Mon aversion pour les clichés

Cliché

On dirait que vous avez une véritable aversion contre les clichés me dit-on souvent.
Ça n’est pas un dégoût, mais du bon sens.

Imaginez que tous les cinéastes filment toujours la même histoire de la même manière.
Que tous les peintres peignent le même tableau de la même façon. Plus besoin de cinémas ni de musées.

Imaginez pareillement, que vous receviez toujours la même carte de voeux rédigée avec les mêmes mots.
Ce qui, soit dit entre nous, n’est pas rare…
Si je mène une guerre contre les clichés depuis tant d’années, ce n’est pas par phobie, c’est parce que cela dénote une pauvreté d’imagination et de style.

Pour moi, quand on a des ambitions littéraires ou journalistiques, on doit se méfier des clichés, c’est trop souvent l’inverse.
Pour bien me faire comprendre, puisque l’on me rétorque souvent « Oui, mais le cliché c’est une belle image et elle est comprise par tout le monde. », prenons un exemple concret.
Qui n’a pas, parmi ses amis ou sa famille, quelqu’un qui radote ? Une personne, pas forcément âgée, qui vous raconte toujours la même chose.
Le temps qu’il fait, le temps qu’il fera peut-être, le temps qu’il faisait quand… son activité, ses soucis de santé, ses enfants, etc.

Ses propos ressemblent aux bulletins d’informations que les radios diffusent toutes les heures.
Quand le commentateur annonce un fait divers, on sait d’avance les formules qu’il va ressasser :  « Le bilan n’est pas définitif »,
« L’enquête s’annonce longue et difficile », « Nous reviendrons plus en détails », etc.

Comment ces perroquets peuvent-ils trouver un intérêt dans le métier qu’ils exercent ?
On attend de quelqu’un qui parle ou écrit, que ses analogies, ses comparaisons et ses formules nous fassent pétiller l’esprit.
Qu’on ait envie de les reprendre, de les répéter quitte à en faire plus tard des clichés…
Si l’occasion se présente, jetez un oeil sur la 2e page de Kafka sur le rivage, un roman de l’auteur japonais Haruki Murakami.
Vous trouverez cette comparaison : « Le garçon nommé Corbeau répète ce que j’ai dit, comme s’il soupesait mes paroles dans sa paume »
Nous sommes loin du cliché, n’est-ce pas ?

User de clichés c’est montrer qu’on est au degré zéro de l’imagination.
Qu’on manque de vocabulaire.

Je ne suis pas un ayatollah du cliché, je ne dis pas à aux personnes qui viennent écrire avec nous : « Je vous interdis impérativement le cliché ! » Ils font partie de notre culture, de nos conversations ordinaires, mais chaque fois que l’envie vous vient d’employer un cliché, essayez de le renouveler.

Si cet article ne vous a pas convaincu, parcourez les titres de la presse régionale.
Peu importe l’événement, tout le monde ou presque, titre de la même façon et très souvent avec un cliché.

Je suis hors-n’homme. Un neuroatypique à dominance dyslexique atteint d’aphantasie : incapable de fabriquer des images mentales et de se représenter un lieu ou un visage. Mes facétieux neurones font des croche-pieds aux mots dans mon cerveau et mon orthographe trébuche souvent quand j’écris. Si vous remarquez une faute, merci de me la signaler : blog.entre2lettres(at)gmail.com

12 réponses

  1. Gontier Christine dit :

    Le cliché est un risque presque mortel d’ennui…

  2. Durand Jean Marc dit :

    Elle a chaussé ses pieds de biche d’un escarpin de molière,
    Elle a barbouillé ses lèvres à manger trop de fraises,
    Elle a enfilé sur sa peau un nuage d’escampette,
    Elle a attaché le foulard de l’absence,
    Elle a sorti son dard de guêpe,
    Elle a étranglé un crocodile de taille.

    Muette comme une carte vierge,
    Immobile comme un statu quo,
    Elle a regardé la marée
    remonter la mer jusqu’à son lit.

    Le trou de la serrure bouché,
    La clef toute gâchée.

    Elle est resté couché
    Dans la couette de l’oubli.

    Plus de photo!
    Plus d’identité

  3. véronique barat dit :

    Elle a bordé ses yeux de biche d’un trait noir comme le charbon,
    Elle a peint ses lèvres pulpeuses d’un rouge carmin,
    Elle a passé sur sa peau de pêche un nuage de poudre,
    Elle a noué autour de son cou de gazelle un foulard de soie,
    Elle a serré sa taille de guêpe d’une ceinture de croco,
    Muette comme une carpe et immobile comme une statue,
    Elle a regardé par la fenêtre la mer démontée.
    Puis, elle s’est tournée vers le photographe blanc comme un linge
    Et lui jetant au visage les dernières photos qu’il avait réalisées,
    Elle lui a crié comme une folle :
    Qu’est-ce-que c’est que ce travail de m….
    Rouge de honte mais malin comme un singe, il lui répondit :
    Ce ne sont que quelques vulgaires clichés madame.
    Verte de rage, elle le secoua comme un prunier
    Mais solide comme un roc, il lui conseilla
    De ne pas en faire toute une histoire et ajouta :
    Si le cœur vous en dit, allez donc vous faire tirer le portrait ailleurs.
    Moralité : un mauvais cliché promet une belle raclée !

  4. Antonio dit :

    Allez dis-nous la vérité, Pascal !
    Un jour, petit, tu t’es fait massacrer la gueule, c’est ça ?
    ils t’on fait le portrait au sortir d’un Kodak instantané et depuis tu ne peux plus les voir en écriture, hein ?… Allez dis-nous ! 😉

  5. Le guilcher Brigitte dit :

    tu as raison Pascale, mais cela je le sais maintenant. Avant je trouvais que les clichés permettaient une certaine connivence avec le lecteur. Mais ça c’était avant mon stage à l’écrivoir….

  6. Marlène dit :

    J’aime bien ce livre, comme la plupart de ceux édités par le CFPJ. Deux réfexions tout de même :
    1/ Pour l’écriture journalistique, les clichés ont plutôt bonne presse et facilitent la lecture.
    2/ Dans la littérature, à force de trop vouloir faire dans l’original, on sombre parfois dans la lourdeur ou le ridicule.
    En ce qui me concerne, j’essaie toujours de les éviter, quel que soit le genre rédactionnel, avec plus ou moins de succès.
    Bonne journée !

  7. Françoise -Gare du Nord dit :

    Je partage ce point de vue mais fuir les clichés ne risque-t-il pas de nous conduire aux contre-clichés, tout aussi faciles?

    • Antonio dit :

      Je pense justement que pour éviter le cliché, le mieux c’est de l’ignorer et pas chercher à le contrer ou à en jouer (même si ça peut être drôle parfois).
      Il s’agit de repenser ce que l’on veut dire avec des images qui nous viennent et parfois on se surprend avec de belles analogies 🙂

      Cela me fait penser à un ami cantalou qui avait tout plein d’expressions de son patelin du genre « je perds des tuiles » quand il se sentait très mal après avoir bu.
      Souvent je me disais, j’aurais aimé être le premier à trouver certaines de ces expressions. Plus tard, je me suis mis à imager mes écrits, plus ou moins avec réussite. C’est un exercice à entretenir je pense.

  8. Durand Jean Marc dit :

    Le préposé à l’information enfonça le clou. Il tapa très fort sur la tête du

    téléspectateur. Celui ci, vautré entre les deux accoudoirs du conformisme,

    buvait d’une main les paroles du journaliste chauve d’idées et de l’autre une

    bière alsacienne autant millésimée que le radoteur de nouvelles.

    A la fin du spectacle, toute la société flottait dans la pièce:

    – Un nouvel accident sur l’autoroute avait décapité au moins deux européens et

    un gamin trop peu attaché à sa ceinture.

    – Un scandale avait secoué un maire et une histoire de terrains glissants sur

    une maison, en tuant tous ces occupants.

    – Espoir pour la planète. Un objet fabriqué par un primate, il y a une sacrée

    paire de milliers d’années, lancé dans l’espace grâce à la première catapulte

    non manufacturée vient de retomber sur Terre entre Dampierre en Burly et le

    Marchais Mignon. On espère y découvrir les explications scientifiques des

    flottements de notre évolution.

    Contrairement à ce qu’a prétendu un journal local, il ne s’agirait pas d’un

    attentat contre la centrale nucléaire, toute proche, perpétré par un gardien de

    nuit évincé du poste promis.

    A l’heure du choc, le vélo de Mr Alexandre Georges, 46 ans, d’origine

    indéterminée, était bien en réparation chez les frères Turpin (réparations de

    tous cycles, premier, second, jusqu’au baccalauréat ).

  9. MALLERET PEGGY dit :

    Merci Pascal d’enfoncer le clou. Car c’est vrai parfois je trouve que le cliché est devenu un cliché parce qu’il colle tellement bien à une situation et pourquoi ne pas l’utiliser.
    Néanmoins, j’efface et cherche autre chose car c’est fou comme je bute sur le mot en relisant.

    Moi c’est le « m’envahit » que je lis partout

    Tu nous as bien équipé entre le détecteur de répétitions et celui des clichés, nous devrions être bien armés.

    Un beau rêve ….que certaines de mes formules deviennent des clichés….on peut toujours rêver !!

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