Exercice inédit d’écriture créative 299

Un pont suspendu envoie une lettre de rupture à une rivière en crue.

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Sur ce blogue, on n’apprend pas à écrire un roman ou des nouvelles, on enflamme son imagination. Les exercices que j’invente, aiguillonnent l’esprit. Mon but est de conduire toute personne vers le créateur plus ou moins claquemuré en elle. L’enfant imaginatif avec lequel elle se réconcilie définitivement dès qu’elle se prête au jeu. Après quoi, elle décide de mener le projet d’écriture qui lui convient.

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14 réponses

  1. Christine Esnault dit :

    Ma très chère et tumultueuse ravine,

    Sans toi, je ne suis rien. Je le sais et tu le sais aussi. En joues-tu?
    Depuis nos premiers pas ensemble, je n’ai eu de cesse de te contempler. J’admire tes courbes aguichantes, tes ondulations impudiques, la vie qui en toi palpite. Tantôt tranquille, tantôt fougueuse, tu m’étourdis.
    Je sens que tu m’échappes. Je sais aussi qu’en d’autres lieux, tu t’abandonnes sous d’autres ombres que la mienne.
    Mais ce sont surtout tes humeurs changeantes et tes caprices qui ont eu raison de moi. Ils sapent mes assises et entament mon équilibre.
    Tu es devenue trop agitée et c’est plus que je n’en peux supporter. Je vais te prouver que, moi aussi, je peux être démonté!
    Je te quitte. Demain, tout sera fini entre nous.

    Ton pont qui ne sera plus jamais suspendu à ton cours.

  2. Michel ROBERT dit :

    Un pont suspendu !

    Cette nuit tu es sortie de ton lit,
    Tu as emmené des meubles avec toi.
    Impuissants les villageois ont pâli
    Ainsi, certains d’entre eux n’ont plus de toit.
    Tu t’es immiscée dans leur histoire.
    De boue, tu as nettoyé leur entrée,
    Tu as imposé ton directoire.
    Leur cuisine intégrée est éventrée.
    Monsieur le Préfet s’est mobilisé,
    Il fut dans la nuit alerté trop tard.
    On a oublié de lui préciser
    Que parfois tu te mettais en pétard !
    Tu as balayé leurs économies,
    Tu as fait déclencher le plan orsec.
    Et puis, tranquille tu t’es rendormie.
    A cause de ton flux plus rien n’est sec.
    Est-ce que tu as vu ce qui arrive !
    Tu m’as fait vaciller sur mes bases,
    Je ne peux plus enjamber tes rives,
    Alentour tu as fait tables rases,
    Mes piliers sont en train de rompre,
    Demain je joins Maître Tancarville !
    D’évidence il faudra interrompre
    Ce désastre que fut notre idylle.

  3. Clémence dit :

    Un pont suspendu envoie une lettre de rupture à une rivière en crue.

    C’était ça, Harpers Ferry. La sérénité et le tumulte.
    Dans un cadre d’une beauté stupéfiante, la Shanandoah River s’offre au Potomac où quelques restes de piliers de pont brisent les flots.
    Quelques instants plus tard, dans un boucan d’enfer, une locomotive surgit du tunnel entraînant son convoi dans un enchevêtrement de rochers et de ferraille faisant trembler les structures des ponts.

    C’était ça, Harpers Ferry.
    Je quittai cet univers fracassant pour la petite ville au charme désuet.
    Elle était là, devant la boutique, semblant sortir d’une gravure ancienne. Elle me fit signe de sa main gantée. Je me retournai, mais c’était bien à moi qu’elle s’adressait.
    Je m’avançai vers elle. Une capeline masquait son visage. Elle leva son bras, murmura… «  Rock »
    et disparut.
    Je haussai les épaules et continuai ma promenade. Au bout de la rue, un panneau de bois attira mon regard. « Jefferson Rock ». Devais-je m’y rendre ?
    Le spectacle que la nature m’ y offrit était stupéfiant.
    C’était ça, Harpers Ferry. L’indescriptible, l’inimaginable….

    Un coup de vent souffla une mèche de cheveux dans mes yeux. Je tournai la tête et découvris une colline verte piquées d’anciennes pierres tombales. J’y déambulais tout en éprouvant un sentiment étrange. Là-bas, isolées de toutes les autres, sous un érable doré, deux pierres penchaient l’une vers l’autre. Virginie… John….Ils avaient à peine vingt ans…
    Les feuilles bruissèrent et j’entendis :
    – Ne crois pas ce qu’il te dira….je l’aimais, sincèrement….
    C’était ça aussi, Harpers Ferry.

    Je redescendis en ville. Il me restait encore un peu de temps. J’entrai au Musée de John Brown où je plongeai dans les affres de la Guerre de Sécession….Un reflet étrange au pied d’une chaise vermoulue…Un cadre au verre brisé.
    – Ne crois pas ce qu’il te dira… ne crois pas…
    Je pris le cadre. Une page jaunie, quelques lignes d’une belle écriture…

    «  Harpers Ferry – 1859

    Virginie chérie …J’étais suspendu à tes lèvres …je pensais t’aimer assez fort pour que tu renonces …. et que tu prononces le mot…
    J’ai attendu, désespérément …
    Mes valeurs ne t’ont pas convaincue, hélas… A regrets, je t’abandonne aux flots cruels de ton monde sans pitié, sans respect de la dignité humaine….
    John »

    Harpers Ferry… c’était ça aussi….un pont suspendu entre le Nord et le Sud…

    © Clémence.

  4. françoise dit :

    Un pont suspendu envoie une lettre de rupture à une rivière en crue.

    Je t’écris pour la première et dernière fois. Nos relations ont atteint un niveau crucial. D’ailleurs tu as toujours fait preuve à mon égard de cruauté, et je sais que dans tes rêves tu te vois en crue centennalle balayant tout sur ton passage, moi y compris et pourquoi pas le zouave du pont de l’Alma, ce que celle de 1910 n’était pas arrivée à faire.
    Tiens, mon cruciverbiste est arrivé, il a déjà trouvé quelques mots tels que cruciforme,crustacé.Il commence à grignoter quelques crudités, en attendant sa « cruella » qui vient souvent le rejoindre. Pourquoi est-ce que je l’appelle ainsi ? Parce qu’elle me semble bien cruelle mais peut-être que je me trompe.
    Il me semble que tu t’es calmée. Ne sois pas cruche et essaie d’épargner les pieux de ma structure. Si tu le voulais bien nous pourrions cohabiter ensemble en toute harmonie. En attendant que ce vœu pieux se réalise, compte sur mon esprit crustateur pour parer à toute éventualité. Je n’ajouterai rien et te quitte crûment.

  5. AB dit :

    Fragile et périmé, je n’ai plus qu’à t’attendre, tu m’as été annoncée,
    Mon ossature de bois n’attend qu’un signe de toi,
    Viens me briser et me libérer.
    M’offrir la coupe à laquelle j’ai si souvent bue
    Je t’attends tremblant et ému.
    SI longtemps, tu m’as caressé, embrassé
    Mon bonheur, par toi, être mouillé mille fois.
    Dans une étreinte étrange, le bois et la crue.
    J’ai si souvent ri de la peur des autres, le pont qu’est-il devenu ?
    Jamais ils n’ont pensé que l’on pouvait s’aimer
    Se rencontrer et se trouver des affinités.
    T’attendre, te trouver et te sentir
    Sont mes plus belles étreintes, je dois te le dire.
    De ces graves intempéries, nous nous sommes gavés sans feindre
    Dans un contrat d’amour et de crainte.
    L’histoire d’un pont et d’une crue
    Comme un homme et une femme nus.
    Mais le temps a raison de tout, il faut accepter de disparaître
    Par toi, je ne serai plus, arrache moi de là je ne veux plus être.
    Mon corps usé est devenu laid et dangereux
    Mourir par toi sera notre dernier jeu.

  6. Isabelle Pierret dit :

    Avec mon Télécran, j’ai construit une maison légère
    J’y ai ajouté un bureau et du papier
    Un pont suspendu, une rivière
    Et puis j’ai inventé ,
    La lettre de rupture de ces deux agités :

    Suspendu sur ton cours, je t’enjambe sans trêve
    Sans que jamais tu ne daignes
    Partager un moment doux.
    Tu passes, tu traînes et te fait admirer
    Je t’observe, je t’embrasse sans pouvoir te toucher
    Je me vois, moi l’idiot énamouré , mon reflet dans ta robe
    Tandis que tu esquives, fuyant mes avancées.

    Tu sais aussi nous inquiéter, quand vient l’orage
    Grondant de ses pluies diluviennes
    Alors tu n’es plus sage beauté placide
    mais gave impétueux voire dangereux.
    Et je te perds, livrée à tes excès,
    Quand tu enrages, tu m’abandonnes.

    Je t’enjambe toujours, je résiste
    Le vent me pousse, éprouve mes attaches
    Je sens que tu me lâches , je frissonne
    Je te perds, tu t’échappes.

    Je te quitte, avec regret, je m’envole.

    Avec mon Télécran j’ai dessiné trois ballons carrés
    Et suis venue en aide à ce pont éconduit
    Pour lui donner des ailes, et bien d’autres envies,
    Les ai amarrés à son tablier
    Puis j’ai rompu les chaînes, les câbles, les amarres
    Il est enfin parti sans elle, sans remords,
    Cela n’avait que trop duré.

    Dans sa pacifique élégance
    Il a volé, plané, rêvé,
    Il a fini par retrouver la route de Madison
    Et Meryl Streep, lui, le pont volant !

  7. ourcqs dit :

    Un pont suspendu envoie une lettre de rupture à une rivière en crue.

    Ma Chère Ondine,

    Cette fois, tu exagères, je ne te reconnais pas , même lors de colères , de débordements orageux. Je sens que je vais craquer.
    Tu grondes, tu grondes, tu bouscules tout ce que tu rencontres.
    Tu ne fais plus attention à ma fragilité, tu dévales comme un torrent,
    Alors trop, c’est trop, je ne peux résister à des assauts d’une telle violence. je suis complètement ébranlé.
    Je te laisse ces quelques traces, souvenirs des jours tranquilles… sans histoires.
    Je m’écroule, je roule et tu vas m’engloutir à jamais .
    Je sombre …..

    Ponpon

  8. Nadine de Berbardy dit :

    Kanchanaburi
    octobre 2008

    à mademoiselle Kwaï Yai

    il y a seulement quelques mois , encore fier de porter votre nom, j’aurai débuté ma missive par : « ma tendre amie »,mais après ce qui vient de se passer, vous ne méritez plus ce titre, traîtresse acquise aux éléments.
    Sous couvert de mousson et autre faribole météorologique,ne vous autorisâtes vous point à gonfler,vous hausser du col,montant votre niveau de façon éhontée,arrogante,me narguant avec morgue, sans souci de ma structure aérienne de pont suspendu.
    Je ne suis plus,l’oubliez-vous,ce pont yankee qui a fait siffler le monde entier avec son insipide :  » hello le soleil etc… »
    Ce pauvre (proto) type n’ayant pas tenu le coup bien longtemps, je l’ai remplacé,noble,solide,moderne ,surplombant votre beauté languide avec tendresse,heureux de m’y refléter jour après jour.
    Et voilà que vous avez visiblement pris un malin plaisir à grossir vos eaux jusqu’à lécher mon tablier,mettant en péril ma sécurité,nous ridiculisant,ma structure et moi en nous prenant d’assaut avec un telle fougue!
    Mon coeur a battu très fort,mes haubans ont frémi ,nous avons tangué de concert sous les coups de boutoir de votre impétueux courant interrogeant sans pudeur ma virilité architecturale complexe .
    Puis plus rien.
    J’ai alors cru que c’était de votre part une tentative passionnée à me rejoindre afin de me déclarer quelque chose que mon coeur espérait. Mais non.
    Vous redescendîtes à votre niveau ordinaire sans me laisser à espérer,sans un signe implicite,l’idée d’une possibilité.Je ne vous pardonnerais jamais d’avoir tenté de me dominer ainsi.
    Je vous ignore donc dorénavant,enrageant d’être tenu de signer ;
    Haineusement vôtre,
    Le pont de la rivière Kwaï

  9. Smoreau dit :

    NÔ, mon eau,
    Tu m’avais promis,
    Je t ai crue !
    Suspendu au-dessus de ton lit, je berçai de doux espoirs.
    Et un jour tu es montée, montée…
    Tu m as heurté, bousculé de ton intrépidité.
    Tu étais en colère, tu rugissais.
    Je t ai dit : oh tout mon amour ! J ai les pieds fragiles.
    Et à tes pieds je me suis écroulée..

  10. Jean Louis Maître dit :

    Tant de larmes déjà, sous mon front suspendu
    Ô rivière d’argent que mes bras abandonnent !
    Voilà que tu t’épands de cet amour perdu.
    La terre est gorgée d’eau et mes haubans frissonnent !

    Avec toi, j’ai connu de beaux enjambements !
    Tendrement tes humeurs rafraichissaient mes piles !
    De là-haut, je rêvais de défricher tes îles,
    Et je me reflétais dans tes épanchements.

    Mais, beaucoup mieux que moi, tu le sais bien, tout coule !
    Pendant que tu filais, rivière sans retour,
    Jusqu’à ton embouchure où tu aimais la houle,
    Moi, pauvre pont fiché, quand donc viendrait mon tour ?

    Désormais, j’ai fini, je rends mon tablier !
    Une barge amarrée qui attend ta décrue
    M’ouvre tout grand sa bouche et mes moellons s’y ruent
    Et l’ivresse, avec moi, ne pourra s’oublier !

    Tu peux bien étaler à mes pieds ta misère,
    C’est fini, je m’en vais, l’aventure m’attend.
    Je vais connaître enfin la joie des estuaires
    Et mes tohu-bohus en seront éclatants !

  11. laurence noyer dit :

    Mon Cher,
    Je ne sais pas où ma lettre va vous pêcher,
    vous êtes un jour ici, un autre là.
    Autant espérer plier l’eau !

    Je vous vois passer depuis des années…
    J’ai bien tenté d’attirer votre regard, votre attention,
    par des lancers de carrelets, de ricochets ou de désespérés.

    Parfois, vous disparaissez pendant des mois… seul le sable vogue entre mes piles.
    Suspendu entre vos bras, accroché à vos caprices,
    construction dérisoire d’un chemin déserté,
    je trace une ligne futile entre vos rives

    Inutile et vaine passerelle,
    j’attends alors votre retour pour prendre mon bain de pied

    J’aimerais rendre mon tablier
    mais si je me replie sur le quai,
    Qui s’arrêtera pour épier la pétulance de vos fards ?
    Qui remarquera le remous de vos boucles ?
    Qui comprendra l’impétuosité de votre âme ?

    Je vais rompre.
    Pour ne plus être un pont !
    Juste être…
    Suspendu.

    Pour vous escorter.

  12. durand dit :

    Rapide Seine de déménagement.

    Envoyé de l’iPhone du pont de Normandie à l’iPhone du fleuve concerné.

    « Toute cette eau de vaisselle que tu me balances, j’en peux plus.

    Faut pas charrier, la flexibilité de mes suspensions a ses limites, je lève mes ancres, je rend mon tablier. »

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