Êtes-vous sujet au syndrome de l’imparfait ?

Il y aura bientôt trois ans, une personne est venue écrire pendant deux jours dans notre cabane dans les arbres.
Elle souhaitait tester son style et sa créativité littéraire. 

Le premier jour je débute toujours par un exercice de style.
Il me permet de me faire une idée sur la manière d’écrire et les dispositions rédactionnelles de la personne.
Cet exercice exige généralement une bonne demi-heure. Il ne lui fallut qu’un petit quart d’heure pour le réaliser et m’ébahir.
Elle trouva tout de suite un angle original et rédigea rapidement un texte fort bien écrit.
Il en fut ainsi pendant toute la durée du coaching. 

Quand je lui commandais une nouvelle, elle était toujours surprenante et captivante.
Pareil pour un conte ou une fable.
Elle parvenait même à faire d’une simple anecdote une histoire aux rebondissements inattendus. Bref, elle était très douée. 

L’après-midi du second jour je lui proposais de résumer, en quelques pages, le roman qu’elle envisageait d’écrire.
Ce qu’elle écrivit captivait le lecteur d’entrée de jeu ! Pas une ligne de trop, aucune lourdeur, que du tempo et de l’intérêt.
Plus d’un éditeur aurait remercié le ciel de trouver ce manuscrit dans sa boîte à lettre. 

Une année s’écoula sans nouvelle de sa part. Les courriels que je lui envoyais restaient sans réponse.
Un jour, je me suis permis de téléphoner à son domicile.
Son compagnon décrocha : Ma femme est absente, me dit-il, elle suit une formation d’un an de perfectionnement à l’écrit.
Et son roman, demandais-je, est-il terminé ?
Non, elle ne se sent pas encore assez sûre d’elle pour aller jusqu’au bout. 
Après votre coaching dont elle garde un excellent souvenir, elle a bien essayé de poursuivre le texte que vous aviez commencé ensemble, mais elle a trouvé son intrigue imparfaite, pas assez bien racontée, comme elle aimerait. 

Cette personne est sujette, comme tant d’autres en France où les diplômes ont une valeur très forte, à ce que j’appelle le syndrome de l’imparfait.
Cette idée tenace qu’il nous manque toujours certaines qualités, aptitudes ou connaissances qui permettraient d’atteindre un idéal.

BacBizarrement, le syndrome de l’imparfait frappe souvent les plus aptes.
J’ai un ami, par exemple, qui, après des centaines de transactions immobilières traitées lors de sa longue carrière de clerc principal dans une grande étude de notaires, suivit de nombreuses formations auprès de personnes bien moins expérimentées que lui, cela pour gérer une simple agence immobilière.  
Dernier exemple, une personne qui animait déjà des ateliers d’écriture depuis plusieurs années est venue ici pour suivre notre formation à l’animation d’ateliers d’écriture.
Pour me perfectionner et bénéficier de votre longue expérience, m’a-t-elle dit.
Quelques mois après son passage, elle m’annonça qu’elle s’était inscrite à un cursus universitaire de 2 ans de formation à l’animation d’un atelier d’écriture…

Le syndrome de l’imparfait n’est finalement qu’une quête de légitimité.
Alors que pour ce qui est de l’écriture en général, c’est plus souvent la réussite qui crée le talent et non l’inverse.

Quand on est prédisposé au syndrome de l’imparfait, on cherche à obtenir toutes les certifications,
diplômes et preuves d’expériences possibles et cela nous paralyse.  

Ce qui crée une légitimité dans l’art d’écrire ce n’est pas le nombre d’années d’études littéraires ou et diplômes ni les formations suivies.
C’est le cœur que l’on met à l’ouvrage. 
Sa capacité à raconter des histoires originales et captivantes.

J’ai écrit d’instinct mon premier recueil de poésies, avec la naïveté d’un autodidacte.
À cette époque, je n’avais aucune connaissance littéraire, j’ignorais même qui était Jacques Prévert, c’est vous dire !
Dans ce recueil, il y a des erreurs de négations, de ponctuations et de temps.
Cela ne m’a pas empêché d’être primé par l’Académie Française.  

Si vous êtes plus ou mois sujet au syndrome de l’imparfait, méfiez-vous, la perfection tue la création.
Essayez de lâcher prise et lancez-vous à fond dans le projet que vous avez en tête.
Laissez-vous aller à votre instinct d’écrire, sans vous demander quelle est votre légitimité pour oser faire ça.

Si vous n’y parvenez vraiment pas, venez nous voir, on travaillera sur votre projet et votre confiance.
Nous obtenons toujours des résultats étonnants.

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8 réponses

  1. le tempérament des uns et des autres y est pour quelque chose, mais je pense que le rôle de l’école n’est pas anodin. personnellement autant j’ai eu des complexes, autant je m’en suis libérée!… et alors qu’est ce que l’on se sent bien!

  2. patricia dit :

    Arrive un moment où la pulsion d’écrire ou de peindre ou de creer un air de musique est plus forte que notre raison ;
    merci pour cette belle exhortation! à continuer

  3. durand dit :

    Ah…l’imparfait, l’imprécis, l’approximatif, l’inachevé, le rudimentaire, le discutable,

    le vague….enfin ce qui fait la vie, je t’aime!

  4. Sylvie H. dit :

    Tiens, je reconnais quelqu’un… mais je me soigne.

  5. Janine dit :

    Bravo Pascal pour ce billet fort intéressant et qui oblige à se poser des questions.
    Cela me fait penser à une devise que j’aime bien (mais je ne sais plus de qui elle est)
    « Penser en homme d’action, et agir en homme de pensée »
    Tout un programme !
    Janine

  6. smoreau dit :

    Oui, oui c’est une très juste réflexion !
    On peut même être bloqué au plus-que-parfait !
    Comment être alors soi-même au présent ?
    Mais ce n’est pas de leur faute… « Sois parfait, soit parfait » leur a-t-on répété.

  7. Auschitzka dit :

    Remarquable ton billet, Pascal. Je le signale à tous ces névrosés de l’imparfait que je connais et je le fais mien en espérant une guérison prochaine.
    La bise
    Agnès

  8. Auschitzka dit :

    Remarquable ton billet, Pascal. Je le signale à tous ces névrosés de l’imparfait que je connais et je le fais mien en espérant une guérison prochaine.
    La bise
    Agnès

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