Vive la langue froide ! La langue des veaux…

 « Les derniers résultats de l’étude du Programme international de recherche en lecture scolaire sur la France sont inquiétants non seulement les élèves de CM1 ont des compétences médiocres, en lecture, mais elles se sont dégradées depuis quinze ans. Cette dégradation est nettement plus marquée pour les exercices nécessitant de mobiliser des processus complexes de compréhension et d’inférence. En d’autres termes, les élèves comprennent de moins en moins bien ce qu’ils lisent ». Thibault Gajdos, chercheur au CNRS, Le Monde du 22 décembre 2017

Encore quelques années de médiocrité et plus personne ne comprendra le sens de cette phrase : « Il partit. Il voyagea. Il revint. » (Flaubert)
Tout étudiant ‘faisant lettres modernes » confondra sans problème le passé simple du verbe être (je fus) avec celui du verbe faire (je fis)

À l’école primaire, un enfant reçoit 630 heures de français en moins que s’il était né dans les années soixante. Aujourd’hui, la langue française n’est plus enseignée par la voie de la littérature, mais par le biais d’articles de presse, de rap, de littérature « djeun », ou d’émissions de télé culturelle…

Adieu le passé simple ! Ce temps, « extrêmement énigmatique », demandant trop de finesse et d’esprit.
Ses nuances sont bien trop compliquées, il faut faciliter « l’accès au français pour tous »
Un seul mot d’ordre : simplifier ! Lire ne doit demander aucun effort à quiconque. 
Notre langue est trop riche, réservée aux privilégiés, trop inaccessible aux béotiens, elle doit devenir une langue comme les autres.
La finesse d’une précision, la nuance d’esprit, réfléchir, penser, c’était bon dans le passé. Quand notre langue se haussait du col.
Le modèle, c’est l’anglais, voire le franglais… 
Aux chiottes Rimbaud, La Boétie, Molière et les autres vieux croûtons du beau phrasé !
Tout doit se lire vite et très facilement * : trois temps (passé présent futur), quatre verbes (dire, faire, avoir et être), quelques adjectifs et basta !.
Vive la langue froide ! La langue des veaux…

  • Vive la médiocrité ! Sur Internet, le temps demandé pour lire un article est signalé au lecteur, ceci pour ne pas l’effrayer. Ce qui ne devrait pas tarder pour les livres, ou pour les magazines osant encore des articles de fond

 » Revenant sur la disparition de la jeune Estelle Mouzin, le Point en ligne, dans un titre, parle de  « la jeune fille »… Grosse erreur de vocabulaire, des plus gênantes compte tenu du contexte.  Estelle était encore une enfant, une gamine, une fillette…  Certainement pas une adolescente. »  
Il serait bon que dès le secondaire (au plus tard)  on étudie les nuances du vocabulaire et les degrés d’acception, afin que certains, devenus journalistes,  soient capables de maîtriser le b.a. – ba du lexique…  Jean-Pierre Colignon, L’impropriété du vocabulaire du jour

Passé simple, les principaux verbes irréguliers,
source le conjugueur Le Figaro

courir : je courus, tu courus, il courut, nous courûmes, vous courûtes, ils coururent
vouloir : je voulus, tu voulus, il voulut, nous voulûmes, vous voulûtes, ils voulurent
connaître : je connus, tu connus, il connut, nous connûmes, vous connûtes, ils connurent
savoir : je sus, tu sus, il sut, nous sûmes, vous sûtes, ils surent
pouvoir : je pus, tu pus, il put, nous pûmes, vous pûtes, ils purent
boire : je bus, tu bus, il but, nous bûmes, vous bûtes, ils burent
croire : je crus, tu crus, il crut, nous crûmes, vous crûtes, ils crurent
valoir : je valus, tu valus, il valut, nous valûmes, vous valûtes, ils valurent
vivre : je vécus, tu vécus, il vécut, nous vécûmes, vous vécûtes, ils vécurent
plaire : je plus, tu plus, il plut, nous plûmes, vous plûtes, ils plurent
taire : je tus, tu tus, il tut, nous tûmes, vous tûtes, ils turent
résoudre : je résolus, tu résolus, il résolut, nous résolûmes, vous résolûtes, ils résolurent

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14 réponses

  1. iris79 dit :

    Cher Pascal

    Je ne puis vous laisser plus longtemps dans cet abîme sans essayer de vous tendre la main ou du moins essayer d’aplanir ce bien sombre constat.

    Est-ce le manque de lumière saisonnier qui vous plonge à ce point dans les ténèbres de remarques froides et bien tristes ?

    Je vis dans la même France que vous Pascal, pas dans une résidence de Bisounours. Et je fais tout comme vous un constat parfois inquiétant lorsque j’entends ici ou là des études alarmantes sur les lacunes abyssales de nos élèves. Mais à chaque fois j’essaie de les mettre en réseaux avec d’autres connaissances. On sait à quel point il est important de ne pas sortir un propos de son contexte.

    Je ne veux pas être aussi pessimiste que vous parce que je côtoie des tas de professeurs et élèves anonymes qui font un travail remarquable sur les textes classiques (dans des lycées de toute zone je précise).

    Il se trouve que je connais le programme et que j’ai accès aux cours de français du lycée et je peux vous affirmer que ce ne sont pas des cours bradés d’une langue au rabais, loin de là.

    Quant à craindre le futur des étudiants, personne ne peut augurer de quoi il sera fait, parier sur leur échec me paraît injuste et très réducteur.

    Non nos élèves ne sont pas des veaux, ce sont des citoyens en construction, des personnes qui inventent des mots, enrichissent notre langue (et ce dans tous les registres, c’est inévitable!) comme cela a toujours été le cas ! (vous utilisez probablement aujourd’hui des mots que vos parents ne connaissaient pas).

    Ce sont aussi des enfants qui jouent avec le passé simple. Si vous saviez à quel point les petits utilisent le passé simple, cela vous réconforterait peut-être. Sachez que mes petits élèves de moins de quatre ans adorent s’approprier des histoires lues ou des contes en lisant et racontant à leur tour. Et que font-ils ? Ils essaient de redire les mots, phrases, récits entendus sans omettre le passé simple, bien au contraire et les erreurs bien légitimes à cet âge font sourire mais rassurent aussi sur le fait qu’ils ont compris qu’il y avait un temps pour le récit !

    Les villes et peut-être encore plus les villages regorgent de clubs de théâtre qui adaptent des textes classiques, oui classiques où le médecin donne la réplique au pompier et l’ouvrier au professeur en déclamant des vers au passé simple et au subjonctif ! Ça aussi c’est une réalité. Celle de mon village par exemple et non, je ne vis pas au milieu de nantis.

    Votre blog, Pascal, est un excellent levier. Les ateliers d’écriture existent dans certains collèges et même dans des écoles. Oui le chantier est immense, difficile et même parfois effrayant mais je ne crois pas que l’on s’en sorte en traitant la jeunesse de veaux, ni en opposant ceux qui connaissent les conjugaisons des verbes au passé simple et ceux qui ne les connaissent pas du tout, qui ne (re)connaissent que leur forme sans le parler et les autres…

    Cessons de larmoyer sur le vieil adage « c’était bien mieux avant ! » car ce n’est qu’un mensonge éhonté !

    Tout n’est bien sûr pas à jeter et l’on doit se souvenir, entretenir et faire vivre bien des acquis et des enseignements du passé. L’éducation et son accès ne doit pas avoir de couleur de peau, ni de sexe, ni de classe sociale. Aujourd’hui, un bien plus grand nombre de personnes accèdent à l ‘éducation et c’est tant mieux. Alors certes, à une éducation imparfaite, en perpétuelle construction, comme l’est notre langue et notre histoire, (bien plus complexe aujourd’hui) qui s’écrivaient, bougeaient, vivaient bien avant nous, et le fera bien après !
    Qu’auraient dit les élites du moyen âge, de la Renaissance sur l’évolution de la langue au début du vingtième siècle ? Il y a fort à parier qu’ils auraient été décontenancés, inquiétés par ce qu’elle était devenue.

    Socrate en son temps se lamentait déjà des connaissances et comportements de la jeunesse….

    Le type des textes étudiés évolue car la langue et ses supports évoluent tout simplement ! C’est inévitable !
    Et il faut avoir l’honnêteté  de se souvenir que l’on a écarté bien des apprenants de l’enseignement. J’ai en tête des récits d’anciens qui auraient souhaité continuer à apprendre, recevoir un enseignement même s’ils n’étaient pas « excellents », capables eux-mêmes de produire des textes répondant à une certaine norme et qui étaient tout simplement écartés de la sphère des nantis parce qu’on estimait qu’ils n’étaient pas assez « bons », « intelligents » ou « pas assez bien nés » et pourtant ils étaient capables de comprendre et d’être touchés par des textes écrits dans un langage qu’ils ne parleraient pas et alors ? Quel mal y-a-t-il à ne pas connaître toutes les conjugaisons du passé simple ? Cela fait-il de nous des incultes? (Je dis « nous » car j’avoue sans honte souvent hésiter avec la conjugaison du verbe « coudre »!).

    Bien sûr, il y a et il y aura toujours fort à faire, des inquiétudes réelles, légitimes et des réalités difficiles à enrayer mais ne baissons pas les bras pour autant, accompagnons nos élèves, nos enfants du mieux que nous pouvons. Inventons, innovons pour que notre belle langue vive, grandisse, s’enrichisse et soit accessible au plus grand nombre. Parce que la première réalité d’une langue usitée, c’est qu’elle vit !

    Enfin, je ne nie pas les propos de de Monsieur Gajdos mais ils doivent être étayés et éclairés d’informations indispensables (quels élèves ? A quel âge ? Quels types de textes ? Quel milieu familial par exemple ? Qu’est-ce que cela dit de la langue à un moment T, comment y remédier?…)

    N’oublions pas également que la presse a parfois un effet loupe sur les informations choquantes qui masque la forêt de belles énergies et d’initiatives pour faire vivre et connaître notre langue.

    Si vous souhaitez être informé au plus près et au plus juste sur l’évolution de l’enseignement, les actualités pédagogiques, les résultats étayés, expliqués d’études de chercheurs au CNRS , de quoi vous indigner ou j’espère, de vous réjouir aussi, je me permets de vous recommander vivement la lecture de ce blog.

    http://www.cafepedagogique.net/Pages/Accueil.aspx

    Bien à vous Pascal, gardez de l’enthousiasme, on en a besoin! Et haut les cœurs !

    • Hélène dit :

      Un vibrant témoignage, merci à vous, Iris!

    • Levasseri dit :

      Réponse à Iris

      Quand Pascal écrit « Vive la langue froide ! La langue des veaux… »
      C’est évidemment un jeu de mots par rapport à un plat cuisiné oublié : La langue de veau tant prisée par un de nos anciens Présidents.
      Mais aussi un clin d’Oeil par rapport à un autre Président qui aurait déclaré : Les français sont des veaux.
      D’autre part, il a raison, comme le personnage d’Orwell le dit, la novlangue consiste à supprimer des mots, afin d’empêcher toute autre forme de pensée « trop intelligente » Mais il y heureusement des résistants parmi les pédagogues.

    • Tarrep dit :

      « Pour les plus jeunes « l’utilisation du passé simple dans Le Club des Cinq, d’Enid Blyton, a été supprimée, et l’histoire encore simplifiée » Le Monde des Livres 12 janvier 2018

      • Clémence dit :

        Certains peuvent effectivement déplorer un appauvrissement des écrits au niveau du vocabulaire, au niveau de la syntaxe…
        Mais en tenant compte de l’évolution de la société, de la démocratisation des études et tant d’autres critères, n’est-ce pas une possibilité de susciter chez tous les enfants le goût de la « lecture d’un livre »?

  2. Hélène dit :

    Un article paraît, avec un titre interpellant, soit!
    Mais faut-il nécessairement le prendre comme tel? N’est-ce pas à nous aussi, (bon lecteur) d’aller chercher d’autres informations et de les croiser? D’avoir un esprit critique. Et ne pas oublier que nous avons le droit de douter, comme le dit Alain Bentolila.
    Libre à nous de prendre les écrits tels quels.
    Libre à nous d’aller au-delà en ouvrant d’autres portes.
    Libre à nous d’y découvrir l’implicite…

    Une information, une analyse plus complète, une bouffée d’oxygène!
    Non, tout n’est pas perdu….

    https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand/education/puy-de-dome/2017/12/21/roland-goigoux-chercheur-de-clermont-ferrand-les-eleves-ne-sont-pas-formes-a-la-comprehension-en-lecture-_12672595.html

  3. MARBOT dit :

    Une langue vivante est accessible au plus grand nombre, la patience palliant à la complexité.

    Bien à vous

  4. Laurence Noyer dit :

    On nous offrit une augmentation et, bien sûr, nous la prîmes

    Les moines brassèrent la bière et la burent.

    C’est bien parce que vous m’avez invité à goûter votre Beaujolais que je vins.

    Heureusement que vous avez retrouvé des capitaux ! car mettre la clé sous la porte et déposer le bilan, vous faillîtes !

    Est-ce dans le but de lui subtiliser quelques pommes de terre que, jouant de votre charme vous l’ appâtâtes ? Et que par votre beauté vous l’épatâtes…!

    Non ! Ce n’était pas chose évidente que cette conversation toute en langue morte. Et pourtant je la tins

  5. grumpy dit :

    Bien que je n’écrive que des bluettes, le passé simple est mon temps chéri, j’adore ses capacités à les enjoliver de façon si vivante dans la description et le narratif, je me roule dedans, j’en saupoudre chaque phrase.
    Ami fidèle, jamais il ne m’enfarina.

  6. Jean-Pierre dit :

    Absolument d’accord avec vous.
    Toutefois, dans la liste des passés simples, je regrette l’absence de celui du verbe croître, identique à celui de croire, mais avec un « û » à toutes les personnes du singulier et du pluriel.
    Décidément, le passé simple est bien compliqué !

    Au fait…
    Qui l’eut cru ? Qui l’eût cru ?
    Aïe !
    Tiens ! Ça me fait penser qu’il faut que je passe chez l’épicier acheter des pâtes.

    • Hélène dit :

      … dès leur plus jeune âge, les enfants sont en contact avec le passé simple.
      Les contes et la littérature enfantine l’utilisent.
      Mais, ce qu’il faut retenir, c’est que les jeunes enfants sont capables de comprendre cette forme, mais pas encore de l’employer.

      Pour tout un chacun, (adulte y compris) il y a toujours une différence entre la compréhension des mots et leur utilisation.

      Pour ma part, je trouve le passé simple extrêmement parfait pour l’écriture, mais très imparfait pour la conversation usuelle.

  7. Sofia dit :

    Et pourtant….

    Fin CM2, les compétences en Français, sont:

    – Lire avec aisance (à haute voix, silencieusement) un texte

    – Lire seul des textes du patrimoine et des œuvres intégrales de la littérature de jeunesse, adaptés à son âge

    – Lire seul et comprendre un énoncé, une consigne

    – Dégager le thème d’un texte

    – Repérer dans un texte des informations explicites

    – Inférer des informations nouvelles (implicites)

    – Repérer les effets de choix formels (emploi de certains mots, utilisation d’un niveau de langue)

    – Utiliser ses connaissances pour réfléchir sur un texte, mieux le comprendre

    – Effectuer, seul, des recherches dans des ouvrages documentaires (livres, produits multimédia)

    – Se repérer dans une bibliothèque, une médiathèque

  8. Sylvie Hamel dit :

    Mon cher Pascal, je viens de tweeter ce magnifique texte auquel j’adhère bien évidemment. Et pour paraphraser Verlaine et son magnifique Art poétique, « de la nuance avant toute chose ».
    Mais je ne serais pas contre l’existence de deux langues, la véhiculaire, qui sert à donner vite des informations et être sûre que chacun a compris le message. La littéraire, qui va chercher dans les profondeurs de la culture, de l’intelligence et de la sensibilité. Les deux ont le droit de coexister, à la condition que le plus grand nombre ait accès aux deux.
    La joie de la nuance, la gourmandise du petit fil qui joue entre les sens multiples…

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