Exercice inédit d’écriture créative 264

porte derobeeIl (elle) est entré dans la vie par une porte dérobée
personne ne l’avait vu passer.
Il (elle) pensait traverser l’existence incognito,
mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça…

Inventez la suite

 

 

18 réponses

  1. oholibama dit :

    Elle est entrée dans la vie par une porte dérobée. sa pauvre mère l’avait déposée là sur le seuil de cette maison de maître en se disant que son petit ballot aurait peut être plus de chance! La peur au ventre elle avait sonné est était partie comme une voleuse. un pas lourd, une voix grave, des mains tâchées par la vie et le travail. L’homme souleva le petit ballot et en entendant les vagissements se trouva tout drôle.

  2. Miclaire dit :

    La porte Dérobée se trouvait au sud de Lavie, une belle ville située au bord de la mer Paradis sur Terre. La porte était toute petite, empruntée par tous les petits bonhommes hideux, barbus et au nez crochu de la cité. Il s’était donc grimé pour leur ressembler et tenter d’entrer sans être reconnu et le résultat était plutôt pas mal. Le roi du bonheur voulait vérifier que tout le monde était bien traité dans son pays, des frontières jusqu’à la cour. Mais ça ne s’est pas du tout passé comme il avait pu l’imaginer. Il avait tout de même réussi à entrer incognito par la petite porte et avait pu admirer combien l’accueil des Gardérobés y était chaleureux. Il avait ensuite pu traverser l’Existence, la longue avenue du royaume sans être reconnu, touché par la sympathie et la gentillesse des Polidérobés, auxquels il avait plusieurs fois demandé son chemin, comme un inconnu, lorsqu’il tomba nez à nez avec la reine du plaisir, qui, dans un 1er temps, fit mine de ne pas le reconnaître et ordonna qu’on lui coupe la tête parce qu’il ne l’avait pas saluée joyeusement dans un grand éclat de rires, comme il se doit. Jamais il n’avait eut aussi peur ! Elle se jeta alors à son cou et le couvrit de baisers doux et chantants comme il les adorait. Tout le monde se mit à rire à en perdre la tête en découvrant qui se cachait sous le masque. Le couple royal se hâta de rentrer au Palais de Lajoie, pour profiter de leur amour débordant.

  3. AB dit :

    Elle avait sonné à la porte de mon père. Je lui avais jeté un regard rapide, presque impoli. Je savais très bien qu’elle serait un autre numéro de la longue liste des aide-ménagères qui tentaient tant bien que mal de résister à son caractère difficile. Depuis le décès de sa chère Rose, personne ne trouvait grâce à ses yeux encore moins le personnel aidant.
    J’étais pressé, ce jour-là et me rappelle lui avoir proposé d’entrer et lui dire qu’elle verrait avec mon père, tout ce qu’elle devrait assumer comme ménage. Elle ne me semblait plus très jeune et moi, j’étais en retard. Vite, presque invisible, elle est entrée. Je les avais laissés tous les deux, me dépêchant de fermer la porte après l’avoir invitée à l’intérieur, alors que moi, je sortais. Je me pris même un énorme plat en me heurtant dans une de ses chaussures, toutes petites qu’elle avait eu la délicatesse de quitter sur le paillasson.
    Je fus étonné de ne pas entendre de la part de mon père des critiques acerbes au téléphone quand je pris de ses nouvelles, le soir. Je me gardais bien de lui demander comment il trouvait sa nouvelle aidante de peur de représailles. Cependant, je devais admettre qu’à chacune de mes visites la maison brillait un peu plus. Le soleil semblait avoir laissé ses rayons sur les meubles qui avaient une autre allure. Petit à petit, mon père me lançait des boutades que depuis longtemps, il avait oubliées. Il se prit un jour à me proposer de l’accompagner afin qu’il s’inscrive à un cercle de cartes, l’envie de rejouer le titillait et je ne devais pas m’inquiéter pour qu’il s’y rende chaque semaine, Léonne, serait là pour l’accompagner.
    Sa barbe hirsute depuis longtemps, avait caché son visage, vieux, mais, encore très beau. Il me fit la surprise, le jour de son anniversaire de la raser complètement, laissant redécouvrir ses lignes osseuses et élégantes. Même, son sourire qui de plus en plus, se transformait en rires généreux, avait le son clair de celui d’un jeune homme. Je me reprenais à espérer pour lui un avenir moins triste. Ce renouveau que je n’attendais pas, sans le vouloir s’insinuait en moi et je ne comprenais pas, car, aucune nouvelle tête ne franchissait la porte de la maison. Cependant, dans l’air de cet intérieur, un parfum à l’odeur d’espoir enivrait et je n’en connaissais pas encore la provenance.
    Une petite année s’écoula. Je ne m’occupais presque plus de l’intendance de sa maison. Ni de ses achats, ni de ses nouvelles habitudes qui se déroulaient sans doute comme une machine bien huilée. Un appartement rutilant, une atmosphère tranquille, presque un havre de paix. Tout me garantissait la quiétude d’une vieillesse tranquille retrouvée, malgré le malheur qui s’était abattu sur son couple une année auparavant.
    Un dimanche, alors qu’il m’avait invité à déjeuner, je fus étonné de découvrir sur la table trois couverts et un bouquet de roses, posé, là, dans la troisième assiette.
    Ma surprise ou plutôt, ma déconvenue, serrèrent ma gorge et ma voix se fit rauque. J’entendis, le son à peine audible de cette dernière prononcer
    – « Des roses » !
    Et en une seconde, Rose, ma mère, apparut devant mes yeux. Je comprenais d’un coup, ce que j’avais depuis bien longtemps enfoui au fond mon cœur, père était de nouveau amoureux. Pour moi, cela relevait de l’impossible, presque de l’intolérable. Une remplaçante avait pris la place de sa Rose. Mais, qui ? Et à son âge !
    La sonnette retentit. Je courus ouvrir. Léonne était là, elle me sourit.
    Je m’entendis lui dire, mais Léonne, aujourd’hui, c’est dimanche, vous vous trompez, ce n’est pas votre jour de présence.
    Par derrière, je sentis, la main sûre de mon père s’abattre sur mon épaule.
    Mais, fiston, les roses sont pour elle !
    elle était entrée dans sa vie par une porte dérobée
    je ne l’avais vu passer.
    elle pensait traverser l’existence incognito,
    mais ça ne s’était pas du tout passé comme ça…

  4. Fanchon dit :

    Cela faisait longtemps qu’elle patientait dans le vieux salon du manoir. Elle veillait sur les lieux avec cet air mélancolique et fier qui lui était si singulier. Les visiteurs s’arrêtaient souvent devant elle, fascinée par l’élégance de son attitude et ses traits gracieux. Ce que personne ne savait, c’est à quel point elle s’ennuyait. L’idée de rester dans cette pièce, sans accès au monde lui semblait de plus en plus insoutenable. Jusqu’à cette fameuse nuit où elle décida de franchir le cap ou plutôt le cadre qui la maintenait hors du temps. Elle souleva son jupon blanc, s’appuya sur les montants du bâti, sortit un pied puis l’autre. Un coup d’œil à droite, un à gauche. La voie était libre. Elle courut jusqu’à l’accès dissimulé derrière une tenture et appuya sur la poignée.
    C’est ainsi qu’elle entra dans la vie par une porte dérobée, personne ne l’avait vu passer. Elle pensait traverser l’existence incognito, mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça.
    Notre charmante jeune fille, courait joyeusement de pièces en pièces, interpellant chaque portrait d’hommes et de femmes qui peuplaient les différentes pièces de la demeure. Elle jacassait, questionnait, s’informait auprès de tous ceux qui voulaient bien lui parler. Mais la liberté demande un brin d’organisation et voilà qu’à force de curiosité, elle se perdit. Il lui fût impossible de regagner sa toile et personne ne souhaita l’abriter dans la sienne, évoquant disparité, divergence voire déséquilibre. L’avenir lui parut bien sombre tout à coup entre prison d’un cadre doré et indifférence de ceux qu’elle pensait ses amis. Elle avisa un sous bois que bordait un lac noyé de brume dont l’atmosphère ressemblait à la mélancolie qui l’avait envahie. Elle décida de s’y fondre.
    Au petit matin la maîtresse de maison entra dans son boudoir et resta médusée devant le tableau de Greuze, placé en face de la fenêtre où un rayon de soleil éclairait un cheval aux rênes abandonnés. Ne restait de l’exquise jeune femme qui s’y appuyait d’ordinaire, qu’un petit cotillon blanc trempé, posé sur le sol.

  5. Isabelle D dit :

    Elle est entrée dans la vie par une porte dérobée, personne ne l’avait vu passée. Elle pensait traverser l’existence incognito, mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça… Moi je l’ai vu.

    A cette époque, on n’accouchait pas forcément à l’hôpital, alors Marie était née dans la chambre cachée de la maison de son grand-père. A l’abri des regards, à l’insu de tous. Et quand elle a franchi le seuil de cette fameuse porte, c’était pour ne jamais y revenir. Elle ne pouvait pas rester dans cette maison, dans cette vie alors on lui en avait choisi une autre. Il est des situations impossibles, des destinées improbables, des choses que l’on doit taire. Et même si c’est dur, c’est comme ça.

    Elle fut recueillie par une famille aimante, mais malgré tout, elle s’était toujours sentie de trop. Elle parlait peu, elle faisait ce qu’on exigeait d’elle. Elle alla à l’école, comme toutes les petites filles de son âge. Elle était intéressée par tout, elle aimait lire, elle aimait rêver. Elle n’avait pas vraiment d’ami. Pourtant, tout le monde l’aimait bien. Elle leur faisait de la peine peut-être. Avec son physique malingre, sa peau pâle, ses cheveux couleur corbeau et ce sourire si discret sur les lèvres… Elle n’était ni heureuse, ni malheureuse, Marie. Elle était Marie.

    A l’âge de 17 ans, elle avait décroché un travail comme vendeuse à la boulangerie. Elle redécouvrait peu à peu toutes les âmes du village, leur inventant d’autres vies si nécessaire. Elle avait toujours l’air ailleurs. Et elle aimait rendre service sans rien attendre en retour. Alors quand il arriva la première fois au magasin, l’air austère, elle lui a simplement souri.

    Il venait une fois par semaine. Toujours le même jour, toujours la même heure. Et il prenait toujours la même chose. Il était ponctuel. Le parisien. Elle lui souriait et il lui souriait en retour. C’était devenu leur rituel. A son allure, elle l’imaginait médecin ou notaire. Elle l’imaginait vivre la grande vie, elle rêvait qu’il l’emmène au bal, qu’il la fasse danser sous les étoiles.

    Et puis ses visites ont cessé quelques temps, avant de reprendre peu après la Toussaint, presque comme avant. Presque. Le regard triste, l’air fatigué, amaigri, il a repris la même chose, comme si de rien n’était. Mais il n’a pas souri. En partant, il a pris une autre direction que celle qu’il prenait d’habitude, elle l’a bien vu. Mais ça n’avait pas d’importance. Elle, elle continuait de lui sourire. Il est revenu la semaine suivante, puis la suivante et encore les suivantes… C’était déjà bientôt Noël. Il y avait de la magie dans l’air et de l’humanité dans les cœurs.

    Quand il rentré dans la boutique ce jour-là, il ne souriait toujours pas. Mais quand il en est ressorti, il était heureux. Ils sont allés prendre un verre avec Marie, ils ont beaucoup parlé et ils se sont aimés. Pour tous, elle est devenue la provinciale qui a épousé le parisien. Mais pour moi, elle était seulement la femme de sa vie.

    Vous vous demandez peut-être pourquoi il venait et ce qu’ils se sont dits ce fameux jour. Je le sais, c’est vrai. Mais ça, c’est une autre histoire.

  6. . Janine dit :

    Un jour il en a eu assez des portes dérobées, des coulisses, des seconds rôles et de l’anonymat.
    Pris de folie furieuse il est monté sur scène et a commencé à chanter. De l’Opéra ! Oui Madame ! Oui Monsieur ! Alors qu’il n’avait jamais appris ! Et tout le monde est resté coi, muet d’admiration. On ne l’avait jamais vu comme ça ! La tête lui tournait tellement il était heureux et quand le public a applaudi il a pleuré de joie. A la sortie des artistes, ils étaient nombreux à l’attendre pour le voir, l’approcher, le toucher, lui demander une dédicace. Il a été obligé de se sauver, poursuivi par les paparazzis. Peu à peu sa vie est devenue un enfer. Il ne pouvait plus sortir dans la rue sans provoquer un attroupement et les policiers étaient obligés de venir le chercher pour le protéger. Bientôt il eut des millions d’amis sur Facebook et sur Twitter. Mais un soir il faillit mourir étouffé par la foule qui l’entourait. Et quand il s’est retrouvé seul, il s’est assis par terre, et il a pleuré de découragement et de honte.
    Et il a regretté son anonymat.

  7. Clémence dit :

    Il était entré dans la vie par une porte dérobée. Personne ne l’avait vu passer. Il pensait traverser l’existence incognito, mais ça ne s’est pas du tout passé comme cela…

    A son retour, il emprunta un autre itinéraire. Il aperçut une ruelle. D’elle émanait une attraction irrésistible. Il s’engagea. Personne ne l’avait vu passer.

    Il fit quelques pas. Des fenêtres basses, une porte dérobée. Plongé dans ses rêves, il pensait qu’il traverserait l’existence incognito….
    Et pourtant, il se sentit happé dans un étrange tourbillon.

    Il ouvrit les yeux. Une pièce éclairée d’une petite fenêtre à meneaux. Tout était blanc.
    Sur les quatre murs étaient appuyées des toiles. Blanches.
    Sauf une.

    Elle était magnifique : un point noir déposé parfaitement sur un fond blanc.
    Il se pencha pour l’observer. Il fut aspiré, avalé, gobé.

    Face à lui, un tableau en noir et blanc. Sur une barrière de bois, une pie. Un détail attira son attention :l’ombre de l’oiseau était inversée.
    Il s’approcha de l’oiseau. Son œil brillait mystérieusement. Il le fixait avidement.

    Une sensation de fraîcheur l’envahit. Il regarda ses pieds et fut surpris de les voir au milieu d’une flaque d’eau.
    Un étrange pressentiment s’empara de lui. Son corps semblait lui échapper. Sa tête, entourée d’une couronne de pétales jaunes, pencha dangereusement. Ses bras mollirent. Une langueur ocrée s’empara de lui…il végétait…

    Renaissant dans un fatras de verdure, il tendait la main vers une demoiselle, chapeautée et toute de rose vêtue. Elle se balançait. Ses dessous de dentelle froufroutaient autour de ses bottines à boutons rouges.

    Le rouge s’étala et drapa la femme d’une robe écarlate. Rêverie…

    Une chaleur extrême s’abattit sur lui, il étouffait. Il leva les yeux vers la fenêtre embuée.
    Une forme massive se découpait. Un roc taillée d’à-plats vigoureux sous un ciel bleu torturé.

    Où donc était-il ? Son corps frémissait, grondait comme à l’approche d’une explosion volcanique.
    En même temps, un fluide glacial le tétanisa.

    L’espace fut envahit de bleu, bleu clair, bleu foncé, bleu de Prusse, bleu indigo, bleu nuit. Sa tête tournait. Un tourbillon s’empara de lui, le saisit, le tordit, le secoua.
    Une barre rouge valsait au milieu de points noirs sur un parquet bleu….

    Les vertiges s’amplifièrent, il saisit sa tête entre les mains et hurla…
    Un cri. La peur dans son absolu.
    Une déferlante de striures bleues, rouges, noires….
    Un fracas.
    Il ne ressentit plus rien.
    Le silence.

    Il chutait, chutait, chutait sans fin.
    Puis ce fut le choc.

    Face à lui, l’origine du monde….

    Assis sur son tabouret, le faussaire leva son bras et signa sa dernière toile…

    © Clémence

  8. Durand dit :

    Elle était entrée dans la vie par une porte dérobée. Personne ne l’avait vu passer.
    Du néant d’avant au néon de la vie.

    Elle pensait traverser l’existence incognito mais ça ne s’était pas du tout passé comme ça.

    Le bleuté éblouissant de la petite lumière lui avait camouflé la réalité de son arrivée. Ne sachant pas où elle avait mis les pieds. D’ailleurs que savait-elle de l’existence des pieds ?

    On l’avait déposée dans le premier coin carré d’une boîte éventuelle, la construction, peut-être d’un peuple aléatoire.

    Les derniers sauvages d’Amazonie l’avaient vue dégringoler des nuages. Effarouchés du bout de la forêt, ils avaient longuement palabré avant de s’en approcher.

    Tout ce qui tombe du ciel, même les fientes d’oiseau est à craindre ou à déifier.

    Comme beaucoup d’autres éléments, elle attendait que le vent se lève ou qu’un courant l’entraîne vers un ailleurs.

    Mais non, comme la plupart, elle creusait son trou d’inertie.

    La tribu l’adopta, lui construisit une palissade d’adoration, une clôture de protection.

    Ce fut un autel pour l’arrivée d’un OFNI, objet flottant non identifiable dans l’inconscient collectif des bons farouches, ceux que la machine n’avait pas encore avalé.

    Pourtant dans ce paquet largué d’un avion au mauvais endroit, ayant raté le récent chantier, elle existait belle et bien.

    Improbable et absurde, blague de contremaître:
    Une Poire Belle Hélène dans un micro-onde.

  9. éléonore dit :

    Il (elle) est entré dans la vie par une porte dérobée
    personne ne l’avait vu passer.
    Il (elle) pensait traverser l’existence incognito,
    mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça…
    Bien sûr tout le monde attendait cette naissance avec émoi, depuis l’annonce de l’heureux évènement chacun y allait de ses prédictions. Fille, garçon ? On espérait en retenant son souffle. La famille était partagée comme souvent, le grand père demandait fébrile quand serai la première échographie qui dévoilerait le sexe de l’enfant, dans son for intérieur il espérait un beau mâle solide et brave, qu’il pourrait initier à la chasse comme lui, l’avait été par son propre grand père. La campagne alentours était si belle en automne. La future mamie souhaitait en secret une jolie poupée rose et blonde pour l’accompagner dans les boutiques à la mode, Châteauroux n’était pas si loin après tout. Les parents se disaient que l’important était d’avoir un bel enfant en bonne santé et suffisamment intelligent pour se construire une belle existence. La naissance était prévue pour le 25 juin et déjà Magalie était bien ronde début mai, alors on observait. A chacune de ses visites la mamie caressait le ventre de sa fille avec un petit sourire et quelques soupirs, tu n’iras pas jusque fin juin, ma chérie et un gros baiser claquait sur les joues rebondies de la jeune femme. As-tu tout organisé pour la future naissance et Magalie riait en disant : j’ai bien le temps! Le poussin restera dans son œuf encore un moment. Jeanne regardait le futur grand père et leur échange silencieux en disait long. Magalie avait toujours gaie et charmante mais si inconsciente.
    Le 22 mai, toute la famille revenait d’une promenade en forêt, il faisait si bon en cette saison, les fleurs jonchaient les sous-bois. Jacinthes sauvages et anémones sylvestre émaillaient le sol encore recouvert de feuilles mordorées. Les oiseaux expérimentaient leurs chants tout neufs et les rayons de soleil perçaient à travers les branches aux feuillages encore clairsemés. Les senteurs humides et sucrées étaient enivrantes et Cyril prenait la main de Magalie avec tendresse.
    De retour à la ferme familiale, Jeanne prépare un chocolat crémeux et fumant pour revigorer tout son monde. Paul s’affale dans son grand fauteuil et allume la télé pour connaitre les résultats du match qui opposait Châteauroux à Tours. Magalie va dire bonjour aux brebis dont l’une vient mettre bas le matin même.
    Le foin chauffé par la douceur de cette journée embaume la bergerie et, Friponne la chatte isabelle, ronronne cinq chatons accrochés aux mamelles.
    Magalie est fatiguée, elle a chaud. Elle s’assoit un moment sur une botte de paille. Ses paupières sont lourdes, elle fait un effort pour se relever et regagner la ferme. Elle n’a pas le courage de faire le tour de la bâtisse et rentre par la porte de derrière, celle qui donne accès à la fromagerie. Elle veut se reposer sur un tabouret, mais n’a pas le temps de s’y assoir. Elle pousse un cri et met au monde une petite boule de chair rose qui glapit comme un chevreau. Jeanne accourt, ameute les autres membres de la famille. Cyril pleure, Paul téléphone au docteur Henri, un ami de la famille depuis plusieurs années. Jeanne cherche des linges et enveloppe le nourrisson. Magalie rit aux éclats. Elle vient de donner le jour à la plus belle des petites filles au terme d’une si merveilleuse journée.
    Cyril sèche ses larmes et serre la jeune femme dans ses bras.
    Comment allons-nous la prénommer ? Dans leur inconséquence ils n’ont rien prévu à ce sujet.
    Magalie propose jacinthe, et Cyril Anémone, Jeanne suggère Angélique, le prénom de sa propre grand-mère.
    Paul aurait bien aimé, Arthur, le nom du plus valeureux chasseur d’Amboise, mais c’est raté alors il reste là, les bras ballants…
    …Vingt ans plus tard, mademoiselle Jacinthe, fait la une des journaux télévisés. Elle vient d’être promue et décorée par les plus grands chefs de l’art culinaire de Saumur. La famille au complet est là pour l’entourer avec fierté ses frères et sœurs, Anémone, Angélique et le petit dernier Arthur qui tient avec amour la main d’un vieux monsieur moustachu et souriant.
    Jeanne a coiffé un chapeau encombré de rubans de taffetas bleu azur trouvé sur E bay et reçu le matin même, il n’y a plus de modiste à Châteauroux depuis belle lurette. Elle se tient bien droite malgré son âge et dit à qui veut bien l’entendre : « c’est moi qui ai appris à ma petite fille à cuisiner, elle ne me quittait jamais, sauf pour accompagner son grand père de temps à autre. C’est lui qui lui a enseigné à reconnaitre les champignons. Les sous-bois en regorgent en octobre, encore faut-il repérer les bons coins !!! Paul est un spécialiste ! Et elle disait tout ça avec tant d’affection dans le regard »
    On aimerait que cette histoire se répète à l’infini, et moi, je rêve. Parce que ça me fait du bien.

  10. Christine Macé dit :

    Il était né sans tambour ni trompette. un de plus sur des milliards, ici ou ailleurs, quelle différence ! D’autant qu’il s’ingéniait à passer inaperçu. Un planqué en sorte ! Pas très joli ni glorieux, mais la gloire, il n’en avait que faire. Il préférait se la couler douce, dans un endroit à l’abri et au chaud. En échange, il ne dérangerait personne, et surtout pas l’ordre des choses. Le monde était déjà tellement complexe, si fragile : aucune intention d’y ajouter son grain de sel ! D’autres s’en chargeaient, des plus virulents, des vicieux, des minus et des géants, un tas de gros costauds qui adoraient foutre le bazar.
    Lui, c’était un timide. Un rêveur. Un doux qui n’attirait pas l’attention. Probablement « pas fini », chuchotait-on en le voyant si peu âpre à la tâche. Mais ça lui était égal, il avait trouvé une petite blonde, pas bêcheuse, ils coulaient des jours heureux : largement suffisant !
    Jusqu’au jour où un de ces mastards vint rôder dans leur quartier. La traîtresse fit sa valise et fila rejoindre son prince charmant. Affligeant mais banal.
    Il se mit à déprimer grave. Personne n’y pouvait rien et d’ailleurs, tout le monde s’en foutait. On lui avait suffisamment seriné que, dans la vie, il fallait se battre pour arriver quelque part, ou au moins à quelque chose. Bien joli le farniente et les rêves, mais preuve que cela ne menait nulle part. Bla bla bla.
    Ce persiflage incessant lui filait la gerbe : tous ces donneurs de leçons qui feraient trois petits tours avant de finir, comme tout le monde, en poussière.
    L’endroit devenait malsain : il boucla son paquetage et partit sans regret.
    Marcher le détendait. Plutôt chouette finalement de voir du pays. Pour un peu, il pourrait même avoir envie de chambarder un peu son anonymat.
    Il consulta sa carte vitale, cherchant la route qui le conduirait à bonne destination : une sorte de Jurassic Park où folâtraient une ribambelle de jolies poulettes. De quoi satisfaire son nouvel appétit de chair fraîche.
    C’est ainsi que, reprenant son chemin d’un pas gaillard, l’insignifiant petit virus entra en résistance. Nom de code : H5N1.

    Bon dimanche, Christine

  11. Nadine de Bernardy dit :

    Il est entré dans la vie par une porte dérobée,personne ne l’avait vu passer.Il pensait traverser l’existence incognito,mais ça ne c’est pas du tout passé comme ça.
    Incognito,c’était vite dit quand on est le fils de Dépression et Septicisme.Il risquait fort de ne pas passer inaperçu par les temps qui courraient.Le pauvre garçon souffrait de voir ses parents parcourir le monde,imposant leur vision de l’existence à des milliers de gens consentants.
    Il luttait de toutes ses forces contre leur envie de destruction.Regret,Culpabilité,Morosité,ses frères et soeurs,s’en donnaient à coeur joie quand à eux, instillant dans l’âme des hommes la frustration ,la colère et la méfiance.
    Mais lui,qui répondait au beau nom de Tolérant grâce à sa marraine Bonté Divine,meilleure amie de la famille,refusait de nuire à autrui.Il cherchait, du haut des limbes où il était encore en observation,comment accomplir sa mission quand serait venu le temps de franchir la porte dérobée qu’il avait choisie pour entrer dans la vie.
    Cela eut lieu un mardi matin.
    Il passa tout d’abord incognito comme il le souhaitait.Mais une semaine plus tard,alors qu’il marchait sur le trottoir d’une ville presque fantôme,un jeune garçon l’apostropha:
     » Eh toi,monsieur,je te reconnais,tu es le fils des deux méchants.Tu es Tolérant, mes parents m’ont toujours dit que tu viendrais un jour.Je t’aurai cru plus vieux.
    Bonjour, moi c’est Aimé Espérance,.
    dit-il en lui tendant la main.
    Ils se saluèrent chaleureusement ,heureux de s’être trouvés.
    Puis ils entamèrent une conversation animée afin de savoir ce qu’ils pourraient faire pour cette ville là.Le gamin bouillonnait d’idées,de désirs.Il proposa mille plans, mille rêves et notre visiteur,subjugué,approuvait sa démarche.
     » Tope là mon ami, dit Tolérant,on commence demain
    – pourquoi attendre,s’insurgea Aimé,commençons maintenant,ce n’est pas le travail qui manque! »
    Ils se répartirent les tâches,engagèrent des bénévoles en bonheur.Ils inventèrent un nouveau chant de bien être,firent pousser bleuets et ajoncs sur les scories séculaires.
    Libérant les animaux enchaînés,les écoliers opprimés, les ouvriers sous payés.Ce fut la liesse générale,les habitants relevaient la tête.

    Très loin de là, les parents de Tolérant qui coulaient des heures sombres dans une maison de retraite surpeuplée,entendirent parler de cette vague de joie qui envahissait le pays.Ils y reconnurent aussitôt le travail de leur petit dernier. Emus,ils se regardèrent et sourirent devant tant d’audace.

  12. Beryl Dey Hemm dit :

    Né par hasard de braves gens, personne ne l’avait vu arriver. Il pensait traverser l’existence incognito, mais ça ne s’était pas passé comme il croyait.
    Tout petit déjà on lui demandait de prendre parti pour l’un ou pour l’autre, ou on lui proposait continuellement des dilemmes, des choix : Que voulait-il pour terminer son repas ? Une pomme ou une poire ? Un jour il avait répondu un scoubidou, ce qui lui avait valu d’être privé de dessert. Ou alors on voulait savoir dans quel camp il était, avec quelle équipe il voulait jouer, qui entre deux camarades avait raison. Toujours à choisir, toujours à se ranger derrière l’un ou l’autre, avec immanquablement un risque de représailles à la clé, une réprimande, une bagarre même dans les cas les plus sérieux.
    Aussi avait-il très tôt adopté une position qu’il voulait philosophique, du ni oui ni non, ou alors de l’énigme – le temps que l’autre cherche à comprendre on était passé à autre chose – ou bien du discours très alambiqué énumérant les mérites de chaque position contradictoire pour embrouiller l’enquiquineur. Pour cela il avait été à bonne école. Il avait fait ses études dans un institut de politique réputé qui formait tous les dirigeants du pays. Lui-même en était sorti avec les félicitations de ses professeurs après une thèse interminable sur « le risque mérite-t-il d’être pris?». Aussi était-il bien armé dans la vie. Il devint avocat et fut très vite réputé pour sa facilité à plaider pour ou contre selon le cas qui se présentait. On ne savait jamais qui il allait défendre de l’accusé ou de la victime. Seul son bon plaisir le guidait, en toutes circonstances.
    Son métier avait de grands avantages : notable parmi les notables de sa petite ville de province, il savait garder ses distances, et on s’adressait à lui avec déférence. Il s’habillait de gris, ce que le sérieux de son état justifiait (selon lui du moins), avec l’avantage ainsi de ne pas se faire remarquer et de se confondre avec le gris du ciel, à peu près permanent dans la région.
    Un jour cependant, il apprit par une affiche placardée sur un mur qu’il devrait désormais orner son paletot gris d’une étoile jaune. Il ne connaissait pas la raison et ne voulait d’ailleurs pas la connaître, l’expérience lui ayant démontré que la question « pourquoi » était souvent source d’ennuis . Il regarda autour de lui et s’aperçut que plusieurs citoyens portaient déjà docilement cet ornement. Il réfléchit, pesa le pour et le contre, c’est à dire se demanda comme à son habitude comment il passerait le plus inaperçu, avec ou sans l’étoile, et opta pour le port. Après tout, l’obéissance était le meilleur moyen de ne pas avoir d’ennui avec les autorités.
    Peu de temps après, il fut convoqué et invité à se rendre dans un vélodrome pour un contrôle de routine. Quand il arriva, une foule de gens attendaient déjà, alignés devant des panneaux marqués des lettres de l’alphabet. L’attente fut longue mais enfin on les dirigea vers des quais où les attendaient des trains. Il regarda autour de lui. Il vit une foule grise et indifférenciée qui avançait en masse compacte dans le noir de la nuit. Il s’y fondit et sourit. Son rêve se réalisait : il ne s’était jamais senti aussi anonyme.

  13. smoreau dit :

    Elle est entrée dans la vie par une porte dérobée
    personne ne l’avait vu passer.
    Elle pensait traverser l’existence incognito,
    mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça… Née un 29 février, entre chien et loup tout de suite elle s’était sentie différente. Bébé, sage et silencieuse, on l’oubliait facilement dans un coin. Elle ne pleurait jamais. Elle était fine, transparente et sans odeur. Sa propre mère avait oublié de la prénommer.
    On lui parlait très rarement, on disait « l’autre ». Elle rasait les murs, était diaphane. Murmurait plus que ne parlait. Elle avait un regard vague. Parfois troublé. Cela lui plaisait cet entre-deux. Ni là, ni pas là. Habilement, elle se dérobait à la vue des autres. Comme une plume, elle traversait la vie. D’humeur évaporée, elle flottait au-dessus des problème, volait à un mètre au-dessus du sol. Ne s’attachait à rien ni personne. Elle cheminait doucement sans bruit.
    Hors du temps, à côté du monde.
    Un jour, pour la première fois de sa vie, elle se cogna à un être. Ou plutôt elle s’enfonça dans quelqu’un qu’elle ne voyait pas. C’était mou et doux. Translucide et compacte. Elle recula le plus vivement qu’elle put. Elle écarquilla les yeux, vit une espèce d’ombre blanche aux contours flous. Elle entendit quelques mots ouatés.
    « N’aie pas peur, je suis juste ton fantôme ! »
    « Ah ? »
    « Je suis une partie de toi, approche ! Tu m’as oublié dans les limbes à ta naissance. Je m’étais un peu éloigné et tu es né sans moi »
    « Ah ? »
    « Veux tu te rapprocher pour que je me recolle ? »
     » Non… je suis bien comme ça »
    « Ah ! mais tu n’as pas le choix, on ne fait qu’un ! Si tu bouges pas, j’arrive !
    Et d’un bond le fantôme vint se coller à « l’autre ».
    Elle était entière !
    « oh la la que c’est lourd »
    Elle passa devant un miroir et se reconnut à peine. Elle était pleine, vraie, compacte, colorée, belle même !
    Elle se sourit et dit son premier OUI à la vie.

  14. Vulnerant omnes, ultima necat… Bravo Laurence.

  15. Christophe dit :

    Elle pensait traverser l’existence incognito, mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça…
    Elle est entrée dans la vie par une porte dérobée personne ne l’avait vu passer. Mais elle ne passait pas inaperçue. Je ne saurais trop dire pourquoi.
    – Moi je pense que c’est parce qu’il était impossible de ne pas se faire du souci pour cette enfant, c’était impossible. Elle était tellement différente, tellement pâle. Tu te souviens, quand elle était intimidée, sa manière de regarder par-dessus son épaule et de murmurer. Elle parlait à Josh, son petit frère.
    – Qui est ce Josh ?
    – Son petit frère imaginaire. Sa mère avait fait une fausse couche, quand la petite avait cinq ans, mais dans sa tête, Josh était venu au monde, il grandissait à ses côtés et jouait avec elle.
    – Elle était folle.
    – Je t’interdis de penser ça. Elle était juste entre, entre ici et ailleurs. Elle trimbalait juste un ou deux univers de plus. Bien sûr, les autres gamins se moquaient d’elle. Alors elle changeait d’univers. Et puis sa mère, oh sa mère, derrière laquelle elle galopait avec ses jambes trop petites, toujours à lui crier dessus pour des histoires d’horaires, de travail, de choses importantes. Elle n’a jamais rien compris sa mère, ce canard sans tête, que pouvait-elle voir ? Rien su, rien vu. Et sa voix, tu te souviens de sa voix ?
    Une voix cassée, rauque, monotone. Elle t’assénait des vérités à te glacer le sang, comme ça, naturellement. Et c’est ce naturel, cette innocence qui était glaçante. Un jour, elle n’avait pas sept ans, elle est passée devant moi avec son petit vélo, m’a regardé droit dans les yeux et m’a seulement dit « tu bois trop, ta femme va partir ». Avec ses silences, avec ses yeux vides, elle épongeait les âmes. Personne ne l’a jamais vu pleurer, personne ne l’a jamais vu rire. Les idiots la croyaient insensible alors qu’elle avait le ventre gonflé des chagrins et des joies de tous ceux qu’elle croisait.
    – Et comment est-elle morte ?
    – On dit que quand son père est revenu de la guerre, quand il a ouvert les bras pour l’embrasser, la petite a vu ses yeux, a poussé un cri et s’est évanouie. Elle ne s’est jamais réveillée. On dit qu’elle a vu dans les yeux de son père toute la terreur et tous les morts de la guerre.
    Quand on a rangé sa chambre, on a trouvé un cahier où elle décrivait tous les gens du quartier, tous les gamins de l’école, même les plus mauvais et ce qu’elle écrivait, là dedans, c’était rien d’autre que de l’amour.Tu vois, il était impossible de ne pas se faire de souci pour cette enfant, impossible. Trop d’amour pour passer incognito.

  16. Il est entré dans la vie par une porte dérobée
    ce grignoteur d’espace
    ce dérobeur d’endurance
    ce trépaneur de mémoire

    Personne ne l’a vu passer.
    Cet entraineur de sablier
    ce voleur de couleurs

    Il pensait traverser l’existence incognito,
    ce façonneur de rides

    Mais ça ne s’est pas du tout passé comme ça.
    J’ai fini par le remarquer et j’ai convoqué toute une armée pour le contrer
    Des bras danseurs
    Des cheveux boucleurs
    Des mots douceurs
    Des yeux frondeurs
    Des pieds déambulateurs
    Une bouche en cœur
    On ne me le fait pas à moi, le coup du temps qui passe!

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