396e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat

Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite. On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection. Un homme lui avait souri plusieurs fois, il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard. Une fois de plus…

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21 réponses

  1. anne dit :

    Abrité derrière un mur de béton cellulaire recouvert à la chaux vive. Depuis cinquante ans les sculptures s’y étaient exprimées. De grands artistes de diverses mouvances taillant avec leurs outils propres. L’inspiration tout comme l’écriture naissait au fur et à mesure, emprunte après emprunte. Le marteau martelant, le ciseau taillait, le rabot rabotait. L’expression y était libre. Mais l’eau s’ecoulait mal, la rendant putride. Le début de la source alimentant avait beaucoup diminué. De fait les allergies y étaient nombreuses. On ne pouvait plus s’y baigner. Alors il fut décidé d’interdire la baignade. Un badigeon protecteur fût appliqué sur chaque sculpture. Par sécurité, chacune fut prise en photo

  2. françoise dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite. On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection. Un homme lui avait souri plusieurs fois, il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard. Toute apparition d’un inconnu était source de crainte pour tout un chacun.Mais je lui rendis son sourire . Peut-être avait-il connu les années 2000 Il pourrait alors me raconter ce temps où on pouvait se baigner dans la mer : les gens profitaient de leurs congés payés pour le faire car à l’époque chacun mettait un point d’honneur à travailler pour payer logement, nourriture, vêtements etc.ils auraient donc dû être heureux ! Mais la nature humaine est ainsi faite qu’elle veut toujours plus. Alors ils voulurent que la terre leur donne de meilleures récoltes et employèrent des engrais chimiques pour récolter davantage ; ils mirent les animaux dans des batteries pour qu’ils grossissent plus vite.Ce fut ce qu’ils appelèrent l’époque industrielle qui, il faut bien le dire, apporta richesse à certains continents . Alors on vit des milliers, puis des millions de gens s’embarquer pour ses riches régions. Beaucoup moururent en mer dans des bateaux de fortune. Les pays dits riches se montrèrent peu accueillants, menacés pensaient-ils par ses hordes et dressèrent des murs pour rendre leur frontières infranchissables. Pour aggraver le tout ils durent faire face à la pollution et là ce fut le début de la fin : la nourriture polluée rendit les gens malades, beaucoup moururent ; ils étaient si nombreux à succomber que leurs cadavres étaient jetés à la mer.Un mur de protection de dix mètres fut construit Personne ne pouvait plus n’y entrer ni sortir Nos hommes politiques démissionnèrent, il n’y eut plus d’administrations :ni écoles, ni hôpitaux ,ni police etc. Depuis c’est la jungle pour la majorité des habitants .
    Soudain je vis l’adulte venir vers moi et me demander « veux-tu connaître un nouveau monde « ?
    oh oui Monsieur mais est-ce possible ?
    Mais oui ! Allez viens on m’a parlé d’un endroit où, soi-disant, les poules ont des dents et les coqs pondent des œufs….

  3. Cétonie dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite. On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection. Un homme lui avait souri plusieurs fois, il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard. Une fois de plus, elle ne sut que faire, répondre à ce sourire au risque de se trouver engluée dans une relation baroque, ou l’ignorer et, une fois de plus, se retrouver seule devant ce paysage désolé…
    D’ailleurs qu’y faisait-elle ? Une ancienne tradition voulait qu’on aille voir la mer, comme un pèlerinage sacré à une divinité oubliée depuis longtemps dans ce monde matérialiste et pourri. Au fil des siècles, la société avait soigneusement développé ses contradictions, n’arrivant pas à choisir entre le confort personnel et le respect de la nature, et cette mer polluée et interdite en était un des symboles, lieu de pèlerinage auquel on ne pouvait accéder.
    Accablée par ses réflexions, elle cherchait quelqu’un à qui parler, avec qui échanger, avec qui essayer de comprendre, et décida de se lancer : cet homme, le seul dans la foule qui les entourait, lui avait souri, et semblait prêt à parler, alors, pourquoi pas ?
    Elle s’approcha, et le salua timidement. Il la mit à l’aise tout de suite « ne soyez pas étonnée, j’ai eu l’intuition que vous aviez envie de communiquer, et je suis disponible. Quel est votre problème ? »
    Elle osa alors révéler ce qu’elle ne comprenait pas, pourquoi il fallait venir voir la mer, derrière ce mur ?
    Et lui, patiemment, lui raconta…
    Autrefois, la mer était source de vie et ennemi implacable, elle fascinait les hommes.
    Il lui récita le poème de Baudelaire, «L’homme et la mer » pour lui faire sentir les ambiguïtés des relations entre les deux, le choix impossible entre l’amour et la peur.
    Et elle se sentit prête à accepter les incertitudes qui lui troublaient l’esprit.
    Et lorsqu’elle s’étonna « Comment savez-vous tout cela ? » il eut un sourire un peu triste… « C’est que je viens du vingtième siècle » et disparut dans la foule indifférente.

    https://www.poetica.fr/poeme-100/charles-baudelaire-homme-et-la-mer/

  4. Michel-Denis ROBERT dit :

    Dès l’an 3000,toute baignade fut interdite. On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection. Un homme lui avait souri plusieurs fois, il semblait avoir trente ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard, une fois de plus, qui trimait jusqu’à 90 ans. Depuis 2950,les conditions de retraite avaient changé. Des jeunes s’amusaient que des vieux payaient pour qu’ils s’amusent. Rien n’avait arrêté le progrès.

    Dans la salle d’attente, John II racontait cette histoire :
    – Il paraît qu’ici, la municipalité s’est inspirée d’un film, dit-il pour lancer la conversation.

    Lucie IV, blasée, ne répondit pas. « S’il ne sait pas se taire, il ne va pas résister longtemps, se dit-elle. »
    Silencieusement, deux vigiles armés passèrent le sas. Ils n’avaient pas l’air bien malades. Du regard, John II essaya de questionner Lucie IV, mais elle baissa les yeux. Elle ne se sentait pas concernée. Elle agita ses mains fébriles. John II s’interrogea : « Il règne ici une ambiance qu’on dirait que tout va éclater. » La matraque d’un maton appuya sur son épaule.

    Au-dessus de la porte, le chiffre IV s’afficha et Lucie IV disparut dans le cabinet. John II s’assit en vis-à-vis pour les observer avec plus de confort. Il tenta de deviner l’énigme que posait leur présence.

    « Ces deux-là se ressemblent comme deux clones bodybuildés. Du haut de leur casque, jusqu’à leurs Rangers qui brillent comme des pommes cirées, leur costume autant que leur cerveau a l’air blindé. Même leurs dents doivent être métalliques. A leur doigts, des bagues ne leur servent pas que de décoration. John II esquissa un sourire de politesse qu’ils ne semblèrent pas reconnaître. Que font-ils dans une clinique de transplantation ? se dit-il. »

    Il n’avait plus de nouvelles de la Station Space depuis un bon bout de temps. Son billet sera périmé sous huit jours. Celui du retour ne pourra être prorogé, à moins de trouver une solution ici. Depuis qu’il avait été missionné dans la station, c’est la première qu’il revenait pour un contrôle, et aussi, qu’il découvrait des représentants de l’ordre. Apparemment, la maison avait changé ses objectifs.

    « Que peuvent-ils garder ? Est-ce que la transplantation serait déjà dépassée ? Ont-ils trouvé une autre méthode de rajeunissement qu’il ne faudrait pas divulguer ? » Une foule d’autres questions arrivèrent, qu’il ne sut contenir un sentiment de claustrophobie qui l’aurait propulsé dehors s’il ne l’avait contenu. Il prit sur lui et se leva pour sortir.

    Un garde s’interposa promptement. Ses épaules deux fois comme les siennes modifiaient quelque peu le dialogue. De sa poitrine, le gorille le repoussa. John II bégaya une révolte,mais deux étaux lui enserrèrent les bras et le soulevèrent de terre. Des coups de pieds volèrent. Tel un pantin désarticulé, ses membres s’agitèrent dans le vide. Il dut se calmer. Inutile de résister contre des biceps surentraînés. Quand le chiffre II apparut, le garde lui indiqua la porte. La force dissuasive n’avait pas de secret pour les deux acolytes. Ils le contraignirent à se soumettre.

    Dans le cabinet, John II attendit quelques minutes. Puis d’un haut-parleur, il entendit :

     » Bonjour ! Vous êtes accueilli ici, à la clinique Transplant. Nous vous souhaitons un bon séjour. Vous allez suivre un examen complet. Ne vous posez pas de questions, soyez tranquille, nous avons tous prévu. Détendez-vous, ne vous rebellez pas, vous ne pouvez pas sortir d’ici. Ne vous faites pas de films. Votre personnalité nous intéresse. Nous voulons simplement savoir vos intentions et vos projets.  »

    A son réveil, le haut-parleur donna de nouvelles informations. A l’endroit de ses bras où il avait été molesté, il ressenti une piqûre. Les gardes l’avaient certainement endormi.

     » Vous avez rêvé et nous sommes emparé de votre rêve. Ne craignez rien, nous cherchons une solution à la pollution. Nous agissons dans votre intérêt. Vous serez informé en temps et en heure de notre action, dit le haut-parleur. »

    – Non, mais ! Je rêve, à la Station Space, ils ont tout réinventé depuis 1000 ans.

    – 900 ans rectifia le haut-parleur.

    C’était plutôt rassurant, une amorce de dialogue…

  5. DUCORNETZ Claude dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite.
    On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection.
    Un homme lui avait souri plusieurs fois.
    Il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard. Une fois de plus.

    Le dernier qui avait essayer de la séduire en paraissait à peine 40, mais il en avait au moins 90 : elle savait reconnaitre presque de manière infaillible l’âge réel de ses interlocuteurs, grâce à la puce d’IA (Intelligence Artificielle) qu’on lui avait implanté près de l’œil. Mise au point par les ingénieurs du groupe clandestin Rebel Democraty, auquel Sinfonia appartenait depuis sa création, la puce de reconnaissance cornéenne permettait de déceler le degré d’opacité de la cornée, irrémédiablement liée à l’âge corporelle de la personne. Et ça la chirurgie n’y pouvait rien. Pour le moment encore.
    C’était un sacré avantage. D’autant que, malgré les espions gouvernementaux dont il fallait se méfier tout le temps, aucune autorité n’avait eu vent de l’existence de la puce.
    Sinfonia sourit en retour, mais sans ostentation, au dragueur impénitent juste pour pouvoir quelques instants le fixer droit dans les yeux, et donner à la puce le temps nécessaire à l’analyse.
    Le sourire de la post adolescente de 26 ans – avec l’allongement de la durée de vie, les autorités avaient fixé la fin de l’adolescence à 25 ans, ce qui correspondait d’ailleurs effectivement à la fin de la maturation du cortex frontal, selon les neuroscientifiques – s’élargit quand elle reçut dans son cerveau l’information cruciale : l’âge réel du beau mec, car elle venait d’en prendre conscience, il était plutôt beau, enfin beau comme elle les aimait, correspondait bien à son apparence, à 99% de probabilité. Le séduire ne sera qu’un jeu d’enfant, pensa-t-elle, en rivant ses yeux verts à ceux du bel homme, si intensément qu’elle le fit rougir légèrement.
    Sinfonia, brune élancée, grande comme l’était toutes les filles de sa génération, était consciente de l’effet qu’elle produisait sur les « mâles », c’est le mot qu’elle utilisait pour parler des hommes, quand elle décidait de sourire. D’habitude, son air renfrogné et sévère, décourageait les plus téméraires…
    Ce matin-là, elle avait parcouru en trottinant, comme chaque matin, au grand dam de ses amies qui estimaient que c’était folie d’aller respirer l’air vicié du bord de mer, la haute digue qui protégeait encore, tant bien que mal, son lotissement de la montée inexorable des eaux : mais pour combien de temps, pensa-t-elle ? Elle n’avait aucune raison de se réjouir. Sur la plage autrefois ouverte aux baigneurs – elle l’avait vu sur des documentaires rétrospectifs – s’accumulaient des monceaux de détritus nauséabonds, des déchets plus ou moins solides qui, propulsés par les vagues contre la digue accentuaient la lente dégradation.
    Selon les archives qu’avait pu consulter Sinfonia quand elle s’était intéressée au problème, la montée des eaux avait été terrible aux XXII et XXIIème siècles, submergeant bien des terres et grignotant un peu partout les continents puis le phénomène avait cessé dans les années 2500, elle n’avait pas compris pourquoi. Elle avait lu aussi que dans le temps, il y a bien longtemps, on y pêchait des poissons sauvages. Aujourd’hui, quand elle en mangeait, rarement, c’était des poissons d’élevage…
    Mais depuis quelques années l’eau des océans s’était remise à monter.
    Née au tournant du siècle, Sinfonia, comme presque toutes les filles désormais, était issue d’une technique de PMA, seule méthode, selon les autorités, pour faire naître plus de bébés de sexe féminin…
    Souriant toujours au « mâle » qui la fixait désormais de façon insistante, elle s’avança vers lui d’un pas décidé, avec l’assurance de celle qui sait que personne ne peut résister à son charme.
    Il lui sembla que l’homme pâlissait en la voyant s’approcher.
    Beau et timide en plus, se dit-elle, il a tout pour me plaire.
    « Bonjour ! » dit-elle simplement, et elle lui tendit la main, comme on le faisait autrefois, lui avait expliqué son grand-père, qui ne se risquait même plus, lui, à ce geste banni par les autorités : pour des raisons d’hygiène, parait-il, presque tout le monde avait adopté le discret penchement de tête asiatique.
    C’était une provocation habituelle chez les Rebels !
    A la stupéfaction de la jeune femme, l’homme lui tendit la main, dans un mouvement si naturel qu’elle crut, un instant, que c’était l’un des leurs.
    Pas possible, se dit-elle, je les connais presque tout, et celui-là, elle ne l’avait jamais vu, elle en était certaine : sa mémoire visuelle, peut-être à cause de la puce implantée, ne l’avait jamais trahie.
    La poignée de main aussi vigoureuse que chaleureuse qu’ils échangèrent la fit tressaillir et lui procura une émotion étrangement agréable : elle n’avait jamais ressenti ça !
    « Moi, c’est Henrik » dit-il sobrement, « Et toi ? ».
    « Sinfonie » balbutia-t-elle, troublée.
    « Comme celles de Mozart ? » ajouta Henrik, dubitatif. Il ne connaissait personne portant un tel prénom.
    « Moozarr ? » répéta Sinfonia, écorchant le mot, « c’est quoi, ou qui ? ». Elle avait cherché en vain dans sa mémoire, pourtant exceptionnelle une référence à ce mot ou ce nom. Mais rien.
    « Bah, un très ancien compositeur de musique génial » dit-il, comme si c’était une évidence.
    Elle se sentit bête, et elle lui en voulu. Bon, d’accord, il a bien l’âge de sa cornée, pensa-t-elle, mais il la ramène un peu, non ?
    « Je suis sûr que tu l’as déjà entendu, les autorités mettent ses symphonies à toutes les sauces » continua Henrik d’un ton doux se voulant conciliant. Il avait bien senti que la jeune femme s’était raidie.
    Mais elle venait de comprendre, alors elle lui lança malicieusement :
    « Moi, c’est Sinfonia, et tu verras, je suis géniale aussi mais à ma manière ».
    Ils éclatèrent de rire et se jetèrent dans les bras l’un de l’autre.
    En l’an 3026, quelque part dans le monde, près d’une plage maudite, souillée de déchets puants, malgré la montée destructrice des eaux, bien au-delà des interdits et les lois, quelque chose venait de se passer, immuable et profond : un coup de foudre amoureux !!

  6. LABROSSE dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite.
    On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection.
    Un homme lui avait souri plusieurs fois.
    Il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard. Une fois de plus.
    La loi était stricte : formellement interdit de franchir la zone, celle parsemée de rayures rouges et blanches… d’un côté de la palissade, des baies immenses, un triple vitrage protecteur. De ce côté-là, on avait aligné de jolis transats, vous pouviez observer l’intérieur de l’écosystème humanoïde sans vous mouiller les pieds !
    Le spectacle était saisissant, des monceaux d’ordures colorées qui tourbillonnaient sous l’effet des courants, en dessous une eau gluante, vaseuse, noirâtre …un écosystème marin au siècle dernier ! Une vidéo Haute Définition vous expliquait l’apocalypse, la catastrophe écologique du siècle dernier.
    Fort heureusement la science avait pu conserver quelques gènes de l’espèce homo erectus, des clones d’espèces endémiques du siècle passé, de drôles de personnes avec de grands pieds, de petites oreilles, une myriade de poils et une toute petite queue sur le devant, l’organe reproducteur des males indiquait l’affiche explicative… cela vous faisait presque sourire de voir ces petits bêtes se déplacer, nager, se cacher, se battre, parfois même s’accoupler, se caresser … Ils étaient là juste de l’autre côté de la vitre à vous observer, chevauchant de frêles esquifs, errants parmi les immondices flottants.
    C’est au cours d’une visite organisée par la faculté d’histoire naturelle, qu’elle l’avait aperçu nageant par les immondices putrides : un homo sapiens de toute beauté, des épaules de gladiateur, une posture de vainqueur, des yeux bleu opaline presque translucide. Il était formellement interdit d’entrer en contact avec cette espèce nuisible mais la jeune étudiante était tenace. Elle avait réussi à obtenir un visa de la part du musée d’histoire naturelle pour étudier l’espèce du siècle dernier. Elle pouvait emporter l’espèce chez elle pendant quinze jours, le temps du prêt. Bien évidemment celui-ci serait doté d’un bracelet électronique pourvu d’une diode électro sensible qui pouvait neutraliser le spécimen emprunté au moindre geste d’agressivité. L’entretien du bipède était simple : de l’eau dans une petite écuelle, un plat de pâtes bio journalier (60 grammes max) avec quelques graines de fenouil pour éviter la méthanisation intempestive liée à cette espèce, et quelques feuilles de cannabis en fumigation pour libérer la parole.
    Son sujet d’étude portait sur le sentiment amoureux, vaste domaine qui semblait avoir été l’un des critères prédominant de cette espèce. Un phénomène fort troublant car à présent le monde était doté d’une carte génétique pré programmé à la naissance. Il en résultait une absence totale d’un quelconque sentiment névrotique, votre génome inhibait tous stimuli extérieurs. Vous pouviez penser mais uniquement de manière pragmatique, cartésienne, l’influx émotionnel avait été effacé de la carte.
    Voici le résultat de son expérience : « extrait de la cellule B612 du cortex d’Elisabeth Fleming «
    Après quelques jours d’observation le bipède tournait en rond dans mon petit appartement, il avait même essayé de s’échapper par une fenêtre, il semblait terrorisé à mon approche. Pourtant lorsque je fis une tentative pour le caresser, il se laissa faire. Je l’entendis presque ronronner et émettre de petits gémissements. Souvent à la tombée de la nuit, il venait se blottir contre mon bas ventre et se mettait à geindre. (Dans la terminaison propre à l’espèce on utilise le terme « séduction » qui caractérise cette première phase). Dans un second temps, l’espèce utilisait avec frénésie une logorrhée répétitive et redondante de : « Je t’aime «. Pour le stopper dans cette spirale, j’utilisais un jet d’eau froide ou une cuillère de moutarde. Radical ! Parfois après cet intermède, je l’entendais gémir alors il me fallait renouveler le protocole depuis la phase numéro Un.
    C’est seulement après avoir loué une espèce à longue chevelure blonde que je pus faire de belles observations : le male doté d’une petite queue (pour rappel) jetait de drôles d’œillades à la nouvelle recrue, il semblait fermer un œil par intermittence en gardant l’autre ouvert. Puis avec délicatesse, un peu comme un félin il s’approchait de la femelle. Parfois il utilisait sa main pour écrire quelques hiéroglyphes à son intention. Enfin après quelques jours il s’approcher de plus en plus près et venait lui murmurer des borborygmes langoureux à l’oreille. Pour clore le scénario, le male empalait l’espèce à longue chevelure. Par la suite le protocole se réduisait à un simple coït. Il me fallut utiliser fréquemment de nouvelles espèces à chevelures variées pour étudier le protocole dit amoureux.
    A signaler que ce protocole ne fonctionne pas avec les spécimens plus vétustes, à chevelure blanche. Il m’arriva de confondre l’un d’entre eux avec une espèce plus jeune d’une trentaine d’année, celui-ci fut certainement un prototype pourvu de chirurgie esthétique.
    Toutefois lorsque j’eus rendu définitivement l’espèce au muséum, j’eus comme un petit battement de cœur impromptue, et fut surprise de constater un liquide sirupeux et chaud s’épandre le long de ma joue. Un frisson presque agréable me parcourut l’échine et le bas ventre. J’eus presque envie de crier. Lorsque je rentrais chez moi j’aperçus sur mon lit une lettre à mon intention.
    Cela me fit l’effet d’un électrochoc, mes circuits se mirent à clignoter, de petits étincelles parcouraient l’ensemble de mon épiderme, j’atteignais une température interne de 451° fahrenheit. Je me dépêchais de trouver mon docteur informaticien qui changea quelques diodes et tout revenu dans l’ordre.
    Lorsque j’exposais ma thèse à mon maitre de stage, celui-ci fut étonné d’une telle expérience et me pria de ne point publier l’ouvrage cela pourrait perturber l’ordonnancement du nouveau monde !

  7. LABROSSE6 dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite.
    On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection.
    Un homme lui avait souri plusieurs fois.
    Il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard. Une fois de plus.
    La loi était stricte : formellement interdit de franchir la zone, celle parsemée de rayures rouges et blanches… d’un côté de la palissade, des baies immenses, un triple vitrage protecteur. De ce côté-là, on avait aligné de jolis transats, vous pouviez observer l’intérieur de l’écosystème humanoïde sans vous mouiller les pieds !
    Le spectacle était saisissant, des monceaux d’ordures colorées qui tourbillonnaient sous l’effet des courants, en dessous une eau gluante, vaseuse, noirâtre …un écosystème marin au siècle dernier ! Une vidéo Haute Définition vous expliquait l’apocalypse, la catastrophe écologique du siècle dernier.
    Fort heureusement la science avait pu conserver quelques gènes de l’espèce homo erectus, des clones d’espèces endémiques du siècle passé, de drôles de personnes avec de grands pieds, de petites oreilles, une myriade de poils et une toute petite queue sur le devant, l’organe reproducteur des males indiquait l’affiche explicative… cela vous faisait presque sourire de voir ces petits bêtes se déplacer, nager, se cacher, se battre, parfois même s’accoupler, se caresser … Ils étaient là juste de l’autre côté de la vitre à vous observer, chevauchant de frêles esquifs, errants parmi les immondices flottants.
    C’est au cours d’une visite organisée par la faculté d’histoire naturelle, qu’elle l’avait aperçu nageant par les immondices putrides : un homo sapiens de toute beauté, des épaules de gladiateur, une posture de vainqueur, des yeux bleu opaline presque translucide. Il était formellement interdit d’entrer en contact avec cette espèce nuisible mais la jeune étudiante était tenace. Elle avait réussi à obtenir un visa de la part du musée d’histoire naturelle pour étudier l’espèce du siècle dernier. Elle pouvait emporter l’espèce chez elle pendant quinze jours, le temps du prêt. Bien évidemment celui-ci serait doté d’un bracelet électronique pourvu d’une diode électro sensible qui pouvait neutraliser le spécimen emprunté au moindre geste d’agressivité. L’entretien du bipède était simple : de l’eau dans une petite écuelle, un plat de pâtes bio journalier (60 grammes max) avec quelques graines de fenouil pour éviter la méthanisation intempestive liée à cette espèce, et quelques feuilles de cannabis en fumigation pour libérer la parole.
    Son sujet d’étude portait sur le sentiment amoureux, vaste domaine qui semblait avoir été l’un des critères prédominant de cette espèce. Un phénomène fort troublant car à présent le monde était doté d’une carte génétique pré programmé à la naissance. Il en résultait une absence totale d’un quelconque sentiment névrotique, votre génome inhibait tous stimuli extérieurs. Vous pouviez penser mais uniquement de manière pragmatique, cartésienne, l’influx émotionnel avait été effacé de la carte.
    Voici le résultat de son expérience : « extrait de la cellule B612 du cortex d’Elisabeth Fleming «
    Après quelques jours d’observation le bipède tournait en rond dans mon petit appartement, il avait même essayé de s’échapper par une fenêtre, il semblait terrorisé à mon approche. Pourtant lorsque je fis une tentative pour le caresser, il se laissa faire. Je l’entendis presque ronronner et émettre de petits gémissements. Souvent à la tombée de la nuit, il venait se blottir contre mon bas ventre et se mettait à geindre. (Dans la terminaison propre à l’espèce on utilise le terme « séduction » qui caractérise cette première phase). Dans un second temps, l’espèce utilisait avec frénésie une logorrhée répétitive et redondante de : « Je t’aime «. Pour le stopper dans cette spirale, j’utilisais un jet d’eau froide ou une cuillère de moutarde. Radical ! Parfois après cet intermède, je l’entendais gémir alors il me fallait renouveler le protocole depuis la phase numéro Un.
    C’est seulement après avoir loué une espèce à longue chevelure blonde que je pus faire de belles observations : le male doté d’une petite queue (pour rappel) jetait de drôles d’œillades à la nouvelle recrue, il semblait fermer un œil par intermittence en gardant l’autre ouvert. Puis avec délicatesse, un peu comme un félin il s’approchait de la femelle. Parfois il utilisait sa main pour écrire quelques hiéroglyphes à son intention. Enfin après quelques jours il s’approcher de plus en plus près et venait lui murmurer des borborygmes langoureux à l’oreille. Pour clore le scénario, le male empalait l’espèce à longue chevelure. Par la suite le protocole se réduisait à un simple coït. Il me fallut utiliser fréquemment de nouvelles espèces à chevelures variées pour étudier le protocole dit amoureux.
    A signaler que ce protocole ne fonctionne pas avec les spécimens plus vétustes, à chevelure blanche. Il m’arriva de confondre l’un d’entre eux avec une espèce plus jeune d’une trentaine d’année, celui-ci fut certainement un prototype pourvu de chirurgie esthétique.
    Toutefois lorsque j’eus rendu définitivement l’espèce au muséum, j’eus comme un petit battement de cœur impromptue, et fut surprise de constater un liquide sirupeux et chaud s’épandre le long de ma joue. Un frisson presque agréable me parcourut l’échine et le bas ventre. J’eus presque envie de crier. Lorsque je rentrais chez moi j’aperçus sur mon lit une lettre à mon intention.
    Cela me fit l’effet d’un électrochoc, mes circuits se mirent à clignoter, de petits étincelles parcouraient l’ensemble de mon épiderme, j’atteignais une température interne de 451° fahrenheit. Je me dépêchais de trouver mon docteur informaticien qui changea quelques diodes et tout revenu dans l’ordre.
    Lorsque j’exposais ma thèse à mon maitre de stage, celui-ci fut étonné d’une telle expérience et me pria de ne point publier l’ouvrage cela pourrait perturber l’ordonnancement du nouveau monde !

  8. Beryl Dey Hemm dit :

    L’an 3000 !! On avait tellement déliré à l’approche de l’an 2000, et embrassé avec conviction les perspectives les plus pessimistes liées au climat de l’époque ! Et voilà que l’an 3000 était déjà là sans que personne n’ait le temps de s’alarmer. Il faut dire qu’on avait passablement brouillé la perception du temps depuis, par des expériences spatio-temporelles, des voyages dans des « trous de vers » – la dernière lubie touristique – , un allongement démesuré de l’espérance de vie…
    A tel point qu’on fêtait ceux qui parvenaient à mourir dans une kermesse mémorable, qui rassemblait toutes leurs connaissances, forcément nombreuses à l’heure de l’interconnexion.

    Lucie avait pris soin de préparer son prochain périple à l’avance, en louant sans tarder les cordes indispensables pour explorer les fameux trous de ver. Elle avait surtout embauché un guide expérimenté, à cause du risque majeur de se perdre, car elle savait que le moindre petit décalage dans le trajet pouvait vous faire dériver de quelques milliers d’années. Un problème à ne pas prendre à la légère, d’autant que les assurances rapatriement s’avéraient inefficaces dans ce cas.
    Normalement elle s’absenterait l’équivalent de 2 mois terrestres. Mais elle prévoyait une extension possible de la durée sans angoisse : Si elle se retrouvait dans un autre temps, elle se referait des amis facilement.
    Ici ou ailleurs…
    De toutes manières la notion de famille n’avait plus cours  depuis belle lurette: Les enfants naissaient en laboratoire, de l’éprouvette à la couveuse, et leurs premiers mots étaient pour choisir leur âge de référence à vie.
    Et puis c’était si simple à présent de lier connaissance. Puisqu’aucune conséquence ne s’ensuivait. Il suffisait de tenter.
    Comme ce type il y peu, qui s’était même risqué à lui sourire plusieurs fois de suite ! Il prenait un gros risque en faisant cela, même si désormais les liftings garantissaient ent l’élasticité de la peau. Mais une déchirure pouvait se produire aux commissures des lèvres, toujours fragiles, avec le risque d’ une opération complète.
    Il fallait qu’il soit mordu !
    Elle lui avait répondu par un petit sourire en coin, ne lui laissant rien espérer de précis. Il était plutôt séduisant, la trentaine en apparence – Peu importait son âge véritable ! Elle même avait 120 ans et gardait l’apparence de 25 qu’elle avait choisie – Plus âgé, il aurait eu l’expérience en plus, simplement . Un atout apréciable !
    Lucie déplia l’immense serviette éponge qu’elle avait amenée et s’étala de tout son long sur sa surface moelleuse.
    Elle se sentait parfaitement en phase avec le monde qu’elle habitait.
    Un monde où la guerre n’existait plus. Car si un conflit s’annonçait il suffisait de se réfugier dans un autre temps pour le désamorçer, faute de combattants. Un monde sans lutte sociale : Les moyens de survie étaient alloués à chacun, selon ses besoins, et personne ne manquait de rien. Un monde sans dispute : on changeait d’amis comme de chemise.
    Tout ce qui comptait, c’était ici et maintenant, à tout instant.
    Lucie se retourna et admira le bord de mer impeccablement reproduit derrière une immense vitre protectrice. Il faisait doux, une température idéale de 25° maintenue en permanence. Une mer d’un bleu intense, dont on avait appuyé la couleur à l’aide d’indigo mêlé à l’eau, se soulevait en vaguelettes légères, qui s’épanchaient sur la plage, soulignées par une crête d’ écume immaculée en polystyrène. Le sable était rendu par des granules très fins de plastique coloré du rose pâle à l’or. Le tout scintillait dans la lumière zénithale d’un projecteur géant stationné sur orbite, qui avait depuis longtemps remplacé le soleil, accusé par son rayonnement ultra-violet de nuire à la santé humaine, maintenant que la couche d’ozone avait définitivement disparu.
    Quelques mauvaises langues prétendaient que ce paysage empestait. Bien sûr on avait essayé d’intégrer des poissons dans cette mer mais ils n’avaient pas supporté le changement de leur milieu naturel et avaient crevé au milieu des flots. Les poissons étaient des animaux trop rustiques, antédiluviens, sans aucune capacité d’adaptation !
    Lucie, elle, était parfaitement adaptée à cette vie, et se perdait dans sa contemplation. C’était comme une immense œuvre d’art, comme un tableau de maître à l’intérieur d’un musée. Dans les musées aussi on protége les toiles derrière des vitres. Pourtant, qui ne rêve pas de passer derrière et d’entrer à l’intérieur?
    C’est impossible.
    Et personne pourtant ne s’en offusque.
    Et puis… Pour être interprétées par des pinceaux de couleurs sur des toiles par les grands maîtres, les « marines » artificielles des peintres sont-elles moins belles que ce que nous offre la Nature?
    Ainsi pensait Lucie.
    Mais nous étions à une autre époque.

  9. Clémence dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite. On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection. Un homme lui avait souri plusieurs fois, il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard. Une fois de plus…

    « Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite. On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection. »

    « Un homme lui avait souri plusieurs fois, il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard…. » 

    Une fois de plus, elle répéta une opération qui était devenu routinière. Copier-coller.
    Elle frappa d’un poing rageur sur la table et cria : 
    –  Cela ne s’arrêtera donc jamais !
    – De quoi parles-tu ?
    – De ces stupidités. De ces fake news….
    – Ah… et c’est quoi cette fois ?

    Elle fit pivoter son ordinateur et lui montra ce qui s’affichait sur l’écran.
    – Et dire qu’il y en a qui vont encore gober cela, avaler comme du pain bénit, murmura-t-elle…
    – A propos, comment écris-tu « bénit », t ou pas ?
    – A la menthe, il n’y a rien de mieux pour se rafraîchir par cette canicule.

    Il en resta bouche bée ! Après quelques secondes, il se risqua à demander :
    – Quoi d’autre comme fake….
    – Non merci, le cake est un gâteau trop … étouffant !
    – Désires-tu autre chose ?
    – Je me demande s’ils ne se sont pas trompés dans les chiffres….3000…
    – Non, je ne crois pas, la loterie, c’est un système infaillible et sous contrôle…impartial…

    Agacée, elle reprit :
    – Non, je te dis, les chiffres, la date, ne trouves-tu pas que c’est un peu éloigné ?
    – On pourrait effectivement le voir sous cet angle-là, dit-il songeur.
    – Je me demande tout de même d’où peuvent sortir ces balivernes !
    – Crois-moi, ce n’est pas difficile ! Tu prends un petit truc plausible et tu le transformes au max. Plus c’est gros, plus ça passe !

    Leurs visages s’illuminèrent simultanément.
    – Et si….
    – Chiche !
    – Qui de nous deux commence ?
    – Toi !!!!

    Et le jeu de massacre commença. Tour à tour, ils détachaient une partie de leur corps reconstitué et lançaient une fake news….
    Les oreilles indétectables, les yeux connectés et orientables à 360 degrés, l’odorat à longue distance, la peau choisie sur catalogue, le système circulatoire thermo-régulable, les membres interchangeables…
    Absorbés par leurs surenchères, ils ne se rendirent pas compte qu’ils s’auto-détruisaient.
    Il ne leur resta que leur âme pour pleurer.
    Pleurer une Terre qui avait été un paradis,
    Pleurer un monde où ils croyaient en être les dieux.

    … une larme minuscule tomba dans une anfractuosité.
    Elle, elle n’attendait que cela.
    Leur rencontre fut magique. Leur certitude inébranlable.
    Elles savaient que ce serait long, très long…

    © Clémence.

    • Grumpy dit :

       » le jeu de massacre … ils s’autodétruisaient  » =
      Excellent paragraphe.
      Ce sujet ne m’inspire pas, je suis restée à 2001 Odyssée de l’espace et m’y trouve mieux auprès de mon vieux Stanley.

  10. Odile Zeller dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite. On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection. Un homme lui avait souri plusieurs fois, il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard. Une fois de plus, elle s’approcha du mur des protections, c’était là que … l’homme regardait dans la même direction qu’elle, leurs regards se croisèrent. Elle estima en se concentrant sur la forme des rides et le pli de la peau qu’ils avaient le même âge. Pour avoir encore quelque influence elle avait accepté de se rajeunir une ou deux fois. C’était le grand jour elle pourrait accéder aux rives de la mer et faire quelques pas vers son village. Elle passerait une après midi avec eux. Quand la petite porte s’entrouvrit il était là près d’elle, lui laissant poliment le passage. Du même pas ils descendirent le petit chemin et obliquèrent vers le village caché. Quelques enfants joyeux mais ralentis par une claudication les accueillirent : mamie, grand-oncle Tom …. ils partagèrent les dernières nouvelles et un repas. Elle se pencha enfin vers le nouveau né, sortit une trousse garnie de différents tests qu’elle effectua un à un. Le silence l’entourait à chaque manipulation. Elle se redressait, heureuse, à chaque résultat positif. Quand enfin elle eut toutes les réponses, elle annonça que tout était excellent, des applaudissements retentirent que la maman interrompit. Cette jeune femme demandait à réfléchir, le papa à côté d’elle hocha la tête.
    L’oncle Tom se retira avec elle. Ils savaient que de l’autre côté les bébés vivaient ensemble, nés sous éprouvettes, leurs parents ignoraient jusqu’à leur existence. Ici les familles vivaient encore à l’ancienne. C’était une décision difficile même si elle aurait le droit de rendre visite au petit et de l’élever quelque temps.

    Ils repartirent à pas pesants avec l’enfant dans les bras. Ils reviendraient dans un an avec le bébé si l’autorisation leur était accordée. Le grand oncle tenait sa main, il souriait avec gravité.

  11. Blackrain dit :

    Une fois de plus elle usa de son subterfuge. Elle l’apostropha sans y mettre de guillemets :
    – Est-ce tes tiques qui déforment ton visage ?
    L’homme se décomposa au propre comme au figuré. Il se vit bientôt défiguré dans le miroir de poche, de la marque « Dorian Gray », que lui présenta la perfide jeune femme. Elle l’avait vu sur le canard « Le bon coin-coin » avant de l’acheter sur Internénette. Il s’enfuit en boitant sur des jambes tremblantes. Après avoir souri verte, verte de sa désillusion, elle regarda la mer avec l’amertume de son manque de tunes. Elle s’imaginait partir en vacances dans la mer dépolluée. Un rêve accessible uniquement aux membres du parti prix ainsi qu’aux industriels véreux qui s’étaient tournés vers eux. Le voyage d’Etat était en l’état la seule alternative. Elle qui était native d’un milieu populaire et contestataire, n’avait plus qu’à se taire et à supporter le chômage. Naguère, en écoutant un chaud mage elle avait connu la magie de l’espoir. Mais l’homme n’était qu’un faux mage, un faux mage de Hollande sur qui elle n’avait pu comté. Le rock fort avait rapidement coulé en camembert devant les Mont d’or de la finance. Depuis la plaine, la pollution avait gagné les « monts sans taux » d’imposition ni aucune autre contrainte. Les vagues charriaient des montagnes d’immondices sous de vagues atermoiements de politicards corrompus. Ils se trainaient dans l’hémicycle, le corps rompu par les injections d’anti culpabilisants et d’anti vieillissants. Déçue de la politique elle se consacrait à la peau lyrique, la peau d’un bel éphèbe qui lui chanterait le plaisir, un état polisson qui lui ferait oublier cet état policier qu’était devenue la fédération européenne.

  12. Maryse Durand dit :

    Pourtant, sa démarche élastique semblait confirmer la trentaine que Jean lui avait attribué de prime abord. L’homme longeait le mur et, sans plus réfléchir, Jean se mit à le suivre à distance. Il semblait chercher une faille dans ce mur, une brèche dans laquelle s’engouffrer. Pourquoi voulait-il passer outre, le mur était là pour protéger ?
    Comme l’homme s’arrêtait, Jean décida de l’aborder… Sa curiosité avait été mise à mal. Mais à la première question, l’homme secoua la tête… un étranger ! Physiquement, il ne se différenciait pas de la population environnante, à peine plus grand peut-être… Alors l’homme se mit à exécuter une sorte de pantomime, montrant la mer, mimant les flots, une fumée peut-être ? Un bateau ! Il cherchait un bateau… La navigation, quasiment réduite à zéro, était strictement contrôlée… La déambulation le long du mur reprit, avec un Jean de plus en plus perplexe. Pourquoi suivait-il cet individu ? Qu’est-ce qui pouvait bien le fasciner dans cet homme à la mise modeste, à l’apparence passe-partout d’un quelconque quidam ? Il ne saurait le dire, mais il marchait, en silence, à côté de l’inconnu, qui, se tournant vers lui se présenta : « Jens », en se frappant la poitrine. « Jean », répondit Jean, souriant devant la similitude des prénoms. Un nordique ? Mais soudain l’homme, regardant par-dessus le mur fit un petit saut joyeux. Se tournant vers Jean, il lui mit dans la main un petit objet qu’il avait extirpé de sa poche, lui tapa amicalement sur l’épaule en souriant, et, tout en souplesse, escalada le mur. Disparu ! Se haussant sur la pointe des pieds, Jean aperçut une fumée s’élevant au loin au-dessus de la mer, et, plus près de lui, une grande barque vers laquelle l’homme courait à vive allure. Regardant dans sa main, il vit alors une antique pièce de monnaie. De nos jours, on n’utilisait plus du tout d’argent, mais sa passion pour les choses du passé lui aida à reconnaître une couronne de Norvège. Il voulut tendre la main par-dessus le mur, mais la barque était déjà loin, bien trop loin !
    Alors, trainant un peu les pieds, Jean, serrant la précieuse pièce dans sa main, reprit à regret le chemin du retour, la tête pleine de questions auxquelles nul ne saurait jamais apporter de réponses…

  13. Souris verte dit :

    🐀🤔 LA RUE DU LAVEMENT.
    Dans ce pays tout en hauteur et sans lieu d’aucun culte les habitants se pliaient aux fondements établis selon la loi du ‘ faute avouée est pardonnée’. Oui mais à qui se confier ?
    Sur cette route pavée d’embûches le grand sage architecte avait dès l’an 3000 fait construire en haut du pays un barrage qui coupait court au ruissellement des mauvaises intentions dévalant la colline le long de la rue du lavement.
    Peu nombreux au début, les autochtones venaient s’y rincer la conscience, la mauvaise surtout ! jusqu’à ce que, se sentant plus légers, ils partent en s’envolant joyeusement comme des ballons..
    Mais ça se sut !
    Surpris, les voisins voulurent voler aussi et vinrent déverser leurs larmes de contrition dans ce ru qui peu à peu se fit torrent…
    Trop de pleurs, trop de turpitudes, il fallut murer pour canaliser cette eau chargée de toutes les jalousies, mesquineries, mains aux fesses et autres bassesses. Je dirais même que ça commençait à sentir mauvais. Le grand sage, dans la construction, inclua entre les pierres des fragments de verres pour que les anciens repentis puissent voir au travers et se souvenir de leurs méfaits afin de ne pas être tentés de recommencer.
    Le gars Louis pouvait ainsi revoir ‘ à plaisir ‘ le jour où il avait culbuté la fermière ! mais il repartait bien vite au moment où celle-ci lui avait filé une sacrée tannée, claque dont elle s’était repentie par la suite.
    Mais ça se sut !!!
    En vieillissant, elle était venue voir avec le Louis qui l’aidait à monter la côte, le souvenir de leurs ébats !!! Mais elle, la matine restait jusqu’au bout de la claque et repartait le cœur en fête en se tapant sur les cuisses  » bougre de saligaud va !!! » dans le fond, c’était pas un si mauvais moment que ça !!!
    Le vieux sage avait entre-temps souscrit à l’envie d’une nouvelle jeunesse et fait appel au bistouri du Grand Coupeur de rides assisté du Grand Lisseur de peau… Jeune et beau maintenant, assis sur son mur il leur sourit…
    Il avait compris qu’en fait, il avait réinventé une émission qui avait fait chou gras 1000 ans auparavant : la téléréalité. 🐀🤔

  14. isa mantel dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite. On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection. Un homme lui avait souri plusieurs fois, il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard échappé de sa capsule ?……….
    Ondine était engagée depuis peu comme fonctionnaire intergalactique au sein du service « régulation vitale ». Ce dernier avait été crée au milieu des années 2540 lorsqu’une loi conçue par un algorithme ultra performant, imposa comme alternative à l’endettement mondial : la limite d’âge sur le sol. Tout individu de plus de 60 ans devait trouver asile sur une autre galaxie, ou disparaître à jamais de la planète bleue. C’est ainsi qu’une milice fût instaurée pour partir à la chasse au vieux et faire le nettoyage nécessaire pour faire respecter la loi. Dès qu’une personne de plus de 60 ans était repérée, elle était mise en détention pour vérifier si son acte de mort programmée était bien enregistré ou si sa demande d’exil dans une autre galaxie avait aboutie. Quand tout était en ordre une étoile dorée était épinglée à leurs vêtements. Le cas échéant, les vieux étaient directement envoyés dans une capsule en orbite près d’un trou noir dans la galaxie. La mise en place fût difficile. La population terrestre s’indignait et résistait cachant les vieux ou s’opposant corps et âme à l’application de la loi. Avec le temps comme toujours dans l’histoire humaine, la loi fût mise en place et après quelques décennies, on pu même oublier que des milliards de personnes âgées avaient un jour foulés les terres de la planète bleue. La milice disparue. Les délinquants seniors étaient de moins en moins fréquents. Le service public « régulation vitale » fût mis en place avec pour rôle unique l’observation de l’application de la loi.
    Ondine s’ennuyait dans ce travail. La seule activité du service restait l’observation de l’activité terrestre dans l’attente de son extinction. Plus aucun départ ne fut programmé. Les nouvelles générations avaient trouvé des solutions alternatives et vivaient dans d’autres galaxies. La planète terre était déserte. Seuls de grands murs de protection entouraient les flots empuantis de cette planète autrefois gorgée d’eau bleue. Pour passer l’ennui, Ondine s’amusait chaque jour à imaginer une vie, un souffle, une histoire, une rencontre, un sourire ……

  15. isa mantel dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite. On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection. Un homme lui avait souri plusieurs fois, il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard échappé de sa capsule ?…….

    Ondine était engagée depuis peu comme fonctionnaire intergalactique au sein du service « régulation vitale ». Ce dernier avait été crée au milieu des années 2540 lorsqu’une loi conçue par un algorithme ultra performant, imposa comme alternative à l’endettement mondial : la limite d’âge sur le sol. Tout individu de plus de 60 ans devait trouver asile sur une autre galaxie, ou disparaître à jamais de la planète bleue. C’est ainsi qu’une milice fût instaurée pour partir à la chasse au vieux et faire le nettoyage nécessaire pour faire respecter la loi. Dès qu’une personne de plus de 60 ans était repérée, elle était mise en détention pour vérifier si son acte de mort programmée était bien enregistré ou si sa demande d’exil dans une autre galaxie avait aboutie. Quand tout était en ordre une étoile dorée était épinglée à leurs vêtements. Le cas échéant, les vieux étaient directement envoyés dans une capsule en orbite près d’un trou noir dans la galaxie. La mise en place fût difficile. La population terrestre s’indignait et résistait cachant les vieux ou s’opposant corps et âme à l’application de la loi. Avec le temps comme toujours dans l’histoire humaine, la loi fût mise en place et après quelques décennies, on pu même oublier que des milliards de personnes âgées avaient un jour foulés les terres de la planète bleue. La milice disparue. Les délinquants seniors étaient de moins en moins fréquents. Le service public « régulation vitale » fût mis en place avec pour rôle unique l’observation de l’application de la loi.
    Ondine s’ennuyait dans ce travail. La seule activité du service restait l’observation de l’activité terrestre dans l’attente de son extinction. Plus aucun départ ne fut programmé. Les nouvelles générations avaient trouvé des solutions alternatives et vivaient dans d’autres galaxies. La planète terre était déserte. Seuls de grands murs de protection entouraient les flots empuantis de cette planète autrefois gorgée d’eau bleue. Pour passer l’ennui, Ondine s’amusait chaque jour à imaginer une vie, un souffle, une histoire, une rencontre, un retour, un sourire …….

  16. Ophélie E. dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite.
    On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection.
    Un homme lui avait souri plusieurs fois.

    Il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard. Une fois de plus elle était dans le doute.

    Célibataire depuis plusieurs mois, elle avait renoncé à chercher l’âme sœur depuis que des hologrammes se présentaient dans son appartement à des heures parfois totalement indues. Depuis huit jours, elle avait résilié son abonnement à ce site de rencontres où, après avoir fait son choix parmi des dizaines de photos en 3D, elle ne rencontrait que des hommes parfaits physiquement mais, qui à l’usage, s’avéraient plus que flapis. Selon elle, rien ne valait une belle rencontre en chair et en os. Aussi, en ce 30 juin 3010 se baladait-elle sur ce qui restait de cette plage où elle aimait tant lézarder avant le cataclysme.

    Tout sourire, il l’aborda et se présenta. Il était jeune, charmant, beau, intelligent, un rien flatteur sur les attraits de sa jeunesse et, ce qui n’était pas pour lui déplaire, bourré d’humour. Pour balayer tout soupçon et en parfaite ingénue, elle lui demanda :

    – Que faisiez-vous dans les années 50 ?

    – En 52, vu que j’étais au chômage, j’ai créé ma propre start-up, répondit-il fier comme Viala.

    – Ah ! Comme c’est curieux, s’exclama-t-elle. C’est l’année où j’ai débuté ma carrière d’enseignante.

  17. iris79 dit :

    Ce monde était truffé de faux-semblants. La vérité n’était qu’un lointain concept du passé. Evoquer les souvenirs était interdit et très sévèrement puni par le pouvoir en place.

    « Ne pas se fier aux apparences » était la première phrase que les parents inculquaient à leurs enfants. Ils leur donnaient quelques stratégies pour démasquer les mensonges, les arnaques, les pièges divers et variés et tous les dangers du quotidien.

    Peu de place à la fantaisie, au laisser-aller, à l’émerveillement des choses simples. Tout était sous contrôle, d’un robot, d’une caméra, d’un pouvoir…

    Eduquer à l’authenticité relevait d’une notion philosophique reléguée dans des ouvrages devenus interdits et pratiquement impossible à trouver.

    Les seules espaces de liberté étaient ceux qu’offraient les univers virtuels dans lesquels ils accédaient par le sommeil en ayant absorbé avant le coucher une pilule fluorescente qui se vendait une fortune au marché noir…Grâce à ce procédé, ils pouvaient aussi voyager dans l’espace temps, revivre pour quelques heures des tranches de vie de leurs aïeux, événements doux ou violents, certains en prenaient le risque juste pour se sentir au moins pour un instant pleinement vivants.

    Ils en revenaient bouleversés parfois choqués,enthousiasmés, et même parfois avec la sensation étrange et inoubliable d’être libres ! Ce sentiment spécial créait une dépendance dont il était impossible de se défaire et c’est ce qui les maintenaient en vie à une époque où il était si facile de la quitter.

    Certains allaient rechercher des moments précis de l’ existence d’un lointain passé et fomentaient le projet fou d’y rester.

    D’autres travaillaient en secret sur des procédés très évolués qui pourraient leur permettre de fuir dans le futur afin d’y construire un avenir plus sûr…

  18. Camomille dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite.
    On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection.
    Un homme lui avait souri plusieurs fois. 
    Il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard. Une fois de plus….une fois de plus !
    Mais l’homme qui semblait avoir 30 ans continuait de lui sourire,
    et ce sourire la ravissait d’aise…….
    elle avait pris l’habitude de garer sa soucoupe dans ce parc au gazon synthétique tous les après-midi, toujours au même endroit : ciel n°3 « voie lactée »
    Certes, la baignade était interdite mais…..
    l’homme qui semblait avoir 30 ans gérait le parc,
    et lui avait souri plusieurs fois.
    Aujourd’hui, beaucoup de soucoupes tourbillonnent à l’affût d’un emplacement et l’homme est particulièrement occupé, car aujourd’hui c’est la fête de la musique.
    Une très ancienne fête qui date…. qui date…. on ne sait plus d’ailleurs? Elle a toujours existé semble-t-il ?
    L’occasion pour Elle de jouer de la cornemuse derrière le mur de protection afin de séduire l’homme qui semble avoir 30 ans et qui lui a souri plusieurs fois…
    Elle a revêtu son paréo multicolore, a accroché des fleurs en tissu dans sa superbe chevelure ondulée auburn…
    son cœur est en émoi, elle va jouer de la cornemuse pour l’homme du parc.
    Mais l’homme du parc est débordé aujourd’hui……
    Un sourire, juste un sourire espère-t-elle.
    ciel N°3 « voie lactée»
    garer la soucoupe
    aérer sa superbe chevelure
    prendre sa cornemuse
    ne pas oublier sa partition
    ne pas oublier de gonfler une réserve d’air
    ne pas oublier de ne pas gonfler les joues
    ne pas oublier …. ne pas oublier qu’elle a 112 ans.

    CAMOMILLE

  19. Laurence Noyer dit :

    Puzzle

    An 30, toute chirurgie fut interdite.
    On avait le droit de se méfier des ans, des hommes,
    abrités derrière un flot de murs.
    Un juste lui avait souri plusieurs fois, empuanti
    Il semblait avoir 3000 protections,
    Peut-être était-ce un progrès
    Mais il fallait entrevoir qu’une fois de plus la baignade esthétique avait fait de tels vieillards

  20. durand dit :

    Dès l’an 3000, toute baignade fut interdite. On avait juste le droit d’entrevoir les flots empuantis, abrités derrière un mur de protection. Un homme lui avait souri plusieurs fois, il semblait avoir 30 ans, mais la chirurgie esthétique avait fait de tels progrès qu’il fallait se méfier. Peut-être était-ce un vieillard. Une fois de plus la réalité avait dépassé la fiction.

    De fait, l’homme avait souri sur commande. Installé dans son fauteuil électrique, c’est sa compagne qui le dirigeait à distance. La société du moment avait encore un peu plus inscrit le sourire béat dans la norme. Et tout un chacun se devait de sourire, de gré ou de force.

    Ce jour-là, il devait se montrer heureux, car pour la première fois, il allait participer à l’enduro du Touquet. Les motos avaient été balancé depuis longtemps ou transformé en grille-biscottes. Mais la tradition de la course avait perduré, car faute de manger du cochon, supprimé de la consommation pour cause de pollution aggravée, on avait conservé la tradition.

    Il était clairement inscrit sur le fronton de la mairie-kursaal que « Tout est bon dans la tradition ».

    La plage et les dunes ayant été récemment bétonnés, l’épreuve se montrait plutôt symbolique. A quoi bon ,il est vrai, aligner 120 fauteuils roulants pour les faire gambader 120 heures dans le froid de l’été ?

    D’après les autorités, c’était juste pour entretenir les liens des couples. Même si depuis 5 ans, la compagne n’était plus qu’un robot programmé pour l’amoumour.

    Le vainqueur recevait un oyat d’or, une année de biscottes gratuites et une citerne d’eau potable.

    Depuis l’écroulement de la Sérénité Sociale et l’explosion du tarif des Réciproques, plus grand monde n’avait la possibilité de s’offrir un dentier. Et vu que la tambrouille de survie, chargée en éléments toxiques vous rongeait les dents en moins de six ans, le sourire éclatant de banquise n’était plus de mise pour le commun des citoyens.

    Sinon, on votait encore, car le pouvoir, pour remplir les bennes de l’Etat de faits avait fusionné le vote et la loterie nationale. Chacun espérait donc, en votant fidèlement décrocher son gros lot de biscottes.

    L’homme avait souri, il lui semblait, à lui. Il lui avait souri mieux que certains autres, comme un sourire de connivence. Mais cela n’était certainement dû qu’à son unique dent, précieusement conservée grâce aux soins attentifs de son épouse-pousse, comme il aimait l’appeler dans leurs rares moments de tendresse encadrée.

    Il espérait bien gagner la course et ainsi le droit d’offrir sa dernière goutte de sperme à la civilisation déclinante. C’était un honneur qu’il envisageait depuis longtemps, se rapprocher des Dieux!

    Lui, le préposé au départ évacua tous les sourires alignés,se concentra sur son boulot. Il tendit le bras en l’air et appuya sur la gâchette.

    Un monstrueux pétard, pour les sourds, doublé d’une superbe étoile dorée éclaira un instant le ciel brumeux de cendres.

    La longue ligne de fauteuils se mit péniblement en marche. Certains déjà patinaient sur place, pour cause de surcharge pondérale, abus de biscottes, ou par mauvais choix de pneumatiques.

    Lui pensait à la suite, préparait l’autre partie moins drôle de son travail. Seule la promesse de primes l’autoriserait à déjà investir dans un fauteuil performant.Et si sa roboductrice suivait tous les stages de perfectionnement, l’avenir se présentait moins cradieux.

    Dans moins de deux heures, il lui faudrait achever tous ceux, incapables de terminer l’épreuve. Il trouvait que la sélection progressait à pas de nain.

    Tourné vers le mur, à l’abri du vent naissant, il graissa soigneusement son amitrailleuse.

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