Exercice inédit d’écriture créative 245

murCe fut d’abord une impression
puis une certitude.
Les murs se rapprochaient,
imperceptiblement.

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25 réponses

  1. Ecumer les jours :
    Chloé nénuphar poumon
    Colin acheter fleurs
    maison triste rapetisse
    Chloé malade emportée
    Colin mourir chagrin

  2. Clémence dit :

    Et nous voilà bel et bien coincés entre le Big Bang initial et le Big bang terminal.

    Espérons qu’il nous reste encore quelques belles années à vivre, à lire, à écrire et à rêver…

  3. Beryl Dupuis-Mereau dit :

    Ce fut d’abord une impression puis une certitude.Les habitants de la terre n’en croyaient pas leurs yeux. Car, curieusement, le phénomène, qui tenait la tête de l’actualité, avait été constaté dans tous les pays du monde, du moins dans tous ceux où l’urbanisme, avec des bâtiments conséquents, était développé. Cela se traduisait par de légères fissures dans les murs tout d’abord, par des tuiles des toits qui sautaient, après que les charpentes aient exprimées par de longs grincements leur arthrite précoce. Des terrasses se creusaient, les clés de voûte des cathédrales, déboîtées de leur encoche, menaçaient de tomber… Un tas de phénomènes concertés s’additionnaient, curieusement, depuis maintenant plusieurs années. Et les habitants commençaient à percevoir, nettement, que les murs se rapprochaient, imperceptiblement. L’armoire placée dans un recoin de la pièce, juste à la bonne dimension à l’époque, était à présent coincée entre deux murs… Le passage ménagé autour du lit dans la chambre n’était plus suffisant pour circuler…Autant de petites remarques quotidiennes qui alimentaient une inquiétude diffuse et généralisée. Les autorités essayaient de minimiser la chose, mettant en cause les matériaux de construction, allouant des subventions et des aides pour réparer… Des fabricants ingénieux avaient même découvert un ciment élastique qui garantissait, selon la publicité, des murs solides pendant vingt ans… Mais tout cela ne rassurait guère les populations, et surtout n’expliquait nullement la cause de l’étrange phénomène, qui de plus, semblait s’amplifier d’année en année. Et dans les rues du monde entier, lors des rencontres entre voisins, on ne parlait plus que de ça.

    Vendredi 19 avril 2057 – 19h37 heure de Paris :
    Communiqué du journal « Le Globe » :

    Le verdict vient de tomber à l’instant. Il est hélas sans appel. Ce qui pouvait au départ passer pour une lubie collective est en fait une réalité prouvée par des mesures précises, effectuées en divers points du globe, par des scientifiques crédibles. Et leur conclusion, unanime, est pour le moins alarmante.
    Ils ont d’abord cherché parmi les phénomènes connus, tremblements de terre, volcanisme, tectonique des plaques. Mais aucun ne peut expliquer que la surface terrestre elle-même se rétrécit. Ce serait donc selon eux le réchauffement climatique, constaté au début des années 2000, et entamé maintenant depuis environ deux siècles, qui, en s’amplifiant de façon imprévue, a conduit à une sorte de rabougrissement de l’écorce terrestre, qui, telle une vieille pomme blette, se ride et se flétrit d’autant plus vite que la sécheresse augmente. Et cet effet est encore amplifié, depuis le début de l’ère industrielle, par les forages et extractions de diverses matières premières, gaz, pétrole, minéraux de toutes sortes… En ponctionnant ainsi notre planète, nous accélérons encore son ratatinement.
    Cette catastrophe a d’ores et déjà des conséquences géopolitiques graves. Des conflits ont déjà éclatés entre peuples pour la défense de l’espace vital. Car dans les régions les plus sèches du globe, le rétrécissement du territoire est plus rapide encore que dans les régions tempérées. Pour clore le tableau apocalyptique, ajoutons que l’augmentation constante de la population mondiale n’arrange rien.
    Un appel urgent est donc lancé aux scientifiques pour trouver au plus vite une solution à ce problème dont dépend la survie de l’humanité.
    Des suggestions ont déjà été faites :
    – d’injections sous la croûte terrestre pour « repulper » la Terre, pourquoi pas des déchets divers qui encombrent sa surface. Mais cela rendrait tout nouveau forage dangereux, et ne suffirait peut-être pas pour enrayer durablement la catastrophe.
    – Une reforestation accélérée pour emprisonner dans le sol l’humidité. Mais où trouver l’eau douce pour entretenir tous ces arbres sur une planète qui se réchauffe depuis un siècle ?
    – éloigner la Terre du soleil pour contrer son réchauffement ? Mais outre la difficulté de l’entreprise – toutes les bombes nucléaires existantes n’y suffiront peut-être pas – comment s’assurer que l’orbite de la Terre ne rencontre pas alors celle de la lune, provoquant un cataclysme définitif ?
    L’heure est donc grave et la parole est aux scientifiques et aux politiques.

  4. Clémence dit :

    Ce fut d’abord une impression puis une certitude. Les murs se rapprochaient, imperceptiblement.

    VERSION COULEUR SIDÉRALE

    Dernièrement, j’avais rencontré un ami , un grand scientifique avec un grand S que je n’avais plus revu depuis… une éternité. Non, soyons précis : depuis 2 ans. Il était temps de se revoir et de refaire le monde avec d’autres amis. Nous fixâmes une date.

    Moi, je vous le dis tout de suite : je ne suis pas du tout scientifique avec un grand S. Certes, je mets en émoi mon esprit scientifique lorsque je rencontre un problème et que je dois le résoudre. J’observe les faits, j’émets des hypothèses, j’expérimente….

    Moi, j’aime, avant tout, rêver en regardant ce qui m’entoure. Surtout les hommes (les femmes et les enfants aussi) et les végétaux, bien sûr.
    Je ne me pose pas trop de questions… et surtout pas celles dont la réponse ne changera en rien mon quotidien, très quotidien et bien ancré dans l’immédiateté.

    Revenons donc à cette rencontre programmée.
    Par un beau soir d ‘été, nous étions réunis autour d’une table. D’abord, un apéro provençal : pastis accompagné de tapenades,d’ olives,de pain frotté à l’ail,de tomates basilic baignant dans l’huile – inutile de préciser d’olives.
    Ensuite, une sardinade agrémentée d’une ratatouille niçoise.

    Les grillades étaient servies dans les assiettes Varages et, simultanément, « le » sujet s’invitait à table. « LA » question. La question qui donnait immanquablement le départ à une soirée éternelle, farcie de données, de chiffres, d’hypothèses et de projections.
    En cette nuit, l’avenir avait encore de l’avenir !

    En bonne maîtresse de maison, je veillais au bon déroulement du repas, au bien être de chacun et je prêtais également une oreille attentive aux débats sans pour autant intervenir.

    Mais, que serait une soirée entre amis, si quelques bonnes bouteilles ne venaient émoustiller les papilles ?

    Bien que la carafe d’eau fraîche fut régulièrement remise à flot ainsi que les verres des invités, je me sentais de plus en plus immergée dans une espèce de cocon ouaté et velouté.
    La voie lactée m’appelait à la douceur et le nom des étoiles me piquait les paupières.
    Un charivari cosmique m’envahit et je partis à la vitesse de la lumière.

    Exit le XXI siècle,j’étais planquée, bien planquée, loin de tout !
    Minuscule…. Je voyais quatre murs unis m’enserrer dangereusement. Ce n’était pas une impression, c’était bien réel. D’ailleurs, chacun des murs était identifié et nommé : Électromagnétisme, Interaction faible, Interaction forte, Gravitation…..

    J’étais dangereusement coincée. Coincée entre le Big Bang et l’Inflation, pour être plus précise.

    C’est alors qu’un bruit strident et assourdissant fit voler en éclat mes pauvres particules subatomiques bien- pensantes.…

    Il me restait exactement l’équivalent de l’ère de Planck pour sortir et servir le soufflé au citron…si je ne voulais pas m’offrir le luxe d’un four….

  5. Tissier mireille dit :

    Ce fut d’abord une impression puis une certitude.
    Les murs se rapprochaient, imperceptiblement.
    Mais enfin ! Que se passe t-il?
    J’aperçois avec une pointe d’inquiétude mais cependant une curiosité bien naturelle ces drôles d’animaux à deux jambes, dont on m’a confié qu’ils appartenaient à l’espèce humaine; des hommes en sommes . Je les croisait pour la première fois.
    Intrigué, je les vois s’approcher de façon furtive, de grandes bâches flottant derrière eux. Chacun de nous est sur ses gardes. Ce ne sont pas nos prédateurs habituels, nulle odeur forte de félin ne nous parvient malgré le vent qui a soudainement tourné en notre faveur vers nous.
    Quelque uns de mes semblables, tentent timidement une approche, la queue battant nerveusement leurs flancs. Le doute s’empare malgré tout de certains et déjà deux ou trois individus commence à se détourner d ce danger potentiel dans une démarche gracieuse que l’on appel « l’amble ».
    Soudain mes doutes se confirment, d’autres hommes apparaissent de deux autres côtés formant un mur nous obligeant à prendre une direction bien précise.
    Aucun moyen de s’échapper Mes semblables et moi même cherche une issue, mais sans résultat. La panique et ‘incompréhension s’emparent de nous. Nous sommes prit au dépourvu et forcer d’avancer. Malgré nos tentatives de fuite, nous sommes pousser jusqu’à une grande remorque. Pour nous, s’était la première fois que l’on en voyait et nous nous demandons à quoi elle pouvait bien servir. On continua à nous faire avancer jusqu’à elle et sans que je puisse le réaliser, je me retrouve avec deux de mes compagnons dans cet engin bien mystérieux.
    Les murs se referment de nouveaux autour de nous, nous laissant tout de fois la tête à l’air libre, ce qui nous permit de voir avec tristesse que l’on nous emmenaient loin des nôtres. Le bruit du moteur nus effraya un peu mais voyant que toute fuite se révélait impossible, nous priment un air résigné.
    Où allions nous ? Pourquoi nous séparer de notre groupe ?
    Je comprit plus tard que l’on nous emmenait dans une novelle réserve où se trouve déjà d’autres girafes dans le but de rétablir l’équilibre des réserves naturelles.
    Une nouvelle vie commençait pour nous.

  6. MALLERET PEGGY dit :

    Ce fut d’abord une impression puis une certitude. Les murs se rapprochaient, imperceptiblement.
    J’ai pensé que c’était une évidence. Nous les considérions comme partie intégrante de notre famille. Papa et maman les avaient décoré avec autant de plaisir qu’ils nous achetaient des vêtements. C’est-à-dire qu’ils prenaient leur temps pour choisir. C’est vrai qu’en ce qui concerne l’habillement il fallait que ce soit aussi pratique et confortable.
    Ils avaient couru les salles de vente pour être sûrs que les tableaux et les luminaires, s’harmonisent bien avec l’ambiance qu’ils voulaient donner à notre maison. Ils y avaient mis tant de soin que j’avais l’impression que les murs étaient comme d’autres enfants.
    Je savais qu’un jour ou l’autre ils seraient à notre table ou sur le canapé du salon.
    Ce qui m’amusait était de savoir comment ils s’y prendraient.
    Déjà, lorsque nous nous chamaillions entre frères et sœurs ou si les parents faisaient une crise d’autorité, ils donnaient leur avis. C’était une telle cacophonie que j’étais obligée de me boucher les oreilles. On me disait que « j’avais un papillon dans la tête ». Je ne comprenais pas ce que ça voulait dire et de toute façon ça m’était bien égal, je trouvais que chacun avait le droit de donner son avis étant donné que nous vivions ensemble.

    Les murs se rapprochaient très lentement pour n’effrayer personne mais personne ne s’en rendait compte à part moi.

    Petit à petit je dépérissais, mes parents m’ont emmenée de médecin en psy sans qu’aucun ne comprenne ce que j’avais puisque je n’avais rien à leur dire.
    Puis un matin je n’ai plus voulu me lever, j’étais terrorisée. Maman s’est allongée à côté de moi et tout doucement m’a posé à nouveau des questions. Là, j’ai fondu en larmes et je lui ai dit : « Regarde, il ne me reste presque plus de place. Les murs veulent même venir dans mon lit ». Alors maman a eu une idée géniale. Elle s’est mise en colère et leur a ordonné de retourner à leur place et de ne plus jamais essayer d’avancer.

  7. Fanchon dit :

    Ce fut d’abord une impression
    puis une certitude.
    Les murs se rapprochaient,
    imperceptiblement.
    Un jour, je n’ai pas retrouvé ma tasse à l’endroit habituel dans le buffet de la cuisine. J’en ai souri en pensant que j’étais bien fatiguée. Et puis ce fut un livre de chevet que mon mari découvrit dans le frigidaire. Il me savait distraite et un peu ’’ailleurs’’. Il m’a regardée avec attention. Mais décida de plaisanter.
    Lorsque je fus incapable de retrouver ma voiture, en sortant d’un supermarché, une consultation devint indispensable. Les examens des spécialistes ne firent que confirmer ce que je savais déjà. Alzheimer était entré dans ma vie.
    Aujourd’hui je lutte pour rester la même personne ; je colle des post-it un peu partout : ’’ Penser à se laver les dents’’, ’’Les clés sont pendues à côté de la porte’’…J’ai toujours un carnet dans ma poche pour noter une idée qui me vient. Je ne veux pas me laisser envahir.
    Pourtant mon univers se resserre et j’ai peur d’oublier mes proches et mes enfants. Il me reste si peu d’espace entre les murs de ma mémoire.
    Et si je partais dans un pays d’ailleurs où je n’ai pas de passé ni de souvenirs ? Un pays d’avant… sans limite.

  8. Henriette Delascazes dit :

    Je crois que nous pouvons tous nous « entre-félicité », car nous avons sans doute fais le tour de tous les murs de ce sujet qui au départ semble difficile à aborder.
    Chacun ses murs, une histoire différente chaque fois… nous sommes les meilleurs « écrivants » de la petite histoire.
    A samedi
    Henriette

  9. Fanny dit :

    Toute leur vie, ils avaient vécu dans une grande maison dont ils avaient abattu la plupart des cloisons. La large baie vitrée donnait sur un jardin qui descendait en pente douce jusqu’à la Sioule paresseuse.

    Le cœur chaviré, ils s’étaient résolus à l’abandonner pour un sympathique petit appartement au deuxième étage d’une résidence. Lui, dans son fauteuil roulant, passait ses matinées à regarder déambuler les passants et ses après-midis à somnoler devant la télé. Elle, après avoir épousseté ses meubles et mitonné un petit plat tournait en rond.

    Puis, vint le jour où elle se retrouva dans une chambre où, seul, son lit put se loger.

    – Tu seras bien ici Maman, la rassura sa fille. Tu as bien mérité de te reposer.

    Elle s’abstint de lui dire que les murs se rapprochaient inexorablement et qu’elle se languissait de prendre son envol.

  10. Fabienne Scaramiglia dit :

    Barbara regardait avec ravissement sa nouvelle cuisine.

    Un îlot central! Elle en rêvait depuis longtemps! Elle avait maintenant un grand réfrigérateur deux portes, une cuisinière avec vitrocéramique et deux fours. Le Kitchen Aid rose trônait sur le comptoir. Une cuisine parfaite qui resterait parfaitement rangée, car elle ne cuisinait jamais ou presque. Que cette cuisine était belle et moderne!

    Ken, qui arriva par la porte du garage dans lequel il avait laissé, à contrecœur, sa nouvelle voiture sport dernier modèle, enlaça amoureusement sa femme et après avoir déposé un baiser langoureux sur ses lèvres, la félicita pour l’agencement de leur nouvelle cuisine. “Mais je n’ai rien fait! dit-elle.”

    Quelques mois plus tard…

    Au début, Barbara trouva des bleus sur ses magnifiques cuisses dont elle ne comprenait pas l’origine. Au bout de quelques semaines, elle prit conscience qu’elle butait contre les comptoirs, les meubles et l’îlot de la cuisine comme si elle avait moins d’espace pour passer.
    Ken fut sceptique, mais voyant que sa chérie n’avait pas grossi (Dieu merci!), il se résolut à prendre un mètre à mesurer.
    “Mais, tu as raison, Barbie! On dirait que l’espace diminue!”
    Ce fut d’abord une impression puis une certitude. Les murs se rapprochaient, imperceptiblement.

    Puis, tout alla très vite, les murs se rapprochant de plus en plus vite, des éléments de la cuisine disparurent et certains éléments furent remplacés. Le vieux frigo, par exemple, réapparu prenant la place du neuf devenu trop grand pour la pièce.
    Tout ça devint intolérable quand Ken vit disparaître la porte de liaison avec le garage…

    S’ils avaient levé les yeux vers le plafond qui n’existait pas en fait, il aurait pu voir la mine contrariée de Linda. Une énorme tête, car la petite fille leur aurait paru comme un géant.
    Elle aimait bien Ken et Barbie, mais l’arrivée en grande pompe des poupées Monster High dans la maison avait changé les besoins de la petite maisonnée.
    Impensable que ces dernières croisent le couple, elles leur feraient peur! Ken et Barbie étaient bien mieux dans la cuisine… sauf que cette dernière était devenue de plus en plus petite, car elle a agrandi le salon en poussant les murs. Et puis, les fêtes de Noël approchant les poupées Monster High allaient être plus nombreuses encore.

    À contrecœur, Linda décida de leur octroyer dès à présent la cuisine en plus du salon.
    Elle prit Ken et Barbie, les embrassa une dernière fois et ouvrit la porte du placard à jouets.
    Ken et Barbie remuaient de tout leur corps. Quelle impression terrible que d’aller dans un trou qui ne mènerait pas au pays des merveilles! La porte claqua puis ce fut le noir, le néant.

  11. Sylvie dit :

    Elle avait voulu y retourner seule, malgré les interdictions, malgré les craintes que les autres nourrissaient pour elle, pour son état. Elle avait voulu y retourner une dernière fois, mais à peine y avait-elle pénétré qu’elle trébucha sur le parquet et perdit connaissance.

    Elle revenait peu à peu d’une longue nuit, d’une nuit qui l’avait dépouillée d’une partie d’elle-même, qui l’avait soulagée d’un fardeau. Elle se sentait libre, elle s’imaginait presque pouvoir voler, s’envoler. Elle était seule dans la grande salle, vide, mais elle n’avait pas peur. Rien de sinistre, ni de lugubre. Au contraire, une lumière diaphane diffusait une étonnante sérénité. Qu’avait-on fait des meubles, des commodes, des buffets, des tabourets aux coussins de velours, du clavecin et des tableaux ? Cette salle où elle avait tant et tant joué et dansé. À cet instant… cette sensation… cette impression que les murs, à nu, se rétrécissaient, se rapprochaient d’elle, mais sans l’oppresser. Elle voyait la salle de bal se transformer en un long couloir. Les murs étaient de plus en plus proches. Elle saisissait un souffle, un murmure, comme une invitation. L’atmosphère était douce et apaisante. Elle ne ressentait aucune inquiétude, aucune angoisse. Alors quand les murs l’effleurèrent à nouveau tels des voiles poussés par le vent, elle accepta l’invitation et, dans un éternel frou-frou, se glissa à l’intérieur des fresques, des colonnes, des pierres et des stucs du plafond. Elle revêtit une longue robe blanche, pour la vie, pour sa nouvelle vie, pour danser à jamais. Elle était devenue l’esprit du lieu.

  12. Clémence dit :

    Ce fut d’abord une impression puis une certitude. Les murs se rapprochaient, imperceptiblement.

    VERSION COULEUR LOCALE.

    Ils avaient suivi les instructions à la lettre. Après plus de dix heures de route, ils voyaient enfin le premier panneau mentionnant « Cetona ». Le voyage avait été épuisant.

    Ils arrivèrent à l’entrée du village et furent stupéfaits : ils étaient sur un éperon rocheux. Les maisons étaient en à pic. Ils ralentirent et passèrent devant une côte vertigineuse. Ils n’imaginèrent pas un seul instant que c’était le chemin d’accès du parking.

    Ils repérèrent la maison. Impossible de s’arrêter ou de faire demi-tour, la rue était étroite et à sens unique. Ils continuèrent , firent ainsi le tour du village jusqu’à revenir au point de départ.

    A l’approche du parking, ils ralentirent puis s’élancèrent. Au sommet de la côte, le chemin tournait à angle droit. Un petit terre plein pouvait accueillir sept ou huit voitures.

    Ils posèrent leurs valises pour deux semaines dans une maison de village originale. Côté rue, elle semblait avoir un seul étage, côté jardin, elle en comptait quatre ! La vue était magnifique.

    Ils prirent très vite leurs repères et leurs habitudes. Ils retrouvaient aisément leur itinéraire dans le village puis s’en allaient vers la destination du jour.

    Ce dimanche, ils décidèrent de quitter la Toscane pour la région voisine : l’Ombrie. Premier arrêt : Città della Pieve, ville natale du Perugin. Elle voulait absolument voir, dans l’oratoire de Santa Maria dei Bianchi, une toile remarquable: l’Adoration des mages.

    Ils récupérèrent la voiture brûlante sur le parking et se dirigèrent vers la place centrale de Cetona. Au moment où ils mirent le clignotant annonçant leur direction, un carabinieri , plutôt de méchante humeur, surgit et leur interdit de continuer. Elle eut beau lui expliquer que c’était leur itinéraire, il ne voulut rien entendre. Le demi-tour était impossible, comme d’habitude. Lorsqu’elle lui demanda par où aller, il fit un vague signe vers une autre rue.
    Une voiture étrangère, basta…

    La via Beltrami était bordée de maisons des deux côtés. Elle sembla tout à coup devenir plus étroite. Une impression ? Une illusion d’optique ?
    Elle éprouva un sentiment étrange, mais elle garda le silence. Elle ne voulait pas d’une énième dispute.
    Prirent-ils une mauvaise route ? Ratèrent-ils une bifurcation ?

    A droite, un haut mur de pierres sèches, flanqué de quelques verdures intrépides, remplaça les maison. Ils arrivèrent sur une minuscule placette.
    – Je suis sûre que cette rue ne nous mènera nulle part. Fais demi-tour ici ; c’est encore possible .
    – Non ! Je connais l’Italie comme ma poche, on tombera sur notre route un peu plus loin.

    Il passèrent devant une petite église dont les quelques marches du porche empiétaient sur la rue.Il était difficile d’imaginer ce qui allait suivre car, la rue sinuait légèrement. Allait-elle s’élargir, ou, au contraire, continuer de rétrécir ?

    – Arrête, lui dit-elle. En marche arrière, tu peux rejoindre la placette et manœuvrer.
    Il répondit par les premiers signes de colère : les mâchoires crispées et une veine qui se gonfle dans le cou…

    Il s’obstina. Cette fois, ce n’était plus une impression, les murs se rapprochaient méchamment.

    Bientôt, ils furent coincés dans un goulot. Les deux rétroviseurs frôlaient les façades. Un vieux Toscan surgit de sa maison, la canne en l’air, déversant un flot de paroles qui ne devaient pas être bienveillantes. Il gesticulait et tendait la main vers l’avant.

    Elles se haussa discrètement sur le siège, le temps d’apercevoir un escalier aux marches de pierres blondes, ondulant en courbes douces …

    Elle crispa ses mains sur le siège.
    Il grogna :
    – Je vais faire marche arrière.

  13. A B dit :

    Ce fut d’abord une impression
    puis une certitude.
    Les murs se rapprochaient,
    imperceptiblement.

    Jour après jour, ils n’en pouvaient plus, le poids était trop lourd à porter, ils ne savaient plus si la lumière de chaque matin devenait l’arme qui renouvelait leur souffrance plus vive jusqu’à la brûlure. Ils puisaient le peu de vivacité qui était en eux pour essayer de comprendre, mais rien, rien n’était plus compréhensible pour ces deux depuis que les analyses judiciaires levaient le voile.
    Il y avait d’abord eu ce premier jour funeste où Chris avait péri dans le crash de l’avion qu’il avait pris. Sa mère se souvenait comme une caresse d’or ses derniers baisers, elle les avait trouvés un peu appuyés certes mais Chris paraissait heureux de ses vacances à Tunis et il s’était fiché la tête contre son épaule si puissamment qu’elle en avait été mal à l’aise, se risquant à une mauvaise pensée et puis s’était ressaisie juste pour conjurer le sort, ne voulant pas torturer son âme de mère. Elle se souvenait même du regard réprobateur de son mari sur elle, désirant rassurer ce fils aimant et sans histoires. La porte s’était refermée sur Chris en attendant son retour et les yeux juste brillants, la mère s’en était retournée à ses occupations ainsi que le père qui avait promis à Chris de repeindre son petit atelier où d’ailleurs il y avait longtemps qu’il n’avait pas mis les pieds, cette petite absence serait propice à remettre de l’ordre.
    Le jour recommençait à pointer et à la douleur fulgurante de la perte d’un enfant se dressaient peu à peu ces murs de honte. Petit à petit à travers les larmes il y avait eu et il y avait encore les visites de la police, la fouille de sa chambre, de l’atelier, ce fameux atelier, le père y avait découvert de drôles de livres, il n’y avait prêté au début qu’une attention brève, mais ressenti un froid malsain quand il avait trouvé des fiches explicatives du parfait petit terroriste, il s’était ressaisi et s’était promis d’en parler à Chris, en se mentant à lui-même s’étant persuadé qu’une collection pareille était indigne de figurer dans l’environnement de son garçon chéri mais maintenant que s’était confirmé la culpabilité de ce fils maudit, il devenait fou et cette folie il le savait maintenant était décuplée par les murs de honte et de dégoût qui se construisaient, invisibles autour d’eux mais dont l’épaisseur l’étouffait autant que sa douleur. Cent quatre-vingt personnes avaient péri et les autres, les familles des victimes, comment les regarder ? Comment leur demander pardon ? Tous les deux, la mère comme le père n’avaient rien vu venir, ils avaient engendré un monstre et ce monstre avait monté ses propres murs entre lui et ses parents, ses murs que secrètement il avait tissés comme une toile d’araignée et rendus diaboliques aujourd’hui les avaient touchés viscéralement, irrémédiablement, ils étaient là, impossible à démolir, eux savaient déjà qu’il n’y aurait plus jamais de soleil à regarder, plus de ciel clément à espérer, il n’y aurait que la nuit et qu’un seul mur, celui du désespoir.

  14. Catherine M.S dit :

    Vivement lundi

    Vendredi 4 août, 20h.
    Ce fut d’abord une impression, puis une certitude
    Les parois se rapprochaient imperceptiblement…

    Quand elle tenait encore debout
    Elle pouvait faire quelques mouvements,
    Lever ou écarter les bras, dresser le cou
    Pour aller chercher de l’air
    Mais depuis qu’elle a cessé de crier, qu’elle s’est retrouvée par terre,
    Les genoux sur la moquette, le nez dans ses affaires,
    Elle a compris qu’elle n’en était qu’au début :
    De son calvaire.

    Ce qu’elle redoutait tant est arrivé,
    L’ascenseur s’est immobilisé entre deux paliers.
    En plein été, le bâtiment était quasi désert
    – Bonsoir Mademoiselle, quand vous partirez, éteignez bien les lumières !
    Le gardien en pinçait pour cette jolie secrétaire.
    – Encore des heures supplémentaires ? Toujours célibataire ?
    Faut savoir se distraire, mon p’tit, allez à lundi !
    Et tout le monde était parti.
    Quand l’ascenseur a fait un bond
    Son cœur s’est mis à l’unisson
    Elle a appuyé sur tous les boutons
    Maintes fois tourné en rond,
    Et maintenant, elle attend.
    Rien d’autre à faire
    Juste une prière
    Et la cage qui rétrécit
    Elle en est persuadée
    Elle se sent écrasée
    Qui va la sauver ?

    Le week-end est passé,
    Du bruit dans l’escalier
    – Encore coincé celui-là ! Anne, vous êtes là ?
    Mon café, en vitesse, je suis vraiment très pressé
    Vous m’entendez, Anne ?
    Appelez donc le gardien pour lui signaler la panne
    Pour l’amour du ciel, Anne, vous m’entendez ?

    Mardi 8 août. 8 h. Anne a démissionné

  15. bizak dit :

    -Plus tôt (et non plutôt) erreur ligne dans mon texte
    -Il ne savait pas qu’il était 22 heures( et non qu’il était heures), erreur dans mon texte

  16. bizak dit :

    Ce fut d’abord une impression
    puis une certitude.
    Les murs se rapprochaient,
    imperceptiblement.
    Non de dieu ! mais qu’est ce qui se passe ? Pourquoi ces satanés murs veulent-ils m’écrabouiller.
    Robert était à sa dixième bière, et il n’était pas prêt d’arrêter, ce soir là. Il avait quitté sa maîtresse le matin et, dans l’après midi, il la voyait dans les bras d’un de ses amis. Le ciel lui était tombé dessus ce satané jour. Il se persuadait qu’il s’était trompé, qu’il n’avait pas bien regardé, mais pas possible c’étaient bien elle et…lui !
    Et dire qu’avant de se séparer, ils s’étaient fixés rendez-vous au bar du coin, le Siphon, pour la fin de l’après midi, disons dix huit heures, avait confirmé Robert. Voilà, mais il les avait vu une demi-heure avant l’heure fixée, sortir de ce même bar, lui qui avait pensé venir plus tôt au Siphon, avant le rendez-vous convenu, prendre une ou deux bières et l’attendre.
    Il n’arrivait pas à comprendre, ce qui arrivait. Il décida quand même de rentrer à ce bar, de prendre ses deux bières et d’attendre.
    Le serveur le secoua : eh, monsieur, vous avez trop bu, vous devez rentrer. Robert dans ce moment là, était pris d’un vertige et comme noyé dans la brume. Il ne savait pas qu’il était 22 heures. Sa tête avait commencé à tourner, avant que le serveur ne le secoue. Il venait de se réveiller en sursaut avant que les murs ne le tiennent en étau et, les yeux écarquillés, il tomba dans les pommes… !
    Il était tout heureux dans un moment bref de lucidité retrouvée de s’en être sorti à bon compte…une de perdu ! deux de retrouvés ! Et pour l’ami, il ne perd rien pour attendre ce salaud, se promit-il.

    • bizak dit :

      Une remarque: Je préfère la phrase: »pendant que les murs allèrent le tenir en étau » et non: « avant que les murs ne le tiennent en étau »( dans la 6eme ligne avant la fin du texte » et ce pour éviter la répétition de l’adverbe « avant » déjà employé dans la phrase (avant que le serveur ne le secoue….)

  17. Nadine de Bernardy dit :

    ce fut d’abord une impression,puis une certitude : les murs autour d’eux se rapprochaient,imperceptiblement.
    C’est Alan qui en fit la remarque en premier :
     » Hé les gars, vous ne trouvez pas qu’on se sent un peu plus à l’étroit ici ?
    Les deux autres prisonniers lui ricanèrent au nez :
    – Ca serait pas plutôt toi qui te fais du lard, si bien nourri depuis toutes ces années aux frais de l’état – avait demandé Edgar ,le faussaire
    Alan,haussant les épaules,avait précisé :
    – Je vous jure que non,je suis sérieux,avant je pouvais m’asseoir sur ma couchette et tendre les jambes pour toucher celle d’en face, maintenant je dois plier un peu les genoux.
    Poe,le troisième larron,emprisonné pour abus de biens sociaux,examina la cellules avec attention :
    – Il a peut – être raison ce voyou,il a beau avoir trucidé sa femme accidentellement par amour,il a le compas dans l’oeil quand il s’agit de partager notre pain en parts égales.
    Il va falloir vérifier vérifier ce truc la.
    Edgar haussa les épaules et monta sur sa couchette en ricanant
    – Merde alors, cria-t-il peu après,c’est pas possible ! Je ne peux plus étendre complètement les bras pour toucher le plafond,je dois plier mes bras !
    Un silence pesant s’installa dans la pièce. Ils se regardèrent,inquiets,méfiants,suspicieux.
    Mais qui pouvait bien jouer à ça ?
    – Bon c’est pas le tout ,dit Alan au bout d’un moment, on va devoir vérifier,ne pas se contenter de « on dirait », « j’ai l’impression que » etc.Fabriquons un mètre,on verra bien.
    Ce qui fut fait avec les pages d’un cahier quadrillé de Poe.
    5m25 en longueur,3m50 en largeur, 2m60 pour la hauteur.
    Alan nota soigneusement les cotes sur le cahier.
    – Et ça daterait de quand ce phénomène? demanda Edgar
    – Environ 15 jours ,dit Alan, j’ai remarqué ça en revenant de mon dernier parloir
    – Et depuis, tu plies un petit peu plus les genoux ?
    – Je crois que oui
    – Donc,dit Poe, on va mesurer toutes les semaines et on comparera. On en parle aux matons ?
    – Non les mecs ,s’insurgea Alan, ils vont nous prendre pour des oufs.
    Cette nuit là,ils dormirent mal,rêvèrent de grands espaces et d’horizons sans fin.
    Une semaine plus tard,Edgar, qui avait abandonné tout septicisme et pris la chose à coeur,sortit gravement le mètre et mesura :
    5m20, 3m40, 2m55
    Les deux autres n’en revenaient pas,Poe voulu recommencer.Non c’était bien ça ,un rétrécissement net,inégal mais incontestable.
    Une sueur froide leur coula dans le dos.
    – Mais qu’est ce qu’on va faire ? Si on attend, c’est l’étouffement assuré dans cette piaule maudite,en calculant environ 5 centimètres en moins par semaine,multiplié par 100 ce qui ferait tant en moins en tant de mois…..
    Une seule solution possible se dirent-ils,l’évasion et rapidement car il ne restait pas trop de temps pour creuser un tunnel et se faire la belle.
    Ils refirent les calculs,envisagèrent toutes les possibilités pour en revenir toujours à la même : creuser,creuser,creuser.
    C’est ainsi qu’un matin,les gardiens ouvrirent comme d’habitude le judas de la cellule 325 et ne virent, derrière , qu’une petite pièce basse pouvant à peine contenir trois couchettes coincées les unes contre les autres ,trois outils tranchants posés sur un tas de terre près d’un trou béant .
    Alan ! Edgar ! Poe ! au rapport hurlèrent-ils,affolés, se refusant à l’évidAnce.

  18. ourcqs dit :

    Ce fut d’abord une impression puis une certitude Les murs se rapprochaient, imperceptiblement.

    Parcours étonnant dans une expo.Hautes sculptures métalliques en spirale, je n’ai plus de repères, les parois ne sont pas droites bien verticales, non elles sont, semblent, en mouvement, se rapprochent ou s’éloignent, le chemin s’élargit ou se referme imperceptiblement. Je ne vois pas l’issue, sensation de vide, je traverse des zones fermées. Pertubation des perceptions d’horizontal et de vertical, troublante sensation de perte d’équilibre, et selon l’inclinaison, je me sens engloutie, je me heurte à la matière. L’espace se rétrécit, je ne sais depuis combien de temps je tourne et contourne, ai-je parcouru une longue distance ??
    Environnement métallique vertigineux, inoubliable périple spatio-temporel dans une oeuvre de Richard Serra.

  19. Cécile Lampion dit :

    Ce fut d’abord une impression puis une certitude. Les murs se rapprochaient imperceptiblement.

    Celui de droite se pensait de soutènement. Enterré sur l’une des faces de la maison, il se croyait apte à contrer toutes les forces.On était fier de lui et il leur en était reconnaissant.

    Celui de gauche était plus léger, presque une cloison, un mélange de baguettes et de papier, juste un garde- fou protégeant la maison du voyeurisme des passants.

    Une arcade fleurie transposait les transparences des gens, leurs ombres, leurs glissements dans le silence.

    Ni l’un ni l’autre ne comprirent le pourquoi du choc. Un souffle brûlant les précipita l’un contre l’autre. Les poutres s’encastrèrent dans le torchis.Les aiguilles dans les fissures,le fondu dans les fentes.

    La ville s’illuminait des torches du bois,partout trop présent.

    Chacun des deux murs goûta à l’ossature liquéfiée de l’autre.

    Cela fut vraiment fulgurant entre ces deux parois n’imaginant même pas avoir à se rencontrer.

    Heureusement du choc entre ces deux là, on ne releva aucune victime humaine.

    L’imperceptible était aveuglant quand il parvint au regard de l’homme vers 8 heures 16 secondes…24 dixième, ce 6 Août 1945.

  20. Henriette Delascazes dit :

    Dans cette nuit sans fin, ils n’avaient plus de repères.
    Ces trois-là avaient pu réunir suffisamment d’argent pour accéder au voyage suprême, celui d’un pays où certes il faisait froid, mais où ils auraient du travail, où les magasins regorgeraient de nourriture et de trésors, celui où ils travailleraient, ils auraient une maison, des aides, celui où ils seraient considérés comme des humains — leur avait-on affirmé —, mais pour cela ils devaient s’armer de courage, et surtout payer.
    Frémissants, bourré de confiance ils avaient enfin reçu le message : ils partiraient à la nuit.
    Avant d’y arriver, le chemin serait long ! Le trajet semblait interminable, mais leur cœur était comblé de joie, il fallait patienter avant de voir ce quai de l’espoir. Ils avaient les yeux pleins d’étoiles durant le parcours en camion sur la piste cahotante. Le véhicule s’arrêtait parfois et d’autres, comme eux, chargés de marmots et de quelques ballots contenant leur vie, embarquaient.
    Ils savaient qu’une nuit ils avaient étaient pris en charge par un camion, enfermés plutôt. Ils le comprirent vite. Ils avaient roulé longtemps sur une route cahoteuse. Ils avaient perdu la notion des jours et des nuits, pour eux le temps ne comptait plus. Ils n’avaient plus de repères. Ils étaient confinés entre des cloisons, le noir était devenu leur vie, le noir, le froid, la crasse, la faim. Mais leur rêve était toujours là immense, gigantesque. Ils savaient qu’ils devraient souffrir pour le réaliser. Patienter ! L’heure viendrait, le temps serait là où frileusement ils ouvriraient les yeux sur un rivage où on les attendait, on le leur avait affirmé, là-bas, au-delà des eaux c’était le pays de cocagne.
    Les trois amis méfiants d’abord avaient fini par sympathiser avec leurs nouveaux compagnons. Ils avaient tous le même fantasme. Ils croyaient qu’à l’instant où ils poseraient le pied sur la passerelle du bateau ils seraient enivrés par l’odeur envoutante de la liberté.
    Première panique : le bateau ne fut en fait qu’un vieux chalutier où ils durent tous s’entasser avec d’autres qui comme eux, visaient une semblable utopie. Plusieurs centaines d’hommes, de femmes, chargés de gosses espéraient fébrilement cet eldorado promis au-delà des flots.
    Les bébés qui pleuraient de fatigue ou de soif étaient vite calmés par leur mère, un sein se montrait et le moutard suçotait le peu qui restait. Quelques barres de céréales furent offertes par les passeurs pour les faire taire. Une bouteille d’eau fut distribuée à chacun. Puis enfin, le bateau s’éloigna en silence dans la profondeur de la nuit.
    Chut ! Taisez-vous ! Les pères serraient les gosses contre eux, leur mettant la main sur la bouche au moindre couinement. Le froid les saisit. Le froid, la peur, l’inconnu, l’espoir, le regret et encore la peur suintaient à leur peau.
    La mer était grosse. La houle soulevait la chaloupe. Une odeur de vomi et de fèces supplanta celle de l’iode.
    Deuxième panique : L’embarcation stoppa un instant à l’approche d’un zodiac vide celui-là. Les deux guides y montèrent sans donner la moindre explication. Ils ne semblaient d’ailleurs pas parler la même langue qu’eux.
    Devant le désarroi des passagers, un homme costaud, un sage sans doute, prit les commandes de la troupe, remit le moteur en marche. Vers où voguaient-ils ? Aucun instrument de navigation n’était à leur disposition, toutefois, auraient-ils su s’en servir ? La nuit était sans lune, le ciel chargé de gros nuages lourds, le vent s’était levé. Toute la meute était là, entassée, perdue au milieu des flots, égarée dans les ténèbres. Le temps passa.
    Alors, la révolte clama, ils appelèrent, mais qui ? Des disputes éclatèrent au milieu de ce cauchemar. Un enfant tomba à l’eau, sa mère plongea pour le récupérer, mais ils furent aussitôt engloutis par les flots noirs, glacés. Un cri monstrueux surgit dans la nuit, celui du père qui n’avait pas pu sauver sa famille. Un cri de honte, de colère, d’effroi.
    L’homme costaud leur parla, rassurant, essayant de calmer l’escouade. Il savait, lui que le frêle esquif surchargé pouvait chavirer à la moindre agitation des passagers.
    Il parla, palabra longtemps, leur parla de Dieu, qui allait les guider vers la terre promise, vers leurs rêves immenses. Le jour se lèverait et ils apercevraient la côte bienveillante. Là on leur avait affirmé qu’ils seraient accueillis et sauvés.
    Pour se réconforter ils se racontèrent alors le temps où économisant sous après sous, empruntant à la famille, aux amis, qui souhaitaient eux aussi finir par participer au même rêve. Chacun y allait de son histoire. C’était le temps d’un pays où il ne faisait jamais froid, certes ils se nourrissaient de peu, mais ce peu qu’ils mangeaient était préparé avec des larmes d’amour.
    Les premières lueurs de l’aube rosissant se révélèrent, chassant les angoisses, redonnant espoirs aux passagers. Leurs rêves allaient avec ce nouveau jour se concrétiser. Ils avaient froid, ils avaient faim, chacun gardait pour soi ou pour les siens les dernières réserves enfouies dans leurs sacs.
    Ils se penchèrent, puisèrent de l’eau pour nettoyer les déjections de la nuit. La mer était grosse, les vagues enflaient et soulevaient cette lourde masse mouvante et surchargée. Certains eurent mal au cœur, s’affolèrent, pleurèrent, se méfièrent les uns des autres. Après l’espoir donné par l’éclosion du jour, l’épouvante les prit. La panique s’installa. Le costaud a beau palabrer, rien ne peut plus les calmer. La mer enfle, le chalutier tangue dangereusement. Ils sont balancés d’un bord à l’autre.
    Le costaud les incite à prier. À prier, mais à prier qui ? Dieu, Allah ? Ils ne savaient plus, chacun avait sa croyance et le moment de la dispute n’était pas prévu.
    Où étaient leur rêve immense, leur rêve gigantesque, mais évident, celui de vivre libre tout simplement !
    La tempête se déchaîna, augmenta encore de violence. Soudain, une voix pleine d’espoir hurla : Terre, je devine la terre.
    Ils se précipitèrent tous du même bord… Ce fut d’abord une impression, puis une certitude. Les murs, autour d’eux, se rapprochaient, imperceptiblement. Les eaux les engloutirent.
    Quelques-uns furent sauvés… mais pour déchanter derrière des barbelés.

    Bon week-end
    Henriette

  21. Christine Macé dit :

    Elle avait mal à la tête, là où il y avait comme un blanc, une zone déserte. Un morceau qu’on aurait retiré sans rien mettre à la place. Du vide. Et cette chambre qui n’était pas la sienne. Elle ferma les yeux. Persuadée qu’en les ouvrant à nouveau, tout serait redevenu normal. Je compte : un, deux, et à trois… mais elle doutait. Dormir alors, pour que tout redevienne léger, facile. Avec de la musique. Des couleurs. Du chaud, du doux. Plus de mur ni de fenêtre grillagée. Plus de peur.
    Elle se disait tout ça en guettant chaque bruit. Les bruits du silence. Des pas feutrés ailleurs, une voix, et à nouveau ce blanc. Comme celui des murs fraîchement repeints. Légèrement laqués. Une couleur qui n’existait pas vraiment. Une absence de ton. Un non-sens. Quatre murs sans âme.
    Imperceptiblement pourtant, elle le sentait, ils avaient bougé. Et s’étaient rapprochés, de quelques centimètres à peine. Jour après jour, ils gagneraient du terrain et finiraient par l’étouffer. Elle pensa que la porte était fermée à clé. Que jamais elle n’en sortirait. Qu’il valait mieux en finir. Maintenant.
    Restait ce blanc, celui de sa tête, la clé peut-être. Et si c’était là-bas qu’il fallait décamper ? Se réfugier dans ce petit bout de cerveau inexploré. Ignoré de tous, et en premier lieu d’elle-même. Une terre vierge à prospecter, à conquérir. Sans murs, avec de l’air, beaucoup d’air. Et du bleu à la place du blanc.
    Elle compta : un, deux…

    Bon week-end, Christine

  22. Smoreau dit :

    Ce fut d’abord une impression puis une certitude.
    Les murs se rapprochaient,imperceptiblement. Lundi, elle s’était réveillée brutalement par un silence presque assourdissant. Plus de bruits de voitures, plus de livraisons tonitruantes, aucun klaxon.
    Que se passait-il ? Il neigeait ? Non !
    Tout s’était assourdi dans sa vie. Elle avait comme du coton dans les oreilles. Elle percevait la radio sans comprendre le sens des mots. Au bureau, chacun l’évitait et lui murmurait un « bonjour ». Ses amis raccrochaient vite après 3 ou 4 mots chuchotés. Elle pensa à des problèmes d’oreilles. Otites ? Tympans endommagés ? Elle consulta. Elle prêta l’oreille pour entendre le médecin. Le diagnostic fut bref, presque inaudible et terrible : « Grave ! Je peux rien faire. »

    Autour d’elle un mur de silence s’était bâti !

    • Philippe dit :

      Ce fut d’abord une impression puis une certitude.
      Les murs se rapprochaient,imperceptiblement.

      Le citoyen du monde qu’il était le sentait. Pour lui, le mur sépare plus qu’il ne construit. Voici vingt-cinq ans, Berlin l’avait quelque peu consolé. Mais ce n’était qu’une illusion.

      Les années passant, le monde n’était plus qu’un champ de murs. Le citoyen passait son temps à les franchir ou à les contourner. Toujours plus hauts, toujours plus laids, toujours plus douloureux.

      Il n’avait même pas le talent des taggeurs pour y laisser des messages d’humanité, il n’avait pas de craie pour y écrire un simple message d’amour. Car il était fatigué. Et menacé aussi car les murs devenaient vivants, communiquaient entre eux.

      Leur but : se multiplier et se rejoindre, en prenant soin d’écraser toujours plus d’êtres humains. Les plus féroces des bâtisseurs, les plus idiots aussi, étaient touchés. Les murs, tels des robots dépassant leur maître, convergeaient pour ne former à terme qu’un immense bloc fait de béton, de ciment, de barbelés mêlés du sang et de la peur des hommes.

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