbe naissante…
    – Et toi ? Tu t’entends quand tu me parles ?

    Vraiment, elle ne s’entendait pas. Mais moi, j’entendais le craquement de mes os ! Je m’étais cassé le dos, pour ne pas dire autre chose. Pour qu’elle ait une villa avec vue sur la grande bleue, une piscine, une décapotable, des vêtements griffés, des diamants …

    Elle m’a dit :
    – T’as l’air d’un vieux ! Tu n’as plus rien du bel homme qui …

    Je n’ai pas supporté. Je suis parti. A la déchetterie.
    Un travail de fouine, royalement récompensé.
    Quand je l’ai trouvé dans un vieux carton, je n’en croyais pas mes yeux! La chance était avec moi. Mais, juste pour le plaisir, j’ai encore trifouillé.
    Un peu plus tard, quand je l’ai retirée d’un amalgame d’étains cabossés, de cadres et de vases ébréchés, j’étais fier de moi. Elle était intacte. Elle m’a à peine regardé, mais c’était un mal pour un bien…car mon vernis se craquelait irrémédiablement.

    J’ai quitté la déchetterie. J’ai fait un détour par le bistrot du coin et puis, je suis rentré. A la maison. Je suis revenu près d’elle avec mon butin. Elle m’a regardé, la bouche ouverte.

    J’ai posé le vinyle sur la platine et j’ai déposé la psyché devant elle j’ai dit :
    – Tu t’es vue ?

    Charles aznavourait « Tu t’laisses aller… »

  6. Enyo dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie. 
    Elle m’a à peine jeté un regard, mais mon vernis a aussitôt craquelé.

    C’était un samedi, à la déchetterie. Il faisait un temps de chien. Je m’en souviens encore. Une rafale de vent m’avait plaqué contre elle. Elle m’a à peine jeté un regard.
    Moi, ça m’a plu, d’être plaqué contre un châssis pareil !
    Mon vernis s’est craquelé et j’en ai perdu mon vocabulaire.
    La pluie y a mis son grain, elle a dilué mes pensées.
    Je n’étais plus qu’une page de journal redevenue blanche.

    Sans en avoir l’air, elle se tourna légèrement vers moi et battit mécaniquement des cils. Un soupçon d’espoir me fit frémir et je me lançai :
    – Bonjour…
    Un claquement me répondit.
    – Je ne voudrais pas vous importuner, continuai-je.
    – C’est déjà fait, vous me serrez de trop près…
    – Je sais, mais c’est ce vent sauvage.
    – C’est regrettable, me répondit-elle sèchement.
    – J’en suis confus. Mademoiselle …. ?
    – Ja. Mademoiselle Ja. J-A.
    – J’en suis confus, mademoiselle Ja. Curieux comme prénom…
    – Ah ?

    Je souris intérieurement. Pour un début, ce n’était pas trop mal. Je me retins de lui servir une de ces blagues au second degré. J’eus cependant l’impression qu’elle lisait dans mes pensées, car elle me dit :
    – Allez-y, balancez !
    – Mademoiselle Ja, encore heureux que le nom de votre paternel ne fût pas Lousie…
    – Et donc, j’ai pris un pseudonyme. Je vous laisse le choix.

    Je sentais que mon approche prenait l’eau. Il fallait que je réagisse en urgence. Le vent se calma un instant et je défroissai ma mine.
    – Alors ? me dit-elle, d’une voix aussi cassante que du bois sec.

    Alors ? Je lui sortis le grand jeu ! Chaussures vernies et parapluie, je chantais « Singing in the rain », je faisais des claquettes et l’implorais d’être ma Ginger Rogers pour la vie.
    Elle resta de bois.
    Je grattai une guitare imaginaire en fredonnant « Un p’tit coin de parapluie… »
    Elle resta de bois.
    Je lui fis le coup du petit Caliméro en clamant « C’est trop injuste ! »
    Elle ébaucha un sourire.

    Cette fois, j’en étais convaincu, elle allait se livrer. Notre association ferait la une !
    Le silence qui suivit fut le plus beau silence que j’entendis de toute ma vie.
    Elle commença à parler doucement. Ses mots s’imprimaient en moi. Je ne ratais aucune syllabe, aucun mot, aucune allusion. J’étais stupéfait, ses connaissances étaient sans limites. Elle abordait tous les sujets. Elle déballait sans tabou aucun. Elle cognait. Gauche, droite, direct, uppercut etc…J’étais sonné.

    Elle s’arrêta pour reprendre son souffle.
    Je lui demandai :
    – Mais d’où tenez-vous tout cela ?
    – Oh, j’ai habité en hauteur. Je voyais tout, j’entendais tout. Rien ne m’échappait.
    – Oui, mais… quand même…
    – Ce n’était pas difficile, la jalousie permet la discrétion.

    Là, dit comme ça, je ne comprenais pas vraiment son raisonnement.
    – Vous permettez, lui dis-je, je croyais que la jalousie déformait la réalité….
    – Oui… et en même temps, non.
    – Expliquez, je ne vous suis plus…
    – Ne me faites pas sortir de mes gongs, cela m’est déjà arrivé et j’en garde un vilain souvenir. D’ailleurs, si je suis ici…

    Ses paroles me tombaient dessus, j’étais K.O. Elle sembla s’en foutre complètement et continua.
    – Puisqu’il faut tout vous dire. Avez-vous bien regardé notre monde ? Les inégalités sociales, les fraudes, les menaces de guerre, la Terre qui n’en peut plus…et… et la censure, hein, vous en pensez quoi de la censure ?

    Je lui demandai d’éviter les raccourcis, de reprendre calmement, depuis le commencement. Elle me sourit et ses yeux clairs me désarmèrent.
    – Écoute-moi bien, espèce de palmipède ! Voilà mon histoire, accroche-toi.

    Je compris enfin qui était elle était ! Un châssis, tu parles ! Une persienne avec des jalousies. Juchée au second étage, à moins que ce ne fut au troisième.
    Des tirs à la kalachnikov, des tués, des blessés, tout ça un 7 janvier…. Tout ça, pour la liberté d’expression !
    Traumatisés, les gars ne s’étaient pas tus pour autant, mais ils avaient sorti le châssis de ses gonds et l’avaient déposé à la déchetterie.
    Des vitres et des volets blindés l’ont remplacé…

    Et moi, j’avais compris ce qu’il me restait à faire : ne jamais me taire.

  7. Fred dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie. 
    Elle m’a à peine jeté un regard, mais mon vernis a aussitôt craquelé.

    A ceux et à celles qui ont encore gardé leur âme d’enfant.

    Au détour du chemin, cette fois encore, je fus émerveillé. Le décor était celui d’un conte de fée. Dans la nuit, une chaumière perdue dans la neige. Une légère fumée dansait vers les étoiles et les fenêtres brillaient d’une lumière dorée.
    Je soufflai dans mes mains, remontai mon sac à dos, enfonçai mon bonnet et me remis en marche. Mon cœur battait la chamade en imaginant l’accueil qu’on me ferait.
    J’arrivai enfin près de la porte. J’allais frapper lorsque j’entendis des voix enfantines implorer : « Ma Eline, encore, encore ! Raconte, encore une fois…. ».
    Je savais que la curiosité est un vilain défaut, mais je n’avais qu’en faire. Après tout, Noël approchait…Sans scrupule, je m’approchai de la fenêtre. Je relevai légèrement mon bonnet et tendis l’oreille….

    – Ma Eline , raconte encore comment cela s’est passé…
    Et d’une voix douce, Ma Eline raconta….
    « L’histoire a commencé un lundi, lorsque la lettre est arrivée à la maison. Je crois que je n’oublierai jamais la joie qui pétillait dans ses yeux et l’excitation qui s’était emparée de lui. Il tournait autour de la table en agitant la lettre.
    – Une commande, une commande !
    Cela faisait plusieurs années que je ne l’avais pas vu aussi heureux.
    Nous avions quitté notre pays du nord pour séjourner dans une ville italienne, réputée pour la pureté de son marbre. Il se rêvait créateur, mais pour survivre, il donnait des cours à l’Académie. Parfois, la nostalgie noyait son regard et je partageais sa tristesse.
    Chaque jour, chaque semaine, je lui promettais d’être toujours à ses côtés et je le confortais dans l’idée que son heure de gloire arriverait. Elle arriva donc avec cette lettre.
    Notre vie paisible se transforma en un tourbillon sans pareil.
    – Serais-je à la hauteur ? me demandait-il un matin, avec angoisse. Allons-nous retourner au pays définitivement? Vendons-nous notre maison italienne ? Que faire de nos meubles, de nos souvenirs entassés ? Quand partons-nous ? Que vont-ils penser à l’Académie ? Mon départ ne provoquera-t-il pas jalousies et sarcasmes ?
    J’étais épuisée lorsque nous arrivâmes au pays, mais lui, il était dans une forme éblouissante ! Il ne perdit pas une seconde. Il dessinait, esquissait, modelait, rageait, recommençait…et devint irascible.
    Pour lui changer les idées, je lui proposai de vider quelques caisses et de réfléchir à la destinée de tous ces objets entassés à la hâte.

    Je fus surprise de la vitesse à laquelle il se sépara de nos souvenirs. Le lendemain, il se rendit à la décharge. Mais je n’en crus pas mes yeux lorsque je le vis revenir avec …avec ce… cette….
    – Cette quoi ? Cette quoi… demandaient les enfants agitant leurs petites mains.
    – Attendez, écoutez, voilà ce qu’il me dit. Ce sont ses paroles !

    …….«  Tu sais, j’avais le cœur lourd de me séparer de nos souvenirs, mais il le fallait. C’était à ce prix ! Pour devenir un homme nouveau, un créateur, je devais me défaire d’une partie de mon passé. Je devais faire de la place…
    Lorsque j’arrivai à la décharge, un homme assez corpulent me précédait. Il portait sur son épaule un corps inerte. Je fus surpris puis ému par sa fragilité, par sa nudité.
    Ses longues jambes étaient tordues, un pied pendait lamentablement alors que l’autre était écrasé. Le rythme de la lourde démarche du bonhomme laissait voir une tresse de cheveux à moitié défaite.

    Je pressai le pas. Je voulais voir son visage. Non pas celui de l’homme, mais celui de la femme. Il était d’une beauté sublime, mais elle ne m’a pas jeté un seul regard. Mon vernis d’artiste se craquela, laissant la place à l’homme. À celui qui doit secours et assistance. Je voulais la sauver. Je plongeai ma main dans ma poche, à la recherche de mon couteau. Je lui ferai la peau, à ce meurtrier qui avait l’outrecuidance de promener ainsi l’objet de son crime…

    Tout à coup, reprenant mes esprits, je fus pris d’un fou rire. La belle était un mannequin de cire…
    L’homme me jeta un regard noir :
    – Tu la veux ? Je te la donne, me dit-il d’une voix caverneuse. »…..

    Et c’est ainsi qu’il revint à la maison. Le sourire aux lèvres et le mannequin dans les bras.
    – J’ai trouvé pour la commande, me dit-il en la déposant sur un fauteuil. Il me prit dans ses bras, me fit valser. Aussi vivement qu’il m’avait prise soulevée, il me déposa au sol en me disant : « Le travail n’attend pas… ».

    Dès le lendemain, il lui fit prendre la pose.
    En Cariatide, mais elle était trop fragile,
    En Diane, mais elle manqua de souffle,
    En Aphrodite, mais elle n’avait plus d’amoureux,
    En danseuse, sa cheville se fractura.
    Il était désespéré. Elle se laissa choir dans un coin de l’atelier.

    Il la retrouva le lendemain matin. La tête penchée, sa tresse glissant le long de son cou, les jambes repliées, un fichu jeté sur ses pieds.
    Il sentit son cœur se serrer. Il lui fallait immortaliser cet instant.
    Il prit son carnet et dessina. Il aimait. Il lui montra son esquisse, elle approuva de ses yeux tristes. Il travailla sans relâche. Sa statuette était une véritable merveille.

    Trois années après la réception de la lettre, une autre réception eut lieu. Monsieur Eriksen écrasa une larme lorsque son œuvre fut déposée sur un rocher à l’entrée du port. »

    On a beau dire, moi qui suis si vieux, la petite Sirène me fait toujours pleurer…murmura le Père Noël qui s’apprêtait enfin à frapper à la porte…

  8. Jean-Pierre dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie. 
    Elle m’a à peine jeté un regard,
    mais mon vernis a aussitôt craquelé. 
    Je n’étais qu’un malheureux carreau de faïence au vernis trop sensible, mais à la base solide.
    En effet, j’avais résisté au choc sur le sol à côté de la benne quand je suis tombé du camion.

    Qu’allait-elle faire de moi ?
    S’était-elle seulement aperçue du trouble qui avait fissuré mon épiderme ?
    Allait-elle me donner un coup de pied pour m’envoyer dans la benne ?
    Ou au contraire me ramasser et demander les mêmes à son plombier préféré pour recouvrir les murs de sa salle de bains ?
    J’avais le sentiment que mon faïençage était beau, bien régulier, et qu’il me donnait la patine de l’ancien qui avait souffert d’un choc traumatique et l’avait sublimé en œuvre d’art.
    Auquel cas (pardonnez mon langage), le plombier aurait été bien emmerdé pour retrouver les mêmes. Des neufs avec la même teinte. Peut-être. Mais d’aussi délicatement craquelés que moi, sûrement pas.
    Je la vois qui regarde l’homme qui m’avait jeté dans la benne avec beaucoup de mes petits camarades.
    Elle s’adresse à lui.
    – Est-ce que je pourrais trouver des carreaux comme celui-ci ? fait-elle en me désignant.
    – Trop tard, madame, ils sont tous dans la benne.
    – Quel dommage ! Ils sont vraiment craquants.
    – C’est pour ça qu’ils sont dans la benne, madame. Excusez-moi, j’ai du travail.
    Elle lance à l’homme un regard méprisant, puis se baisse pour me ramasser.
    Elle me saisit, et me brise en deux d’un geste rageur avant de jeter les morceaux dans la benne.

  9. Clémence dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie. 
    Elle m’a à peine jeté un regard, mais mon vernis a aussitôt craquelé.

    J’étais beau, j’étais riche, j’étais célèbre. Dans les coulisses, il se murmurait que j’avais le monde à mes pieds. Ce qui n’était pas faux. Mais dans ce monde, le meilleur côtoie le pire. Et le pire l’emporta. J’ai brûlé la chandelle par les deux bouts, dévoré par l’envie de tout flamber.

    La déchéance m’attendait au bout du chemin.
    Expulsé des hôtels prestigieux, je trouvai refuge dans des masures abandonnées.
    Aveuglé par les lumières des avenues, j’accueillis avec tendresse la pâleur des bougies.
    Les vêtements griffés quittèrent mes épaules pour des cintres en boutique de démarques.

    Un soir, alors que le sommeil tardait à venir, un mot me fendit le crâne : « Pauvre comme Job » !
    Oui, j’étais bien pauvre comme Job. Mais qui était déjà ce Job ? Qu’avait-il fait ? Et comment s’était-il sorti de sa dèche ? Ces questions tournaient à l’obsession. J’étais désemparé. Je n’avais plus d’ordinateur, plus de smartphone, plus aucun bien personnel.
    Certes, je pouvais me rendre dans une bibliothèque, mais quelles que soient leurs obligations, j’avais quelques doutes quant à l’accueil réservé à un homme aussi déglingué que moi.
    J’avais honte du regard que l’on jetait ou qu’on ne jetait pas sur moi.
    J’avais honte de ce que j’avais fait de ma vie.
    Je l’avais explosée, j’étais devenu un débris, un déchet…

    Sur ces sombres pensées, je plongeai dans un sommeil douloureux.
    A mon réveil, alors qu’un rayon d’un pâle soleil tombait sur ma joue, j’eus une révélation.

    J’étais un déchet et donc ma destination était toute tracée : la déchetterie. C’était là que je devais me rendre. C’était là que je trouverais la réponse à cette foutue question : « Comment Job s’était-il sorti du pétrin ? »

    Je me levai, passai un coup d’eau sur mes joues luisantes comme du cuir tanné par les ans.
    J’avalai un ersatz de café, jetai une cape de laine bouillie sur mes épaules et partis en direction de la déchetterie.

    Le préposé me salua avec bienveillance, bien que j’arrivai les mains vides.
    – Puis-je vous aider ?
    – Je cherche un livre…
    – Le conteneur est là-bas, dit-il en tendant le bras .

    J’avançai le cœur plein d’espoir, je sentais l’adrénaline monter, suscitant une excitation pareille à celle que je ressentais lorsque j’étais sur le point d’acquérir l’objet de mes rêves. Cet objet qui devait me rendre enfin heureux…Vanité, tout n’est que vanité, pensai-je…

    Je vis le conteneur à papier en même temps que je la vis. Elle était assise sur un carton. Un gros livre posé sur les genoux.
    Elle m’a à peine jeté un regard, mais le vernis qui avait fait de moi un mondain, s’est craquelé, laissant s’écouler les larmes de fiel du paraître…
    J’étais hypnotisé par les pages du livre. Je reconnaissais les feuillets au papier aussi fin que de la soie.
    Elle m’a à peine jeté un regard, mais peu importe. Des étincelles brillèrent dans mes yeux.
    J’avais trouvé la réponse à ma question et le temps était venu que je me ressaisisse.
    Que je commence enfin ma vie.

    © Clémence

  10. Anne-Marie dit :

    – Adrien, tu as fini de trier tes jouets ?
    Dans la chambre d’Adrien tiroirs et coffres débordent de jouets, sans compter ceux qui traînent en permanence sur le tapis, ou qui dégringolent des étagères. Accroupi, Adrien, la mine chagrine, range dans un carton quelques vieux jouets, abîmés ou qu’il n’a plus utilisé depuis longtemps. Bing ! Son « vieux » singe articulé en bois vient d’atterrir du haut de la bibliothèque, en une superbe culbute. Adrien le regarde, hésite. Le vernis du bois est tout écaillé, Joko est désarticulé, son oreille est cassée…
    – Décide-toi, presse Maman, il n’y a plus de place pour mettre un seul jeu dans ta chambre !
    Adrien pense au robot télécommandé qu’il a inscrit sur sa lettre au Père Noël. Où pourra-t-il l’installer ? Là-haut, loin des pattes de son petit-frère, sur l’étagère, à la place du singe ? A l’école ses copains lui ont dit que le Père Noël n’existait pas, que c’étaient les parents, alors, autant ne pas fâcher Maman en ce moment ! Il attrape Joko par un pied, le prend contre lui un court instant. Il l’aimait bien son singe ! A regret, il le pose dans la caisse, au milieu des vieux cubes en bois, puis attaque la pile de puzzles.
    Martine trie les jeux éliminés par son fils. Ceux en bon état iront à une association. Les puzzles ? oui ! Joko ? Non ! il est trop abîmé, au rebut ! Direction la déchetterie, avec tout le bazar qu’elle doit y porter.
    Et, ce samedi, le petit singe en bois se retrouve sur le tas des déchets à recycler… Désespéré, il essaye de s’accrocher, de grimper tout au-dessus. Il a froid, une gifle de pluie le fouette. Dans le jour qui s’assombrit, il pense avec tristesse à Adrien qui l’a abandonné. Il regarde autour de lui, désemparé. Une petite fille traîne dans les parages, discrètement, de tas en tas. Intrigué, Joko l’observe. Sous ses cheveux emmêlés, elle a l’air triste, dans sa robe déchirée et son gilet troué. Elle enfouit dans sa poche de menus objets récoltés çà et là, se cache lorsqu’elle entend quelqu’un approcher. Elle passe près de lui, ses bottes font floc, floc. Deux yeux noirs en amande l’effleurent, il se sent transpercé. Elle poursuit son chemin, se baisse pour ramasser un morceau de ruban, petit éclair rose dans la boue. Faute de pouvoir crier, Joko se démène. De ses bras et ses jambes trop souples, il fait tomber une clochette en métal doré qui gisait là et sonne, ding, ding, ding… La fillette se retourne. Etonnée, elle voit dans la pénombre un petit singe en bois faire des cabrioles. D’un bond, il atterrit à ses pieds. Elle se penche, attrape le jouet désarticulé, le blottit dans ses bras. Ses yeux noirs pétillent. Elle le serre très fort, chuchote à l’oreille cassée de Joko :
    – Je vais te soigner, petit singe, et tu seras mon ami !

    © ammk

  11. Cetonie dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie.
    Elle m’a à peine jeté un regard, mais mon vernis a aussitôt craquelé.
    Je croyais être encore jeune et beau, la peau lisse, le teint frais, et voilà que je croise une sorcière !
    En quelques secondes, le temps d’un regard, je me retrouve vieillard ridé, la peau sèche et parsemée de vilaines traces noires, c’est bien ma chance…
    Aussi, cela m’apprendra à faire preuve de civisme et apporter mes déchets bien triés, mais on ne nous avait pas prévenus de ce que nous risquions, au milieu de toutes ces poubelles. La prochaine fois, sûr, j’attendrai le jour des encombrants, ou bien je courrai le risque d’aller perdre ces innommables dans un bois voisin, au lever du jour,
    Alors, j’aurai peut-être la chance d’y croiser une mignonne petite fée qui me rendra mon joli visage et ma joie de vivre.
    Ça, c’est sûr, j’y crois !

  12. patrick labrosse dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie.
    Elle m’a à peine jeté un regard,
    mais mon vernis a aussitôt craquelé
    Il faut vous dire que j’exerce comme cantonnier. Fraîchement nommé superviseur général de la déchetterie : Un nom pompeux pour une tâche ingrate.
    Je passe mes journées à humer les relents du déversoir humain, à observer tous ces petits humains pressés de jeter leurs futiles objets !
    A peine utilisé, il faut déjà changer, c’est ainsi…
    Depuis l’invention du recyclage, du jeter plus pour consommer plus, c’est une déambulation effrénée. Toujours les mêmes questions : Dans quelle benne mon meuble Ikea ? Dans quelle benne mon vélo décathlon ? Dans quelle benne mon ordinateur Toshiba ?… tout est indiqué en grosse lettre rouge sur les bennes mais personne ne sait lire ?
    En règle générale c’est tellement compliqué que tout finit dans la grosse benne de déchets domestiques et je tasse, encore et encore avec mon gros godet tout dégoulinant de cette modernité.
    Ce fut à l’occasion d’un jour de grand déballage, que l’évènement eût lieu !
    L’hiver avait été long et le printemps tardait à pointer son nez, pourtant derrière le grillage de mon enclos, j’entendais les premiers frémissements du réveil de la nature.
    J’arrivais souvent le matin de bonne heure, le temps d’un café, d’enfiler mes nippes graisseuses et de faire ma petite tournée d’inspection avant d’ouvrir la grille aux premiers impatients.
    Lors de ce petit tour du propriétaire, je laissais mes mains courir sur les herbes folles qui envahissaient le grillage, je leurs souhaitais une bonne journée, leurs espérais de prospérer voir même d’envahir mon domaine. Parfois j’osais découper le grillage pour que ces pionnières puissent pénétrer plus facilement. Il m’arrivait même de jeter quelques pelletées de terreau pour les encourager. C’était mon petit bonheur matinal, une minute avec le dehors, avec la vie.
    Je passais la journée à aiguiller de l’obsolescence, du moribond, je pouvais bien m’accorder une minute de nature !
    L’endroit que j’affectionnais le plus, et par lequel je terminais mon rituel matinal, c’était la vieille benne. Elle se tenait coite (et non coïte) dans un coin de l’enceinte. J’avais apposé contre l’un de ses parapets une vielle échelle branlante. Lorsque j’arrivais à son sommet, je m’asseyais sur son rebord et écoutais le grouillement de son ventre. Ici un petit paradis de nature laissait libre cours à son imaginaire. Sur un petit terreau que j’avais savamment concocté, dame nature se faisait une beauté !
    Ici, les conditions climatiques étaient parfaites : vous étiez protégé des vents par les lourdes banches qui vous entourez, réchauffé par le caisson comme dans un cocon, humidifié juste à souhait, et parfois même recouvert d’une vieille bâche la nuit pour vous évitez de prendre froid.

    Ce jour-là, j’eu à peine le temps d’enlever la bâche que mon cœur cognait déjà, je l’avais repéré, toute petite, si fragile. Elle attendait sans bruit, qu’un rayon de lumière effleure sa corolle, qu’un petit prince lui tende la main…
    Elle m’a à peine jeté un regard,
    mais mon vernis a aussitôt craquelé

  13. françoise dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie. 
    Elle m’a à peine jeté un regard,
    mais mon vernis a aussitôt craquelé
    car je venais de reconnaître, grâce à ses ongles manucurés de différentes couleurs, mon ancienne propriétaire qui rangeait dans mes tiroirs ses bijoux : colliers, bracelets, bagues etc etc, que ses  courtisans lui offraient et ils étaient nombreux si bien qu’elle avait parfois du mal à me fermer. Comme vous avez certainement deviné je suis un coffret à bijoux,recouvert d’un vernis Martin rouge imitant la laque,du plus bel effet, muni d’un miroir et j’aimais quand elle se mirait parée de ses bijoux.Et puis ma call girl vieillitssant comme tout un chacun n’eut plus beaucoup de courtisans. Elle fut obligée de vendre un par un ses bijoux et de dépit elle me jeta dans cette déchetterie. J’y étais presque heureux au milieu des réfrigérateurs, machines à laver, aspirateurs. Chacun racontait son passé, le mien était un des plus enviables ; Les intempéries nous causaient parfois quelque dommage mais nous gardions tous le moral, à part un tourne-disque qui semblait souffrir de dépression.
    Et puis mon ancienne propriétaire revint ; je la sentis me saisir et m’embrassant presque, elle m’emmena serré dans ses bras.
    Et c’est ainsi que pelotonné entre des coussins de jolie couleur rose, je retrouvais un confort douillet ; pour autant je n’oubliais pas mes anciens compagnons de déchetterie et vide de tout contenu je m’ennuyais un peu.
    Et puis ma propriétaire se mit à écrire son journal intime, enfin c ‘est ce qui me sembla, et de temps à autre elle ajoutait des feuillets recouverts de sa belle écriture. Elle y parlait de ses amours dans le détail ce qui n’était pas pour me déplaire (elle ne s’assagissait donc pas pensai-je mais il faut que jeunesse se passe dit le proverbe)..
    Et puis un jour, sans autre forme de procès, je me retrouvai à la déchetterie .
    Le tourne-disque était toujours là mais son psychisme avait l’air meilleur.
    Les feuilles de papier du journal intime de mon ancienne call-girl s’envolaient au vent.
    Je commençais à avoir des rhumatismes car mes charnières petit à petit se rouillaient. Mon moral n’était pas au beau fixe quand un enfant m’emporta, me posa sur une commode dans sa chambre et depuis je suis une tirelire.
    Je trouve qu’au temps de la mondialisation j’ai assez bien réussi ma reconversion.
    i

     

  14. Catherine M.S dit :

    La ronde du temps

    On s’est rencontré un samedi
    A la déchetterie
    Il m’a à peine jeté un regard
    Mais mon vernis a aussitôt craquelé
    Il est tombé juste à côté de moi
    Était-ce un hasard ?
    Je ne le crois pas.

    Depuis quelques mois je commençais à m’ennuyer
    Tous mes souvenirs s’étaient évaporés
    Les lumières dans les rues, les sapins illuminés
    Les giboulées de neige, les toits immaculés
    La Saint-Nicolas , les enfants gâtés
    L’homme au manteau rouge près de la cheminée …
    Les ingrats !
    Dès le 31 passé, encore couverts de cotillons
    Gavés de champagne et de macarons
    Ils m’ont jeté ici comme un vieux paillasson
    – L’année est finie, décembre au pilon !
    Les vautours !
    Mais floc ! Un beau matin le mois d’août a atterri à son tour
    Et je suis tombé immédiatement en amour
    Allez savoir, peut-être qu’un jour
    Ma froideur et sa chaleur sauront s’associer
    Pour ensemble, qui sait, ressusciter ..

  15. Sylvianne dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchèterie.
    Elle m’a à peine jeté un regard, mais mon vernis a aussitôt craquelé.
    Je n’étais plus tout jeune. J’étais patiné, comme on dit, dans le milieu.
    Notre rencontre a été fortuite. Ma place n’était pas ici. J’étais sonné de me retrouver au milieu de 1000 détritus de tout genre. A une autre époque, j’aurais été ramassé par les « chiffonniers » pour finir dans une broc’. J’aurais refait ma vie. Je me serais acoquiné avec une vieille commode. Aujourd’hui, quand les humains vident une maison, ils n’ont plus le temps. Alors, ils vont à la DÉCHÈTERIE ! À la poubelle, les bibelots de grand-mère, les trucs en plastique cassés ou démodés et les vieux comme moi, en bois. En bois brut, pourtant ! Quelle honte !
    C’est mon côté brut qui lui a plu, je crois. C’est rare de nos jours. L’aggloméré est plus courant ! Léger et pas cher.
    J’ai été éjecté sans précaution de la remorque. Je me suis retrouvé les pattes en l’air. Pas vraiment sur mon plus beau jour. Mes aiguilles endolories gémissaient.
    ELLE était là blottie à côté de moi. Tremblante de peur. On se touchait presque. un frisson parcourut mon balancier.
    Je me suis redressé. J’ai haussé du col montrant ma force. Elle m’adressa un timide sourire. « Qu’allons-nous devenir ? »
    « T’inquiète, baby ! Pour nous, ni enfouissement, ni incinénation. On va être recyclé. C’est tendance. C ‘est É C O L O G I Q U E ! »
    Mate le mec, là-bas, il nous a déjà repérés. Une petite pièce discrètement au fonctionnaire, et c’est dans la poche !
    Il saute dans la benne et nous empoigne vigoureusement.
    Le hasard d’une déchèterie, la coïncidence d’une benne commune donnèrent naissance à une belle histoire d’amour entre deux vieux encore verts !

  16. Daisy dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie.

    Elle m’a à peine jeté un regard, mais mon vernis a aussitôt craquelé. Je n’en pouvais plus de toutes ces années dans le garage de Mme Rouland à porter des pots de confiture.

    Elle n’a pas été dégoutté par mon aspect décati. Au contraire, elle m’a souri. J’étais ce qu’elle avait besoin pour son nouvel appartement : la bonne taille, la bonne matière.

    Elle m’a recueillie et m’a conduite chez elle. Plusieurs semaines, elle m’a laissée dans un coin au milieu des cartons de déménagement. Les cartons ont commencé à diminuer et je me suis senti seul. J’ai eu peur qu’elle me ramène à la déchetterie.

    Et enfin un samedi, elle s’est souvenu de moi. Elle m’a dit qu’elle allait s’occuper de moi : me vernir et me
    mettre au mur. La pose de vernis m’a fait rire : je suis chatouilleuse. Puis j’ai demandé à la plante du salon de quoi j’avais l’air.

    – On dirait une étagère toute neuve.

    Le samedi suivant, elle m’a mis au-dessus de son bureau. Elle a déposé sur moi un petit cactus, un ours en peluche, un réveil et deux gros dictionnaires. Elle a dit qu’on allait écrire de belles histoires ensemble.

    C’est ainsi que notre vie à deux a commencé.

  17. Joailes dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie.
    Elle m’a à peine jeté un regard,
    mais mon vernis a aussitôt craquelé.
    Il faut dire que j’étais un vieil objet, et je crois que j’étais très fragile.
    Mon cœur était brisé depuis longtemps, et je n’avais jamais connu l’amour.
    Elle s’est avancée vers moi, avec un sourire si tendre et un regard si profond, que j’ai dû remuer un peu, imperceptiblement.
    Elle a tendu la main, et m’a saisi.
    J’ai ressenti alors, je crois, ce que doit ressentir un animal dans un refuge quand une fée arrive et l’emmène pour le réchauffer.
    Elle m’a caressé, a fait sauter les dernières traces de vernis qui me recouvraient et m’a emmené.
    Ces minutes là furent les plus belles de ma vie.

    Je n’ai rien regretté quand elle m’exposa dans une galerie d’art, après m’avoir nettoyé, astiqué, jusqu’à faire apparaître la signature de mon père, un certain Ming.
    Elle ne m’a jamais traité comme un objet et même si je savais que je ne pourrai jamais lui dire combien je l’aimais, j’étais heureux de la voir passer devant moi avec son sourire chaleureux.
    Elle refusa toujours de me vendre.
    Sa richesse, elle l’avait au fond de son cœur.
    Lorsqu’elle mourut, un soir bien triste de novembre, nous étions seuls, du moins je le croyais, à la galerie.

    Je la regardais, impuissant, lorsque une force soudaine me souleva et me posa délicatement à côté d’elle.
    Je fermais les yeux.

    Aujourd’hui … je suis toujours là, avec Elle.
    Nous sommes ensemble, pour toujours, au Musée Grévin et sommes devenus Immortels.
    Et si son âme s’en est allée, la mienne, pauvre objet, est restée …

  18. Jean Louis Maître dit :

    Fascination
    Sur une musique de Dante Pilade Marchetti

    On s’est rencontré, c’est fortuit,
    Et il n’a rien fait pour chercher à me plaire !
    C’était samedi, à la déchetterie,
    Où l’on met les choses dont on veut se défaire.
    Il m’a jeté juste un regard,
    Mais mon vernis a aussitôt craquelé
    Pour ce compacteur aux canines acérées
    C’est plus fort que moi, je l’aime !

    Moi je veux me faire tout petit !
    La benne est remplie !
    On est samedi !
    J’ai besoin qu’il m’écrase, Amour,
    Il est assez lourd,
    Assez lourd, sur l’heure,
    Afin de rouler sur moi son bras,
    De mon coeur de bois
    Faire confettis !

    On s’est rencontré, c’est fortuit
    Et il n’a rien fait pour chercher à me plaire
    C’était samedi, à la déchetterie,
    Où l’on met les choses dont on veut se défaire.
    Il m’a jeté juste un regard,
    Mais mon vernis a aussitôt craquelé
    Pour ce compacteur aux canines acérées
    C’est plus fort que moi, je l’aime !

    C’est lui, l’ami, quand la place est rare,
    Dont on rêve un soir
    Et que l’âme implore
    L’ami fidèle et jamais constant
    Et le seul pourtant
    Qu’un déchet adore
    Sous ses baisers les chagrins passés
    Sont vite effacés !
    Et l’on s’aime encore
    Croyez-moi, c’est bien lui le chéri de ma vie
    Je n’ai de bonheur qu’avec lui.

    Qu’il revienne !
    Et me prenne !

    On s’est rencontré, c’est fortuit
    Et il n’a rien fait pour chercher à me plaire
    C’était samedi, à la déchetterie,
    Où l’on met les choses dont on veut se défaire.
    Il m’a jeté juste un regard,
    Mais mon vernis a aussitôt craquelé
    Pour ce compacteur aux canines acérées
    C’est plus fort que moi, je l’aime !

  19. laurence noyer dit :

    On s’est rencontré samedi,
    Elle m’a à peine jeté un regard,
    et mon vernis a aussitôt craquelé.

    Je l’ai bien reconnu
    Cette nouvelle venue
    Quand elle m’a regardé
    Ma perplexité a creusé
    IIIIIIIIII La ride du Lion
    Balafre inéluctable
    Fossé des futilités

    Ma contrariété a strié
    ~~~~~~ des rides sur mon front
    Sédiments d’estafilade
    Sillons d’aubes estompées

    Mon rictus a froissé
    ======= le contour de mes yeux
    Patte d’oie griffue
    Empreinte d’écorchure

    Ma bouche s’est ourlée
    ¤¤¤¤¤¤ De plissés du soleil
    Vernis craquelé
    Cicatrices en saillie

    Ah là là ! samedi, j’ai rencontré la Vieillesse.
    Elle m’a jeté le temps en plein visage !
    J’y retournerai plus à cette déchetterie !

    • Laurence Noyer dit :

      (texte retravaillé)

      Le temps sur mon visage a jeté ses pliages
      comme après déplisser une photo froissée.
      Il s’est désaraigné dans mes creux dévastés
      Tous ses coups de crayon m’ont entaillée de vagues

      Le climat désolé de mon humeur lunaire
      a piraté l’aurore qui fardait mes paupières
      Il a, par sa balafre, signé l’inéluctable
      produit de mon voyage et de mon paysage

      Le temps m’a façonné un masque ennemi
      Fait de broderies et d’écorces rongées
      Il a ourlé ma bouche d’un plissé démaillé
      Froissant d’éternité la mesure de sourire

      Le temps à ma figure a rejeté ses hardes
      Déchiré au scalpel le ciel de mon regard

      Les saisons incarnées dans la pérennité
      ont gercé le vernis et saccagé l’ardeur
      Les lettres de mes rides ont rédigé leur pli
      empreintes d’écorchure, cicatrices en saillie.

  20. iris79 dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie. 
    Elle m’a à peine jeté un regard,
    mais mon vernis a aussitôt craquelé.  Je sentis lorsqu’elle passait tout près de moi qu’elle était différente des autres, à la façon bien à elle qu’elle avait de déposer les objets à leur dernière demeure, un peu comme si elle les remerciaient de ce qu’ils avaient fait pour elle.
    Quand elle repassa devant la benne où je croupissais, son regard s’attarda sur moi et elle me frôla du bout des doigts emportant avec elles quelques écailles de mon vernis qui de toute façon était fichu. Elle me dépassa et je la regardais déjà s’éloigner la remerciant en secret pour ce geste désuet mais réconfortant quand je la vis s’arrêter. Lentement, elle se retourna et m’observa sans dire un mot. Je devinais dans son regard bordé par son bonnet de laine que je ne lui étais pas indifférent. Elle s’avança puis timidement posa ses mains sur moi faisant le tour de mon plateau. Je sentais la douceur de son geste sous ses mitaines et je ne fus pas surpris lorsqu’elle me fit décoller du sol en me promettant une nouvelle vie. Je n’osais me laisser aller dans un élan de joie, après tout, je ne savais encore rien d’elle ni de ses projets. Elle m’installa à l’arrière de sa fourgonnette qui devait avoir au moins mon âge.

    Dans le noir de son coffre, je souffrais des soubresauts du chemin que j’avais déjà emprunté dans l’autre sens et qui m’avait déjà valu quelques éclats au bas de mon pied.
    J’entendis les bruits de chants de Noël qui réchauffaient l’habitacle où je perçus des voies enfantines qui s’égosillaient sur « Petit Papa Noël ». Je ne devais pas être tombé chez des féroces…
    Après vingt minutes à réviser mes classiques musicaux, le moteur s’arrêta et j’attendis patiemment que l’on vienne me délivrer de ce coffre assez inconfortable. Elle me saisit avec mille précautions, et me déposa dans ce qui ressemblait à une remise où d’autres camarades d’infortune semblaient attendre leur tour.

    Fort heureusement je n’eus guère le temps de me demander ce qui allait m’arriver. Je la vis vite revenir, habillée d’un tablier qui avait visiblement beaucoup vécu aussi et s’accroupit face à moi, m’auscultant tel un médecin, me touchant avec d’infimes précautions. Je la voyais hocher la tête, mi-satisfaite, mi-perplexe quand sa main s’attarda sur mes blessures de pied.

    Elle me réconforta en me disant de ne pas m’inquiéter, qu’elle avait tout ce qu’il fallait pour me requinquer et qu’elle avait une idée pour ma nouvelle vie.

    Alors patiemment pendant des heures elle fit défiler ses outils sur mon corps meurtri qui petit à petit retrouva une certaine allure. Elle trouva même une solution pour gommer les défauts de ma jambe de bois. Elle termina de prendre soin de moi en apportant ce fameux produit miraculeux qui redonnait un coup de jeune au bois les plus ternes. Étaler ce produit en grosses couches épaisses nourrissait mon bois, me redonnait un air juvénile et un éclat incroyable. J’étais aux anges. Cette cure de jouvence était fabuleuse. Il ne me restait plus qu’à savoir où j’allais continuer ma vie parce que je ne le savais toujours pas.
    Après avoir effrayé des jeunes qui me faisaient tourner en invoquant les esprits, servi de support aux plus beaux bouquets de la chambre d’une célèbre duchesse, on m’avait négligé, abandonné, oublié. On avait préféré des guéridons plus extravagants aux moulures savamment travaillés. On avait dû penser que je ne méritais même pas de passer par la case « restauration » puisque j’avais échoué dans cette déchetterie.
    Lorsque je la vis affublée d’un bonnet de Père Noël cette fois avec dans les bras un rouleau de papier brillant rouge et or , je compris que j’allais être drôlement accoutré pendant les quelques heures qui nous séparaient du matin de Noël. Après un autre court voyage en voiture et un passage devant le sapin que je ne pouvais pas encore admiré, le suspense prit fin.

    Le moment tant attendu, y compris par moi (j’étouffai là-dedans!) arriva. Deux mains délicates et un peu ridées ôtèrent délicatement le papier et je vis dans le reflet des lunettes de celle qui me contemplait ce que je n’osais croire ; moi, rajeuni de plusieurs décennies grâce au génie expert de ma bienfaitrice. J’étais magnifique ! Sobre, élégant, le teint mat et lisse. La dame aux lunettes caressa mon plateau en disant des choses agréables et après s’être éloignée un court instant, me recouvrit d’une étoffe délicate pour me protéger sans me masquer. Elle me souleva délicatement et me déposa près de la cheminée. C’est là que serait ma place maintenant, dans ce foyer chaleureux qui m’offrait une seconde chance et je ne boudais pas mon plaisir d’accueillir et de garder les tasses de chocolat fumant des enfants que, je l’espérais intensément, je verrai grandir encore longtemps.

  21. Liliane dit :

    Il paraît que j’avais fait mon temps !

    Cela fait plusieurs mois que j’ai été jeté à la déchetterie. J’ai eu une chance inouïe, car celle-ci est différente des autres. Monsieur Jean, le patron, a une haute opinion des rebuts.

    Pour lui, les déchets d’un homme sont des trésors pour un autre. Alors, il a demandé à son frère Paul de créer un asile, juste à côté. Ils l’ont nommé : L’île aux trésors.

    Et chaque jour Paul récupère, répare, bichonne, expose et vend à prix modique.

    Je suis donc là, dans ce bric-à-brac. A attendre je ne sais quoi, je ne sais qui.

    En ce samedi glacial, Paul arrive, les bras chargés. Il dépose devant moi, sur une console marmoréenne ébréchée, une statuette. La température a aussitôt grimpé. Mon vernis a immédiatement craquelé. Une jeune femme, toute de bronze ! Allure alanguie, appuyée sur ses deux bras. La tête en arrière. A regarder le ciel. Evidemment, elle ne m’a pas jeté un regard. Comment le pourrait-elle ?

    Oh ! Voici Olga ! Silencieuse, douce et triste. Il se dit que les blessures de l’enfance l’ont rendue muette. Elle vient régulièrement. Nous regarde les yeux plein d’étoiles. Et quand ils s’illuminent, nous savons qu’elle va choisir l’un d’entre nous, pour mieux l’offrir ensuite.

    En ce samedi lumineux, Olga, comme un aimant, est attirée par ma statuette. C’est vrai qu’elles se ressemblent. Petites dormeuses mais grandes rêveuses, qui transforment les nuages en pluie d’étoiles. Elle prend délicatement mon trésor. Se retourne. Me regarde les yeux brillants et me sourit. C’est sûr, elle me choisit.

    Alors Paul, qui a assisté à toute la scène, va faire le nécessaire.

    En ce samedi merveilleux, nous voici installés chez Olga. Elle a craqué et n’a pas eu le cœur de se séparer de nous.

    Depuis, les yeux dans les yeux, ma belle et moi, réinventons le monde.

    Nous avons tout le temps !

  22. grumpy dit :

    J’avais sorti ma remorque et arrimé dessus ce dont je devais me débarrasser samedi matin.
    Des années que je voulais jeter ça, sans jamais réussir à m’y résoudre. Cette grosse vieille chose me tenait tellement à cœur qu’entre-temps moi aussi j’étais devenu une grosse vieille chose.

    Ma femme me tannait tous les jours pour que je me décide enfin à « balancer cette cochonnerie » disait-elle, en ajoutant « je me demande pourquoi tu fais tant de sentiment, tu verras, sitôt jeté sitôt oublié.» Je comprenais que pour elle ça ne ressemblait qu’à de l’encombrant, mais pour moi c’était un tas de souvenirs, le meilleur de ma jeunesse.

    Voilà, cette fois c’est décidé. En voiture, on y va.

    J’arrive à la déchetterie et je prends la file. Je prends la file derrière une bonne femme, une silhouette banale un peu bouffie comme on le devient si méchamment lorsqu’on prend sa retraite pour bien nous signifier que l’on est désormais mis hors circuit et que la séduction ce n’est plus de notre âge. Ça ne m’émeut ni ne m’intrigue pas plus que ça, bof, je m’y suis fait. Jusqu’au moment où l’objet qu’elle s’apprête à jeter, lui, me dit quelque chose.

    Une grande lampe au pied en bois tourné, ça, ça n’a rien d’original, en revanche c’est son abat-jour branlant et déchiré qui insiste et qui semble vouloir m’évoquer quelque chose. On dirait presque qu’il veut me parler, à croire que lui il m’a connu et qu’aujourd’hui il me reconnaît. Bizarre, comme c’est bizarre…

    Voilà que la bobonne qui tient la lampe se retourne, elle m’a à peine jeté un regard et déjà je ne la vois plus que de dos. Je me sens tout drôle, j’ai l’impression que du bout des doigts, de mes orteils et jusqu’aux racines de mes rares cheveux tout se craquelle à l’intérieur. J’en ai le souffle et les jambes coupés.

    Je ne l’ai pas vraiment reconnue elle, mais l’abat-jour de la lampe, c’est bien lui. Je le lui avais offert après avoir fait broder dessus les mêmes mots d’amour que ceux du tatouage gravé sur ma poitrine « à Mimi pour la vie.» Cette femme m’avait rendu raide dingue, et voilà qu’elle craquelle à nouveau mon grand amour en mille morceaux.

    La lampe, c’était un cadeau destiné à sublimer nos amours, longtemps elle avait joué son rôle d’ombres et lumières à la perfection, posée tout à côté du vieux canapé râpé, défoncé par nos ébats. Je suis venu le jeter aujourd’hui.

  23. Nadine de Bernardy dit :

    On s’est rencontré un samedi à la déchetterie.
    Elle m’a à peine jeté un regard, mais mon vernis a aussitôt craquelé tandis qu’un frisson parcourait mon reflet un peu terni.
    Au fond de mon container « tout venant » elle avait atterri,un peu de guingois,cabossée, mais si belle dans sa dignité conservée! Et à quelques centimètres seulement de mon humble personne.
    Tentant de me hausser du col pour attirer son attention,je bousculais une vieille poêle à frire qui m’adressa un regard courroucé.
    Elle regardait,éperdue, aux alentours se demandant certainement ce qu’elle faisait là,pleine d’élégance surannée,au milieu de ces rebuts.
    Légèrement froissée,son habillage embouti sur un côté,elle gardait cependant une beauté malmenée qui m’allait droit au coeur.
     » Hep!hep! – lançai-je doucement,afin de ne pas l’effrayer.
    Le douce se tourna vers moi,un air hautain cachant sa détresse.
    – Bonjour,je vous ai vue arriver brutalement,n’ayez pas peur, tout va bien se passer
    – Ah!- ricana-t-elle – vous pensez que la perspective d’être broyée au milieu d’autres déchets me permet de subodorer que tout va bien se passer! Vous semblez avoir perdu le sens de la réalité.
    – Non,oui,peut être ,je ne sais plus vraiment -bafouillai-je – mais je dois avouer que je vous trouve sublime et n’ai rien vu d’aussi beau depuis que je suis ici,j’en suis tout chamboulé.
    Elle s’adoucit un peu,risqua un sourire crispé:
    – Avons nous une autre possibilité que celle à laquelle je faisais allusion tout à l’heure?
    – Je crois qu’effectivement le laminage peut être évité – dis-je avec assurance – que diriez-vous d’une évasion en bonne et due forme dès cette nuit, avant que d’être recouverts d’autres encombrants?
    Cette fois ci elle sourit tout à fait,faisant miroiter ses avantages.
    – Je suis votre complice,organisez,je vous suis. »

    Quand la nuit fut tombée,l’on vit deux ombres défraîchies, mais dont on devinait la gloire passée,escalader laborieusement le rebord d’une benne,se souriant avec un ouf de soulagement avant de se diriger en hâte vers le petit bois jouxtant la déchetterie.
    Epuisées par ces efforts et les émotions,elles s’endormirent,l’une contre l’autre, à l’abri d’un chêne.
    Un promeneur passant par là les trouva à son goût.
    Dorénavant nos deux héros coulent des jours paisibles,côte à côte,dans une maison toute simple,à l’autre bout du petit bois.
    .

  24. Monique Lachaux dit :

    On s’est rencontré un samedi, à la déchetterie.
    Elle m’a à peine jeté un regard,
    mais mon vernis a aussitôt craquelé.
    On s’est revu le dimanche au ranch
    Il m’a raconté des fredaines ce batard
    Notre alchimie a aussitôt cabré et fut éjectée.

  25. Jean-Pierre LACOMBE dit :

    On s’est rencontré un samedi à la déchetterie. Elle m’a à peine jeté un regard, mais mon vernis a craquelé.
    Je portais un vieux lapin posé en 2002 que j’avais retrouvé au grenier et j’hésitais entre le recyclage des amours perdus ou, juste à coté, le bac des rendez-vous manqués.
    Elle avait dans les mains un paquet de lettres d’amour usagés et les lançait une à une dans le container des souvenirs encombrants.
    « A chaque jour suffit sa benne » lui dis-je bêtement. Elle daigna sourire : « J’ai un chagrin d’amour à balancer dans la poubelle des illusions trouvées mais il est trop lourd à porter, si vous… »
    «  Encore une rupture des années 90, un amour impossible jamais servi, deux malentendus en bon état, le tout à trier et je suis à vous… »

  26. Odile Zeller dit :

    On s’est rencontré un samedi à la déchèterie. Elle m’a a peine jeté un regard mais mon vernis a aussitôt craquelé. Une croûte sale et moisie. Dessous un paysage vivement brossé. L’oeuvre d’un peintre oublié. Des couleurs brutales le bleu cobalt du ciel la mer en noir et un soleil orange et violet. L’orage émerge à la crête des vagues. Je suis sale, sens mauvais et n’ai rien pour me sauver de la poubelle et du pilon. On me brûlera. Des a plats de couleur, une facture étrangère même pas la touche inpressionniste. Et pourtant elle retourne à la benne, plonge le bras et m’extrait de la fange. Je dégouline du gras d’une vidange. Elle m’évalue et m’emporte. Dans le coffre elle m’allonge sur des journaux entre deux paniers de légumes achetés au marché.
    Arrivée chez elle elle m’emporte dans un appentis et me décrasse à grands coups de torchons. Elle me brossé ensuite avec douceur. De nouveau ses yeux me scrutent et enfin ell sourit. Elle me perche sur un chevalet, s’éloigne, cligne des yeux et finalement sourit. Je suis sauvé.
    Elle crie
    Viens vois ce que j’´ai trouve à la déchèterie

    Tu l’as acheté et tunn e veux pas dire chez qui ! Allez dis moi le prix !

    Non je t’asusre. On l’a jeté. Il croupissait dans l’huile, Le cadre n’est pas encore très propre.

    Un Nolde a la déchèterie ?

    Une copie certainement mais il me plait. Une croûte… m’a dit le gardien. Les couleurs me plaisent et cette ambiance d’orage, de colère. Il ira bien ici. Je le trouve inspirant. Il me fera écrire un texte de colère et de sang.
    Je sais qu’elle va me garder et qu’ici je serai restauré et apprécié.

  27. Liliane dit :

    Il paraît que j’avais fait mon temps !

    Cela fait plusieurs mois que j’ai été jeté à la déchetterie. J’ai eu une chance inouïe, car celle-ci est différente des autres. Monsieur Jean, le patron, a une haute opinion des rebuts.

    Pour lui, les déchets d’un homme sont des trésors pour un autre. Alors, il a demandé à son frère Paul de créer un asile, juste à côté. Ils l’ont nommé : L’île aux trésors.

    Et chaque jour Paul récupère, répare, bichonne, expose et vend à prix modique.

    Je suis donc là, dans ce bric-à-brac. A attendre je ne sais quoi, je ne sais qui.

    En ce samedi glacial, Paul arrive, les bras chargés. Il dépose devant moi, sur une console marmoréenne ébréchée, une statuette. La température a aussitôt grimpé. Mon vernis a immédiatement craquelé. Une jeune femme, toute de bronze ! Allure alanguie, appuyée sur ses deux bras. La tête en arrière. A regarder le ciel. Evidemment, elle ne m’a pas jeté un regard. Comment le pourrait-elle ?

    Oh ! Voici Olga ! Silencieuse, douce et triste. Il se dit que les blessures de l’enfance l’ont rendue muette. Régulièrement, elle vient à nous. Nous regarde les yeux plein d’étoiles. Et quand ils s’illuminent, nous sentons qu’elle va choisir l’un d’entre nous, pour mieux l’offrir.

    En ce samedi lumineux, Olga, comme un aimant, est attirée par ma statuette. C’est vrai qu’elles se ressemblent. Petites dormeuses mais grandes rêveuses, qui transforment les nuages en pluie d’étoiles. Elle prend délicatement mon trésor. Se retourne. Me regarde les yeux brillants et me sourit. C’est sûr, elle me choisit.

    Alors Paul, qui a assisté à toute la scène, va faire le nécessaire.

    En ce samedi merveilleux, nous voici installés chez Olga. Elle a craqué et n’a pas eu le cœur de se séparer de nous.

    Depuis, les yeux dans les yeux, ma belle et moi, réinventons le monde.

    Nous avons tout le temps !

  28. durand dit :

    On s’est rencontré un samedi à la déchetterie. Elle m’a à peine jeté un regard, mais mon vernis a aussitôt craquelé.

    A l’époque j’étais haut comme un trognon de pomme mais j’avais fière allure avec le Marcel piqué à mon frangin. Le maillot était un peu large et ne mettait pas en valeur ma musculature embryonnaire.(Mot appris par l’auteur en CE2 en croisant embrayage et légionnaire):note de l’éditeur.

    Ce jour-là, je cherchais du cuivre à revendre, pas celui de l’Harmonie des cités, juste le métal jaune planqué dans les filons électriques.Une fois j’avais trouvé un trombone au pavillon écrabouillé. J’avais essayé de souffler dedans. Ca avait rendu un pauvre râle comme Le Vieux, quand il rentre du cocktail organisé par sa direction, après les réunions d’accord syndical.

    Elle, elle faisait sa vamp, à sourire bêtement au trésor qu’elle disait avoir trouvé.
    « Plus tard je serai une vedette »,clamait ‘elle.

    Je ne voyais pas trop l’extase à se projeter en machine à laver. Encore une drôle qui construit son avenir sur les perspectives de la Miss Patate du canton de l’année, pensais je, grâce à mon petit pois décongelé.

    Ma sœur, c’était pareil. Elle se voyait toujours en haut d’une affiche moi la paix, à chaque fois que je tentais de lui faire baisser sa sono de gorge profonde, repérée,surtout grâce au soutien des bretelles d’un accordéoniste, un peu pianoteur de jeunes filles à accorder.

    La petite avait ramassé un bout de miroir à qui elle causait d’amour. » Oh miroir, dis-moi que je suis la plus belle ?? »

    C’était un honnête morceau de rétroviseur, égaré d’une Clio de première génération n’ayant plus aucun goût à faire miroiter un quelconque avenir à qui que ce soit, lui qui avait traîné toute sa vie, tourné vers l’arrière train du passé.

    Il préféra lui glisser des mains et se briser en plusieurs morceaux, espérant un retour rapide à son état originel de sable.

    C’est là que je l’abordais pour lui proposer de se recoiffer dans une « psyché » de ma fabrication. J’avais appris ce mot de l’aîné de mes frères à l’époque où il croisait ses formations en culture sur balcon et son groupe de musique psychédélique.

    « Psyché »,ca faisait toujours bien auprès des gonzesses, même si ce n’était qu’une glace de salle de bain insérée à la va-vite dans un cadre doré sur tronche du début du vingtième siècle.

    Elle recoiffa sa tignasse, aussi collante que la mienne, se frotta les dents de devant avec le doigt. Avec sa canine manquante et son amour inconditionnel pour le chanteur révolté par l’abus d’alcool affiché sur son tee-shirt (non, pas Johnny Halliday…..Renaud….!)….cela nous faisait déjà trois points communs.

    Je lui exprimais mon affectation, partageais avec elle mon scepticisme sur le berceau des illusions, surtout à partir du cinquième gosse mais l’encourageais à aller de l’avant, surtout avec moi.

    L’horizon palpitait. Je lui pris la main, l’entraînais au delà des Monts de détritus, jusqu’au col.

    Nous marchâmes à peine la moitié d’un quart d’heure.

    Les mouettes criaillaient leur appétit de survie.

    Grâce à moi, elle allait sortir du trou, en découvrant, là, toutes proches, les splendeurs du bassin de décantation

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